• La Saga de Luc (suite)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Le radeau sur la Seille - La culotte de Lucette

      C’est vrai! jura Pinpin, je l’ai entendu aussi, et toi, ta balistique, c’est rien que des pissettes molles, t’as fermé les yeux, je t’ai vu!

    Un train de voyageurs les isola dans un nuage de coton. Ils trépignèrent de joie aux coups de sifflets belliqueux de la machine.

    - On y va, il est déjà cinq heures!

    Le Chemin du Lavoir descendait en pente douce, puis remontait vers la Place de l’Eglise. De nombreux potagers bordaient la droite de la descente, le haut mur du couvent fermait le coté gauche sur toute la longueur. Les branches chargées de grappes de cerises noires pendaient dans le vide comme autant de tentations et d’appels au péché. Les quatre têtes fixèrent les fruits sans y croire, ces maudites cerises les narguaient, si près que l’oeil distinguait les gonflements inégaux de la peau tendue des fruits, et pourtant, si loin... Malgré l’année passée, les trois mètres de surface lisse restaient infranchissables. Pinpin soupira,

    - Comment on va faire, c’est vachement haut...

    Le petit Yvan arriva à la rescousse.

    - Il faudrait tout simplement construire un échafaudage, c’est tout... Suffit d’avoir des idées.

    - Eh banane! Avec quoi tu veux le construire, de la poudre de perlimpinpin peut-être?

    Jeanjean voulut détendre l’atmosphère.

    - On s’assoit, on ouvre la bouche et on attend qu’elles tombent!

    Luc se tordit de rire.

    - Je vois tout à fait le tableau, toi en bas,la bouche grande ouverte, et en haut, un merle qui se goinfre de cerises, qui lève la queue, et toi qui gobes une belle chiure!

    Pinpin qui s’était éloigné revint vers le groupe en se frottant les mains.

    - Peut-être qu’elles sont pas si bonnes que ça les cerises, j’ai une meilleure idée. Suffit de grimper sur le grillage des jardins et on se tape plein de bonnes fraises. Il y en a tout un carré plus loin.

     La bonne humeur chassa la vue consternante des cerises, de plus, l’escalade du grillage n’offrait aucune difficulté. Ils s’abattirent sur le carré de fraises, sans avoir vu quelques lopins plus loin, un homme accroupi sur ses sillons de salade. Relevé, il repéra les chapardeurs et s’avança à grandes enjambées.

    - Eh les mômes, qu’est-ce que vous foutez là!

    La panique s’empara des garçons. L’homme se rapprochait vite, une pioche menaçante à la main. Un coup d’oeil suffit pour se rendre compte que le grillage vu de l’intérieur paraissait bien plus haut, presque une muraille.

    - Chacun dans une direction différente, cria Luc.

    Jeanjean coupa au plus court, c’est vers lui que l’homme accéléra. Pinpin couinait comme un goret, la peur lui donnait des ailes. Comment le petit Yvan s’était-il arrangé pour se trouver déjà de l’autre coté? A califourchon sur le grillage, Jeanjean encourageait son frère, l’exortait de toute la force de ses tripes.

    - Vite! Vite! Attrape ma main!

    Le jardinier rendu furieux par la fuite des trois autres se rabattit sur Luc. Celui-ci tenta un zig-zag trop serré, glissa dans la terre mouillée et s’affala dans une planche de petits pois à rames, couverts de filets de protection contre les oiseaux. Une peur désespérée lui vrilla l’estomac. Il ne pensait plus, ne réfléchissait plus, les coups de pioche qui allaient lui tomber sur le dos lui arrachaient des gémissements. Il voulut se débattre, pris au piège des mailles des filets accrochés aux boucles de ses sandales et à la boucle de sa ceinture.

    - Attends petit saligaud, je vais t’avoir!

    Il ne lui restait que quelques mètres à franchir. Un formidable instinct de survie aiguillonna le garçon qui s’arracha du sol, entraînant dans son sillage les filets, les rames et les petits pois.

    - Je te tiens!

    Luc entendit à peine sa condamnation à mort. Il ne courait plus, il volait. Des glaïeuls et des carottes s’ajoutèrent aux petits pois. Il obliqua pour éviter une armada de tuteurