• Quel beau samedi ensoleillé! Je ne vois plus la Forêt Noire tant je suis ébloui par ce feu hivernal... Curieusement, mes transferts de textes et de photo se sont très bien passés... Deviendrais-je moins nul? Bonne lecture...

     

     

     

     

    La Saga de Luc

    disponible aux Editions les 3 Colonnes 

     

     

    La fête du Sablon - Les cousines - La quête

    L’espérance et le Philharmonique - La lessiveuse

      

     

     

    - C’est ta sœur Nounou, tu ne dois pas la juger, c’est sa vie, et si elle se fait bienLa Saga de Luc ( suite ) payer, que ça lui rapporte...

    - Tu parles! Un polichinelle dans le tiroir, ça oui, sur les quatre filles, pas une qui se ressemble!

    Luc connaissait bien les intonations de sa mère, et la jalousie maladive qui transparaissait dans ses propos outranciers, dans le fond, cela ne lui déplaisait pas de la voir se consumer d’envie.

    Cette nuit là, le garçon resta éveillé tard, le sommeil le fuyait. Loin de sa chambre, très loin, au bord de la mer bleue, deux autres garçons, ses frères, vivaient avec un homme et un grand chien noir. Ses frères et son père. Pourquoi celui-ci ne m’a pas parlé, se répéta Luc pour la millième fois, pourquoi ne m’a-t-il pas gardé, comme il a gardé Marc? C’est lui mon vrai père, maintenant je sais. Il me trouvait trop petit, trop moche?Il ne voulait pas d’un enfant maigre aux joues creuses? Je ne l’intéressais pas, je l’ai bien vu, il ne m’a pas parlé. Pourquoi ne m’aime-t-il pas? Qu’est-ce que j’ai fait?

    Il pleura en silence et s’endormit sur l’image d’une plage où il marchait, la main serrée dans celle d’un grand monsieur.

     

    - Debout! Vous allez être en retard!

    Dimanche! La fête allait réellement commencer! Le soleil entrait profondément dans la chambre par la fenêtre grande ouverte, les martinets commençaient leurs slaloms.

    Les deux enfants se préparèrent sans se faire prier. Oui, une vraie fête, avec de la brioche aux raisins pour le petit déjeuner.

    - Dépêchez-vous, vous allez être en retard! Et fais bien attention à ta sœur, et ne traînez pas en route!

    Elle tendit à chacun une pièce de cinq francs pour la quête, peut-être aussi pour se faire pardonner de ne jamais mettre les pieds au temple. 

    Ils passèrent devant la place de l’école, tout était silencieux, figé. Mais à midi les manèges tourneraient, l’odeur de la poudre des stands de tir se mélangerait à celle des amandes grillées, des pommes d’amour et des nougats. En attendant, l’école du dimanche leur tendait les bras... Ils marquèrent un arrêt devant la vitrine de la boulangerie en haut de la rue, les confiseries y étaient si bien présentées...

    - Dis Marion, si tu achetais cinq caramels avec tes sous, deux pour moi et trois pour toi, tu vois, je suis gentil.

    - Tous les dimanches c’est la même histoire, c’est moi qui dois dépenser mes sous de la quête, c’est ton tour pour changer!

    - Ce que tu peux être bête, c’est kif-kif!

    - Non, après, moi je n’ai plus rien à donner à la quête.

    - Ce n’est pas grave, je dirai que je donne pour toi, sois pas stupide, personne ne le saura.

    - Si c’est pareil, pourquoi je dirais pas que je donne pour toi?

    - Tu le fais exprès ou quoi? C’est pareil et c’est pas pareil en même temps. Moi je suis plus grand, alors c’est normal, d’accord?

    - C’est pareil et c’est pas pareil... C’est pas parce que je suis une fille que je suis une idiote, il ne faut pas croire.

    - Bon, tu fais quoi?

    La pièce de cinq francs brûlait les doigts de Marion, ses yeux louchaient vers les bocaux de caramels, la tentation trop forte se lisait sur son visage.

    - C’est sûr que tu diras que tu donnes pour moi?

    - Promis, juré, vas-y.

    Elle n’attendait que ça pour se ruer dans le magasin. La longue trotte jusqu’au temple devenait une agréable promenade avec ce beau soleil, ils paradaient dans leurs habits du dimanche et suçaient leurs caramels de façon à les faire durer le plus longtemps possible. Leur arrivée coïncida avec la sortie de l’office pour les adultes. Le pasteur serrait les mains, distribuait sourires et mots gentils pour chacun. Des groupes d’enfants galopaient autour du temple en faisant voler les graviers. Luc héla André adossé à la grille.

    - Salut, ça va?

    - Ouais, vivement que ça se passe, j’ai plein de fric pour cet aprèm, qu’est que je vais me mettre! Et toi, tes vieux t’ont filé combien?

    - T’en fais pas pour moi, j’ai ce qu’il faut mentit Luc, jaloux de constater qu’André portait un pantalon, alors que lui devait se contenter de culottes courtes, été comme hiver. C’est pour t’endurcir lui disait sa mère.

    André lui posa la main sur l’épaule.

    - Tiens, regarde, il va secouer...

    Luc se tourna dans la direction que lui indiquait son copain. Il vit un homme de dos, de l’autre coté de la rue, dans un renfoncement entre deux façades.

    - Ben quoi, il pisse, et alors?

    - Attends, tu vas voir, il va secouer et donner un coup de cul en arrière.

    - Il va secouer quoi?

    - Qu’est-ce que tu es cloche, tiens, tu vois?

    En effet, même de dos, on voyait bien le mouvement du bras et des fesses. L’homme se retourna et se dirigea vers le café en se reboutonnant.

    - Alors, t’as vu?

    - Oui j’ai vu, il secoue quoi de particulier?

    - Son zob, enflure! Tu ne savais pas ça? C’est pour faire tomber les dernières gouttes, jobard, et plus tu es vieux, plus il faut que tu secoues!

    Les cloches qui invitaient les enfants à entrer dans le temple le dispensèrent de  justifier son ignorance sur un sujet si délicat. Les filles prirent place à gauche, les garçons à droite, en groupes distincts, les débutants comme Luc, et les autres, et les candidats à la Confirmation. Toujours souriant, le pasteur prononça quelques mots de bienvenue. Les adultes bénévoles se levèrent, la bible ouverte pour commenter le texte du jour. La vigilance s’imposait, ne pas se laisser surprendre et répondre sans hésitation aux questions se rapportant à la lecture du jour. Luc le savait, ce qui ne l’empêcha pas de s’évader en pensée du coté des filles. Son regard croisa celui de Suzanne et de Marthe. Ce qu’elles étaient jolies dans leur robe du dimanche, et leur coiffure donc, rehaussée de rubans de couleur! Malheureusement, Anita et Gabrielle ne fréquentaient pas ce temple trop éloigné de leurs domiciles.

    - Dis donc Luc, ça t’intéresse ce que je  dis? ( à suivre )

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  • Je m'aperçois que de nombreux textes sont répétés, je ne comprends pas, j'ai envie de jeter mon ordi par la fenêtre... Comment faire de l'ordre dans toutes ces manipulations?

    Pour celles et ceux qui voudraient s'éviter de comprendre ces mauvaises manipulations, il reste le texte en entier;

    La Saga de Luc

    disponible aux Editions les 3 Colonnes

     

     

     

    La fête du Sablon - Les cousines - La quête

    L’espérance et le Philharmonique - La lessiveuse

     

     

     

     

     

    Une effervescence, une fébrilité inhabituelle agitait le monde des enfants : les premières voitures des forains arrivaient pour la fête du quartier. Pendant une longue semaine, avec deux dimanches, les lumières les bruits, les cris et les odeurs allaient révolutionner le quartier en irradiant les rues depuis la place de l’école. Des camions aux museaux raplatis manoeuvraient dans des grondements de moteurs pour placer des remorques et des roulottes chaussées de bandages pleins. Ce veinard de Jeanjean proposa juste à temps ses services. Sa participation au déchargement et à la mise en place des cales en bois destinées à stabiliser la structure de la chenille, allait lui rapporter cinq à dix tours gratuits. Quand Luc réussit enfin à vaincre sa timidité, toutes les places étaient pourvues. - Désolé mon petit gars, il n’y a plus rien pour toi, fallait venir plus tôt. Il s’éloigna, dépité, prit le ciel à témoin, oui rumina-t-il, je ne pouvais pas venir plus tôt, Jeanjean, lui, n’a pas besoin de faire la vaisselle, ses deux grandes sœurs s’occupaient de tout, alors... Il alla rôder autour de la grande roulotte de la confiserie, encore ému par le sourire échangé l’année passée avec la fille des patrons. Elle ne pouvait pas ne pas le reconnaître. Deux hommes, torse nus, sortaient du matériel d’une remorque. Il s’en approcha craintivement quand il remarqua la fille assise en haut des marches de la belle roulotte. Elle croquait une pomme, le vit et lui lança un grand sourire ce qui eut pour effet de le faire rougir. Il se traita d’andouille, s’en voulut de ne pas savoir contrôler ses émotions. Il aurait dû rester, faire le brave, proposer ses services. Non seulement il aurait eu l’occasion en or de parler à la fille devenue rudement mignonne, mais en plus, le moment venu, elle lui aurait peut-être servi des parts généreuses de nougat râpé, son régal. Il croisa Pinpin. - T’as vu Luc, des autos tamponneuses cette année, c’est vachement bat! Le montage commençait en effet à l’autre bout de la place, juste à coté du stand de tir. La vache, oui, ça allait être sensass. De plus, il y aurait un grand repas ce dimanche, avec des invités, et pour que ce soit vraiment la fête, sa mère achèterait un poulet, ferait des tartes et des brioches. Les écoles participaient aussi à la fête du quartier, pas classe le lundi! La bonne humeur ainsi qu’une certaine forme d’excitation faisaient vibrer toute la rue Saint Livier, un peu comme avant Noël, le soleil et la chaleur en plus. Le clocher indiqua seulement quatre heures mais Luc décida de rentrer et de montrer le maximum d’empressement, d’une part dans l’espérance d’arracher à sa mère l’autorisation de rester dehors le soir, jusqu’à neuf heures, et pourquoi pas, arracher quelques pièces pour des tours de manège. - Ah te voilà, tu arrives bien, j’ai justement de l’eau chaude, je vais te laver. Tu es crasseux comme un peigne, à me faire honte dans le quartier, allez, déshabille-toi! Quelle horreur! Le samedi et sa séance obligatoire de lavage! Il avait bien tenté de se rebeller, de faire valoir ses dix ans, sans obtenir plus de résultat qu’une gifle. Il se dévêtit dans le coin sombre de la cuisine, le dos tourné, il s’avança ensuite vers la cuisine, les deux mains croisées sur son sexe. Hélas, il fallait bien monter sur l’évier, et pour se faire, les deux mains s’avéraient indispensables. Comme à chaque fois, il se cogna la tête dans le placard en se redressant, serra les dents et présenta son dos. Sa mère maniait le gant de toilette avec autant de force qu’un palefrenier qui étrillerait son cheval. Le garçon attendait et redoutait l’instant décisif, celui où il devait ravaler sa révolte. - Allez, tourne-toi maintenant, je n’ai pas que ça à faire! Il se retourna, les mains plaquées sur l’endroit névralgique. - Enlève tes mains, enlève-les que je te dis! Il l’aurait fusillée. Un claque, une mauvaise, une qui fait le bruit sec d’un pistolet à amorces le força à obtempérer, lui le seigneur des mers et des océans! - Tu en fais bien des manières pour ton misérable asticot, lève les mains plus haut ou tu en prends une deuxième. Comme les fois précédentes, Luc adopta l’attitude qui lui semblait la plus digne, il croisa les bras et regarda par la fenêtre ouverte, il attendit que ça se passe. - C’est terminé, regarde un peu la crasse dans la bassine! Quel plaisir après ce désagrément d’enfiler des vêtements propres, de se sentir tout neuf! - Marion, c’est ton tour! La petite fille avait largement anticipé et gambadait dans la cuisine, nue, une poupée serrée dans les bras. - Tu n’es qu’une pisseuse qui se promène cul nu énonça son frère, sans attendre de réponse. Il s’approcha de la cuisinière, résista cependant à la tentation d’ouvrir la porte du four d’où sortaient des odeurs vanillées. Il sonda le plafond, inspira à petits coups. Streusel ou tarte au sucre? Qu’importe, les deux étaient vachement bons. Des explosions montaient de la rue, les premiers pétards de la fête donnaient de la voix, accompagnées de cris et de rires. C’est la tante Martine qui serait l’invitée le lendemain elle présenterait son nouveau Jules. Les trois cousines viendraient aussi, Eliane, Carmen et Monique. Luc l’apprit en surprenant une conversation entre sa mère et Maurice. - Elle va venir avec son dernier mec, s’il reste, il a bien du mérite pour se mettre sur le dos une divorcée plus quatre filles... La quatrième, Lucie, restait à la campagne, élevée par les grand-parents. - Mais Nounou, il est certainement gentil ce Paul, suggéra Maurice mal à l’aise pour argumenter. Et puis, certaines comparaisons s’avéraient assez délicates, ne vivait-il pas en compagnie d’une divorcée, mère de quatre enfants? La réflexion de sa mère réveilla des souvenirs enfouis au plus profond de sa mémoire. Oui, brusquement il revoyait le ciel bleu vif, les galets, les vagues et les cris des goélands. Ils habitaient un hôtel, l’odeur écœurante du potage aux carottes lui sauta au visage. Mais oui! Marc, son grand frère était présent, il l’avait complètement oublié celui-là. Et cet autre garçon aux cheveux frisés, alité? Sa mère l’avait embrassé et lui avait dit, la voix chargée de sanglots, - Bonjour Dany, c’est moi ta maman, tu me reconnais? Le garçon la fixa de ses yeux fiévreux sans répondre, il se tourna sur le coté, vers le mur. Un beau soleil chauffait la plage de Saint Raphaël, chassant pour un temps le froid de Janvier. Luc et sa sœur découvraient la mer. Marion courait en poussant des cris aigus au devant des vagues. Il se souvint nettement qu’elle trébucha et tomba les fesses dans l’eau. Sa grande culotte en laine bleue, gorgée d’eau lui tombait sur les genoux. Protégée par deux rochers, sa mère en pleine séance de bronzage lui cria, - C’est bien fait pour toi, gèle-toi les fesses et ne viens pas m’embêter! Toutes ces images en apparence confuses, cependant aussi nettes que des photos, se succédaient dans un désordre qu’il fallait maîtriser. Il y eut un retour, long et pénible, une impression de voyage dans un tunnel sans fin. Le wagon était sombre, glacé et bondé. Une image plus forte jaillit. Il voulut aller aux toilettes et se faufila entre les grandes personnes debout dans le couloir. Arrivé enfin à l’extrémité, un déhanchement brutal du wagon ouvrit la portière, un souffle glacé le happa et il tomba dans le vide de la nuit. Un homme le rattrapa de justesse par les cheveux, l’homme et l’enfant roulèrent entre les jambes des voyageurs. Un visage flou, une forte odeur de tabac, c’est tout ce qu’il lui restait de cet épisode. Des voix de femmes aussi. - Quelle honte! Elle est où sa mère? Laisser un gamin se promener seul dans un wagon la nuit! - Oui, c’est bien malheureux, il y a des coups de pieds dans le cul qui se perdent, après tout ce qu’on a vécu, quelle époque! A moitié endormi, les genoux raidis par le froid, par la bise qui cinglait ses jambes nues, Luc revit la gare où il fallut changer de train. Des rafales de neige filaient presque à l’horizontale sur les quais, il était fatigué, transi, tenaillé par la faim. Marion marchait en dormant. La fin du voyage se perdait dans un oubli curieux, comme une anesthésie. Partis à quatre, ils revenaient à trois. Marc était resté à Saint Raphaël. Luc émergea lentement de ses souvenirs, sa mère terminait une phrase. - ...à poil, oui, à poil! Quelle honte, et dans les escaliers en plus, cette traînée! Se faire photographier à poil, et elle dit que c’est de l’art! - C’est ta sœur Nounou, tu ne dois pas la juger, c’est sa vie, et si elle se fait bien payer, que ça lui rapporte... - Tu parles! Un polichinelle dans le tiroir, ça oui, sur les quatre filles, pas une qui se ressemble! Luc connaissait bien les intonations de sa mère, et la jalousie maladive qui transparaissait dans. ( à suivre )

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    Le bunker du Japonais - La distillerie - Les lapins sont des cons

    Le radeau sur la Seille - La culotte de Lucette

      C’est vrai! jura Pinpin, je l’ai entendu aussi, et toi, ta balistique, c’est rien que des pissettes molles, t’as fermé les yeux, je t’ai vu!

    Un train de voyageurs les isola dans un nuage de coton. Ils trépignèrent de joie aux coups de sifflets belliqueux de la machine.

    - On y va, il est déjà cinq heures!

    Le Chemin du Lavoir descendait en pente douce, puis remontait vers la Place de l’Eglise. De nombreux potagers bordaient la droite de la descente, le haut mur du couvent fermait le coté gauche sur toute la longueur. Les branches chargées de grappes de cerises noires pendaient dans le vide comme autant de tentations et d’appels au péché. Les quatre têtes fixèrent les fruits sans y croire, ces maudites cerises les narguaient, si près que l’oeil distinguait les gonflements inégaux de la peau tendue des fruits, et pourtant, si loin... Malgré l’année passée, les trois mètres de surface lisse restaient infranchissables. Pinpin soupira,

    - Comment on va faire, c’est vachement haut...

    Le petit Yvan arriva à la rescousse.

    - Il faudrait tout simplement construire un échafaudage, c’est tout... Suffit d’avoir des idées.

    - Eh banane! Avec quoi tu veux le construire, de la poudre de perlimpinpin peut-être?

    Jeanjean voulut détendre l’atmosphère.

    - On s’assoit, on ouvre la bouche et on attend qu’elles tombent!

    Luc se tordit de rire.

    - Je vois tout à fait le tableau, toi en bas,la bouche grande ouverte, et en haut, un merle qui se goinfre de cerises, qui lève la queue, et toi qui gobes une belle chiure!

    Pinpin qui s’était éloigné revint vers le groupe en se frottant les mains.

    - Peut-être qu’elles sont pas si bonnes que ça les cerises, j’ai une meilleure idée. Suffit de grimper sur le grillage des jardins et on se tape plein de bonnes fraises. Il y en a tout un carré plus loin.

     La bonne humeur chassa la vue consternante des cerises, de plus, l’escalade du grillage n’offrait aucune difficulté. Ils s’abattirent sur le carré de fraises, sans avoir vu quelques lopins plus loin, un homme accroupi sur ses sillons de salade. Relevé, il repéra les chapardeurs et s’avança à grandes enjambées.

    - Eh les mômes, qu’est-ce que vous foutez là!

    La panique s’empara des garçons. L’homme se rapprochait vite, une pioche menaçante à la main. Un coup d’oeil suffit pour se rendre compte que le grillage vu de l’intérieur paraissait bien plus haut, presque une muraille.

    - Chacun dans une direction différente, cria Luc.

    Jeanjean coupa au plus court, c’est vers lui que l’homme accéléra. Pinpin couinait comme un goret, la peur lui donnait des ailes. Comment le petit Yvan s’était-il arrangé pour se trouver déjà de l’autre coté? A califourchon sur le grillage, Jeanjean encourageait son frère, l’exortait de toute la force de ses tripes.

    - Vite! Vite! Attrape ma main!

    Le jardinier rendu furieux par la fuite des trois autres se rabattit sur Luc. Celui-ci tenta un zig-zag trop serré, glissa dans la terre mouillée et s’affala dans une planche de petits pois à rames, couverts de filets de protection contre les oiseaux. Une peur désespérée lui vrilla l’estomac. Il ne pensait plus, ne réfléchissait plus, les coups de pioche qui allaient lui tomber sur le dos lui arrachaient des gémissements. Il voulut se débattre, pris au piège des mailles des filets accrochés aux boucles de ses sandales et à la boucle de sa ceinture.

    - Attends petit saligaud, je vais t’avoir!

    Il ne lui restait que quelques mètres à franchir. Un formidable instinct de survie aiguillonna le garçon qui s’arracha du sol, entraînant dans son sillage les filets, les rames et les petits pois.

    - Je te tiens!

    Luc entendit à peine sa condamnation à mort. Il ne courait plus, il volait. Des glaïeuls et des carottes s’ajoutèrent aux petits pois. Il obliqua pour éviter une armada de tuteurs pour les tomates. L’homme n’eut pas le temps de corriger sa trajectoire, il se prit les pieds dans un morceau de filet et chuta lourdement. Il avait été si près du but que le garçon pu flairer son haleine chargée de tabac. Le poids du jardinier contribua à faire céder les mailles et libérer Luc de son encombrante parure. Jamais il ne comprit d’où lui vint la force pour franchir le grillage d’un seul bond. Il courut jusqu’en haut du chemin où l’attendaient ses copains.

    - Bravo hurla Jeanjean, t’as sauté comme un gazelle, putain, quelle frousse j’ai eue pour toi!

    - Tu aurais pu nous ramener des petits pois, railla le petit Yvan.

    - Tu parles, j’en suis dégoûté jusqu’à la fin de mes jours! La vache!

    - Ah dis donc, t’aurais pas du bouger, il t’aurait pas vu avec ton camouflage, je te voyais même pas! Purée, la frousse, on aurait pu passer à la casserole... Faut dire qu’elles étaient vachement bonnes les fraises.

    Le clocher sonna six heures.

    - Il est l’heure, on fonce!

    - Continuez sans moi, je dois trouver des fleurs pour ma mère, salut!

    Un grand saule pleureur couvrait de ses rameaux tout un coin du petit parc sur la Place de l’Eglise, endroit très prisé par les mères qui venaient s’asseoir pour tricoter en bavardant, attentives aux gazouillis de leurs bébés. Luc passa devant deux personnes âgées en pleine discussion, d’un pas décidé, et dès qu’il eut la certitude de ne plus pouvoir être observé, il se jeta dans le feuillage des arbustes. La sueur perlait sur son front, son cœur cognait, ce n’était pourtant pas la première fois qu’il se servait à cet endroit. La hantise de se faire prendre par le curé ou le bedeau, ou pire encore, une sœur du couvent, lui arrachait des jurons et des grognements lorsqu’une branche lui résistait.

     Son gros bouquet de verdure à la main, il traversa la place au galop.

     

     

     

    Suite et fin de ce chapitre, avec un aperçu du suivant... Un teaser, en quelque sorte... Bonne Nouvelle Année!

     

     

     

     

     

     

     

     

     La Saga de Luc (suite ) 

     

     

     

     

     

    La fête du Sablon - Les cousines - La quête

    La Saga de Luc (suite)L’espérance et le Philharmonique - La lessiveuse (à suivre)

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    Dernière publication de cette année! J'espère que vous lisez toujours avec autant d'intérêt, si oui, vous connaitrez la suite et fin au cours de 2024... D'ici là, passez de joyeuses fêtes et armez-vous pour affronter une nouvelle année...

     

    La Saga de Luc (suite )

     

     

     

    La Saga de Luc  (suite)

     

     

     

    Le bunker du Japonais - La distillerie - Les lapins sont des cons

    Le radeau sur la Seille - La culotte de Lucette

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Il se coucha, sortit son petit robinet au bout pointu et le rentra dans le trou. Immobile quelques secondes, sous le regard inquiet de ses copains, il pouffa de rire.

    - Ouais, c’est vrai que c’est frais, c’est tout mouillé dedans et ça chatouille!

    Luc aurait bien essayé si sa pudeur ne l’avait pas retenu. Il rappela leur but.

    - Allez les gars, on y va, le radeau de l’aventure nous attend.

    Bien vite, l’enthousiasme du début se transforma en désenchantement. Les canifs entaillaient à peine les roseaux, les feuilles aussi tranchantes que des rasoirs bariolaient leurs mains et leurs bras d’estafilades sanglantes. Le plan de  départ supposait de former une douzaine de bottes reliées entre elles par des ficelles. Ensuite, ils auraient planté un mât et y auraient fixé une taie d’oreiller, elle aussi empruntée à la marseillaise. Tous les efforts n’avaient produit que deux bottes.

    - J’en ai plein le cul, je m’arrête, décida le petit Yvan.

    - Moi aussi j’en ai marre, s’excusa Jeanjean.

    Luc se rendait bien compte que leur projet dépassait leurs possibilités, mais être lâché ainsi, sans gloire, lui répugnait. La transpiration lui incendiait les yeux, des mouches aussi entêtées que voraces venaient se coller sur ses plaies. Il était vexé. Il tenta de leur insuffler le courage qui fuyait.

    - Allez les mecs, les deux bottes sont liées, je les jette à l’eau, qui veut essayer?

    Dans l’eau jusqu’à la taille, en équilibre sur une berge glissante, il retenait le début de radeau par une ficelle.

    - Alors, qui veut monter?

    Les eaux vert foncé semblaient redoutables, le courant rapide, et l’autre berge si éloignée... Jeanjean et le petit Yvan se consultèrent à voix basse. Jeanjean prit la parole, le petit Yvan affichait son parfait air de faux-cul, tout restait à craindre...

    - On a décidé. Mon frère est trop petit, et nous, éh bien, on doit laisser l’honneur au chef.

    Quelle était loin l’image de la descente triomphale! Mon Dieu se dit Luc, je ne sais pas nager... Le fond insondable le terrifiait. Il savait par des pêcheurs que des brochets monstrueux aux gueules garnies de centaines de dents naviguaient dans ces eaux sombres. Résigné, par bravade autant que par désespoir, il lança à la cantonade,

    - J’y vais bande de dégonflés, voilà ce que vous êtes, des dégon... Ahh!

    Ses talons  perdirent leur prise, ses bras fouettèrent l’eau. Il se débattit tant et si bien qu’il réussit à monter à califourchon sur les bottes de roseaux. Surpris par la rapidité des événements, puis horrifiés, les gamins plantés sur la berge virent le radeau s’enfoncer dans un bouillon de bulles, emporté par le courant. Muet et livide, Luc sentit le radeau flotter, sous la surface de l’eau, mon Dieu, pria-t-il, je ne veux pas mourir! Il ne vit plus ses copains qui couraient et hurlaient sur la berge, masqués par l’épais écran des roseaux. Il allait périr corps et biens, si seulement sa mère l’avait puni, si seulement elle l’avait empêché de sortir... Il versa une larme sur sa mort imminente, souhaita que l’on retrouve son cadavre, convaincu de vivre les dernières secondes de sa vie. Quel spectacle étrange, une tête de garçon, affleurant à peine la surface, la nuque raide qui avançait, porté par le courant!

    - Luc! Luc! Fais pas le con! Ne te noie pas!

    Brave Jeanjean, un vrai copain... Ce couillon de petit Yvan, qu’il y vienne à ma place...

    Les roselières s’arrêtaient après la courbe de la rivière, en vue du grand pont métallique du chemin de fer et des rochers qui remontaient du fond de la rivière. Les pieds de Luc raclèrent le fond, il n’osa pas soupirer de soulagement, son équilibre restait encore trop précaire. Il pouvait maintenant marcher dans l’eau. Libéré de son poids, le radeau roula à la surface, emporté par le courant.

    - Sauvé! Il est sauvé! Hourra!

    Le petit Yvan et Jeanjean tendirent une main charitable et hissèrent leur copain sur la berge.

    - T’as pas eu les chtouilles, demanda Pinpin, le visage encore couvert de larmes.

    Luc secoua négativement la tête. Il ferma les yeux, inspira, puis répondit sur le ton d’un homme qui aurait regardé la mort en face.

    - Je m’y connais en navigation, j’ai bien maîtrisé le radeau, je le dirigeais avec les genoux... Ça ce n’est rien, quand on a le bon matériel, mais le reste... J’ai bien failli y laisser ma peau, ouais...

    - Le reste? Quoi? Parle!

    Les traits tendus, le regard fixé sur une vision de cauchemar, il sortit son Opinel de la poche.

    - Vous voyez ça? Mon couteau m’a sauvé la vie, vous n’avez aucune idée...

    - Idée de quoi? Mais quoi?

    - Deux fois des brochets m’ont attaqué, des brochets des grands fonds, qui faisaient bien dans les deux mètres, ils m’ont attaqué par dessous, comme les requins... J’ai vu leurs gueules énormes... Y en a un qui a voulu m’attraper par la cheville et m’entraîner dans son repaire, sous une souche...

    - Et alors!

    - J’ai fait comme les indiens sur leurs mustangs, j’ai pivoté sur le radeau et une fois la tête sous l’eau, je lui ai planté mon couteau dans l’oeil... Je lui ai ouvert le ventre en me redressant. D’ailleurs, c’était une femelle, c’est pire, le ventre dégueulait des kilos d’oeufs...

    Les trois garçons dévisagèrent Luc, épouvantés. Ce morveux de Pinpin qui montrait pourtant les plus grands signes de terreur, demanda,

    - Mais alors, pourquoi t’as pas les cheveux mouillés?

    - Ben oui, c’est vrai ça, t’as pas les cheveux mouillés...

    Luc se leva, toisa son auditoire, et concéda, plein de mépris,

    - Oui, mes cheveux ne sont pas mouillés, c’est vrai... D’abord j’ai tourné très vite et d’une, et de deux, l’eau s’est évaporée avec le soleil. Pendant que je vous entendais courir et glapir, eh bien moi, j’en avais rien à foutre de mes cheveux, je luttais pour ma vie!

    Jeanjean trouva le mot juste.

    - Ouais, c’est toujours ce que je dis, celui qui n’a pas un couteau sur lui, c’est pas un homme... Merde quand même, t’as eu un sacré bol, je sais pas si j’y serais arrivé...

    Le petit Yvan dévia dans le grandiose.

    -Dommage, si tu avais pu le tirer dehors, on l’aurait accroché à la devanture du poissonnier, on aurait eu notre photo dans le Républicain Lorrain, dommage...

    Ils imaginèrent la photo, le récit, la gloire et l’admiration puis Luc revint au concret avec un problème plus urgent.

    - Je dois sécher mes habits.

    Il se déshabilla jusqu’au slip, imité par Jeanjean, à peine mouillé.

    - Tu as un drôle de slip s’étonna le petit Yvan, c’est un nouveau modèle?

    Luc rougit. Cela lui était complètement sorti de l’esprit, autrement il ne se serait pas déshabillé. Sa mère avait démaillé des chaussettes et un pull, et en utilisant la laine récupérée, lui avait tricoté un slip, la moitié inférieure en gris clair, l’autre partie en bleu marine. D’autant plus ulcéré qu’il sentait ses joues et ses oreilles s’embraser, il répondit faussement désinvolte,

    - C’est du fait main, en plus c’est de la laine, ça tient chaud dans l’eau, qui sait si ça ne m’a pas sauvé la vie...

    La moue du petit Yvan fut plus éloquente qu’un discours. Il eut le bon goût de ne pas insister et de ne pas répéter que sa mère ne l’habillait qu’en Petit Bateau.

    Jeanjean, absorbé par l’examen d’un trèfle faisait celui qui n’avait rien entendu. Il se souvenait encore de la méchante mise en boite au début du printemps et de ses larmes de colère et de honte. Les premières parties de bille commençaient, il préparait une main difficile. C’est cet idiot de Gaston qui mit le feu aux poudres.

    - Eh Jeanjean, qu’est-ce qui dépasse de ta culotte?

    - T’es con ou quoi? Tu veux que je rate mon coup?

    - Non, mais c’est quoi ça?

    Tous les regards se portèrent sur son entre-jambe où un tissu rose pendouillait. Rendu furieux par la diversion qui le déconcentrait, il baissa la tête, se regarda et dit,

    - C’est mon slip, couillon!

    Pinpin qui souhaitait voir la partie continuer et son frère gagner pensa le débarrasser  en expliquant d’un ton léger,

    - C’est une vieille culotte de ma sœur, allez Jeanjean, fous la dans le trou, t’en as quatre!

    - Ouah! La culotte de sa sœur! Elle doit avoir un beau gros cul la Lucette!

    Ce nabot de Gerber, à peine toléré dans le groupe se permit un rire destiné à faire mal, à humilier.

    - Hé les gars, regardez la belle culotte rose! Il est où le soutien-tif? Sous ta chemise?

    Quel con ce Gerber, mais il faut bien avouer que tout le monde avait bien ri. Aujourd’hui, Luc aurait presque embrassé Jeanjean pour sa discrétion. En même temps, il maudit sa mère, sa laine, ses aiguilles à tricoter.

    Le soleil avait beau taper, les vêtements ne séchaient pas aussi vite que dans les films, et il fallut bien se résoudre à les enfiler encore humides. La mini tragédie laissait des traces, malgré les fanfaronnades, chacun sentait confusément qu’un véritable drame venait d’être évité par miracle. Pinpin remarqua au milieu d’un silence,

    - Merde alors, et dire qu’on ne sait pas nager, en plus, heureusement qu’il avait son Opinel...

    - Et si on allait aux cerises, proposa Jeanjean avec entrain.

    - Bonne idée, où?

    - Ben, je pense au Chemin du Lavoir, y a plein de branches qui passent au-dessus du mur du couvent.

    - T’es pas un peu louf? C’est bien trop haut, on pourra jamais!

    L’épisode du slip oublié, Luc estima le moment mûr pour reprendre l’initiative.

    - Ouais, c’est l’année dernière qu’on était trop petit, depuis on a grandi, vous allez voir... On y va! On longe la voie ferrée, c’est parti!

    Les rails rouillés et les herbes qui envahissaient le ballast indiquaient clairement que la voie ne servait plus. Pour la bande cependant, la notion de danger devait obligatoirement épicer tous leurs faits. A tour de rôle, tous les vingt pas, ils collaient leur oreille sur un rail, comme ils l’avaient vu faire par les indiens du Far-West.

    - Y a rien, rapporta Pinpin à qui c’était le tour.

    Luc donna l’ordre de continuer, en abaissant le bras.

    Ils décidèrent de s’inspirer d’une scène dans la Bataille du Rail, scrutèrent  avec un petit frisson les épais taillis qui garnissaient le talus. Luc leva le bras.

    - Stop les mecs, on aborde une zone dangereuse, nous ne sommes pas armés et sans nos lance-pierres, on peut se faire tirer comme à la foire si on reste au milieu de la voie. Il vaudrait mieux suivre la ligne de crête, deux à gauche, deux à droite. Jeanjean, tu me suis.

     Comme prévu, le petit Yvan ne put s’empêcher de râler.

    - C’est bien gentil tout ça, moi avec Pinpin, il n’a aucune expérience et si on se fait attaquer, il ne saura pas me couvrir!

    - Bon, alors tu envoies Pinpin en éclaireur, s’il y a un danger toi tu pourras le couvrir, okay?

    Pinpin n’en menait pas large, il n’y avait pourtant aucun danger à part celui qu’ils se plaisaient à imaginer.

    - Ouais, parce que je suis le plus jeune, le casse-pipe c’est pour moi... J’en ai marre!

    Ils se faufilèrent courbés dans les massifs d’acacias, l’oeil aux aguets. Des jurons fusaient parfois,

    - Merde! Saloperie d’épines!

    - T’es con! Tu pourrais retenir les branches!

    - Me reste pas dans les pattes! T’es éclaireur, et un éclaireur ça reste devant!

    - Vous allez la fermer tas d’enflures, cria Luc, il y a longtemps qu’on boufferait les pissenlits par la racine si on nous observait!

    Le silence ne dura pas. Le petit Yvan décida de redescendre sur la voie. Tête haute, il balança les bras et marcha au pas cadencé. Il entonna à pleins poumons,

    - Jean, Jean, Jean, la bouteille au cul, si tu la casses tu seras pendu!

    - T’as de la chance que je n’ai pas de bouteille autrement tu la recevrais sur la tronche!

    La vue des entrepôts de la SNCF et des cheminots coupa court aux invectives. Le danger, le vrai, se matérialisait à l’approche des ouvriers.

    Ils remontèrent le talus pour suivre le chemin habituel et trottèrent jusqu’au pont.

    - On souffle un peu les mecs! 

    Ils s’accoudèrent sur le parapet métallique, accablés par la chaleur.

    - En vlà un, cria Pinpin.

    Le train de marchandises se profilait nettement à l’horizon. La locomotive crachait de gros nuages blancs pressés. Son halètement puissant et régulier se rapprochait.

    - Je parie que je pisse dans la cheminée, proposa Jeanjean.

    - Okay, au signal on pisse tous les quatre, je suis sûr que si on vise bien, on peut éteindre la chaudière, en batterie!

    Ils attendirent le signal, dos creusés, le zizi à l’air. Des volutes agressives s’emparèrent du pont, le tablier vibra.

    - Feu!

    Ils se reboutonnaient encore alors que la locomotive disparaissait dans la dernière courbe avant la gare de triage.

    - En plein dans le mille claironna Pinpin.

    - Tu m’étonnes, s’insurgea le petit Yvan, t’y connais rien! Moi j’ai calculé la vitesse, l’angle, ça s’appelle de la balistique morveux! Et toi Jeanjean?

    Furieux, celui-ci s’escrimait sur un bouton rebelle.

    - J’avais pas envie, autrement ça aurait fait des dégâts, j’étais le mieux placé...

    - Et toi Luc?

    - Bof, j’ai tiré au jugé, mais je suis certain d’avoir tapé dans la cheminée... D’ailleurs, j’ai bien entendu la baisse de régime. Je parie que le chauffeur n’y a rien compris, qu’il a rajouté deux à trois pelles de charbon pour compenser...  

     

    La suite, la semaine prochaine... Vous êtes gâtés aujourd'hui, non?

     

     

     

     

     

     

     

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  • A tout mon lectorat "joyeuses fêtes de fin d'année, un noël familial; de la paix et de l'espoir...

     

     

     

    La Saga de Luc (suite )La Saga de Luc  (suite)

     

     

     

    Le bunker du Japonais - La distillerie - Les lapins sont des cons

    Le radeau sur la Seille - La culotte de Lucette

     

     

     

     

    - On pourrait peut-être demander à la Droguerie? Pinpin baignait dans l’extase, ce qui ne l’empêchait pas de rester curieux. - Qu’est-ce qu’il a gueulé le Japonais! C’est quoi les roupettes qu’il voulait nous couper? Aucun ne savait. Après réflexion, Luc proposa, - Il est sûrement dingue, nous on en n’a pas. Il devait penser aux boches, ouais, on dit bien que les gigolos ont des rouflaquettes, les boches devaient avoir des roupettes pendant la guerre... Il fut décidé après cet instant, en conseil, de ne plus fréquenter pendant un certain temps la réserve de carbure, ce qui laisserait la possibilité aux lézards de se refaire des queues. Le soleil tapait dur lorsqu’ils arrivèrent à la hauteur de la casemate occupée maintenant par une distillerie. C’est là que l’an passé, Jeanjean faillit périr comme dans un film de Tarzan. Pour plus de commodité, les déchets de la distillation, principalement des noyaux de mirabelles et de quetsches, remplissaient le trou d’un cratère de bombe. La surface bien lisse semblait dure et stable. Jeanjean souhaita la tester. Ses jambes s’enfoncèrent immédiatement, sa grimace incrédule se transforma en moue de dégoût lorsque le magma de noyaux dérangé exhala des odeurs de fruits pourris et d’alcool. Sa ceinture disparut, engloutie. - Hé les mecs! Je m’enfonce! C’est des sables mouvants! Aidez-moi, vite! - Mon frère! Au secours! Vite, il pourra pas avaler tous les noyaux! Et ce crétin de petit Yvan qui faisait un grand geste d’apaisement, planté comme un poireau, le menton soutenu par une main, concentré sur des solutions fumeuses! Il s’adressa à Jeanjean, - Panique pas mec, d’abord c’était une petite bombe, une cinq cent livres tout au plus, si, si, alors ça doit pas être bien profond... Bien sûr, si deux bombes sont tombées en même temps dans le même trou, je ne dis pas... Mais les statistiques... Jeanjean n’écoutait pas, insensible sur ses chances théoriques. Il restait curieusement calme, malgré la masse jaunâtre qui atteignait ses aisselles. Une très forte odeur d’alcool sortait du trou. - Il faudrait des couvertures! - Andouille! On n’a pas de couvertures, rugit Luc, occupé à casser une grosse branche. Vexé, le petit Yvan insista, - Il faudrait trouver des lianes, comme dans le film. - T’en as plein la culotte des lianes, c’est pas la jungle ici, aide-moi à la casser cette saloperie de branche! Jeanjean avait déterminé depuis un bon moment qu’une seule bombe avait créé le cratère, car ses pieds touchaient le fond, ce qui lui permettait d’apprécier calmement le plan de sauvetage. Ce salaud se laissa tirer sans faire le moindre effort d’accompagnement. Il resta allongé dans l’herbe, dégoulinant de jus et de noyaux, enchanté par son expérience. - Ben, tu vas bouger maintenant? Tu ne vas pas rester couché là, ou alors tu attends que Jane vienne te rouler une pelle? Eh Tarzan? Plus tard, ils évoquèrent souvent ce tragique sauvetage, assis autour du feu dans leur quartier général. Au fil du temps, Jeanjean avait sombré dans les noyaux, seuls quelques bulles d’air indiquaient son emplacement. Tous couchés sur le sol pour former une chaîne, Luc l’avait saisit in-extrémis par les cheveux en le sauvant d’une mort horrible. Chacun savait bien que ce n’était pas vrai, mais pour le plaisir d’évoquer la peur rétrospective, ils étaient prêts à jurer le contraire. Et dans les grands moments, quelle belle envolée pathétique quand Jeanjean, la voix cassée, rappelait, - Tu te souviens Luc, quand tu m’as sauvé la vie? La route goudronnée s’arrêtait après la distillerie, prolongée par un chemin sablonneux. Ils devaient passer devant une vieille fermé fortifiée, étrange, inquiétante. L’entrée ressemblait à un arc de triomphe en grosses pierres de taille noircies par le temps. Une plaque gravée, sur la gauche, indiquait que Charles-Quint y avait tenu ses quartiers pendant le siège de la ville. Ils mouraient d’envie de pénétrer dans l’enceinte, mais les crocs formidables d’un gros bâtard blanc les refroidissaient à chaque fois. De plus, deux garçons de leur âge, les cheveux en bataille, le nez barbouillé de morve, leurs lançaient des pierres tout en excitant le chien. Pour cette raison, une certaine appréhension les incitait à accélérer le pas en arrivant à la hauteur de la ferme des barbares. Le chemin descendait ensuite en pente vers les champs et les prairies qui bordaient la Seille. Au passage, ils s’obligèrent à une halte dans un champ de carottes, juteuses et sucrées. Ils avançaient accroupis, les fesses vers le ciel, croquaient les racines oranges, jetaient les fanes par dessus l’épaule, un œil toujours rivé sur la hauteur, dans le cas où les barbares feraient une sortie. Après la voie de chemin de fer qu’il fallait traverser, le chemin se rétrécissait, enclavé entre deux épaisses haies d’aubépines et de mûriers abritant du regard un ruisselet seulement perceptible par des notes cristallines. Les taillis se raccourcirent, découvrant une praire coupée ça et là de fourrés, et bordée de rangées de peupliers le long de la rivière. Plusieurs fois déjà, ils eurent la prétention de chasser les lapins, armés de leurs lance-pierres. Désabusés après quelques tentatives, ils décrétèrent que les lapins étaient des cons, qu’ils couraient n’importe comment. Ce qui n’empêchait pas les chasseurs en herbe d’affirmer en avoir touché un, et gare à celui qui décelait une lueur moqueuse dans le regard de son interlocuteur. - Hé les mecs! s’exclama Pinpin, regardez! La troupe s’arrêta. Ils virent deux corps dépassant d’un taillis, allongés dans l’herbe et des fesses qui se soulevaient à un rythme régulier. Deux garçons, des grands d’au moins quatorze ans se relevèrent en s’esclaffant. L’un d’eux leur tournait le dos tandis que le second faisait face aux enfants, tous deux essayaient sans trop de hâte de faire rentrer un énorme zizi tout raide dans leur culotte. Hypnotisé par les sexes, Jeanjean bégaya, - Hé les gars, c’est quoi ça? Le plus grand réussit en se pliant à se reboutonner. Il répondit, - C’est ma troisième jambe les gosses, je l’avais mise au frais! Jeanjean n’en revenait pas, en les regardant s’éloigner derrière les peupliers. - Vous avez vu ça? Les pauvres mecs, y sont pas normaux, putain! Pinpin regarda Luc. - Ils racontent des conneries, leur troisième jambe touche pas le sol, d’ailleurs y avait pas de chaussure dessus... Ils s’approchèrent, intrigués, de l’endroit où l’herbe couchée conservait la forme des corps. Deux trous noirs, bien ronds transperçaient le milieu des formes Ils scrutèrent à genoux les orifices, méfiants et sur leur garde. Les carottes qui gargouillaient dans les estomacs, le bruissement de la brise dans les feuillages, le soleil brûlant, et la vue des énormes excroissances avaient jeté un trouble que brisa Pinpin. - C’est vrai qu’il fait vachement chaud, je vais essayer moi aussi. Il se coucha ( à suivre )

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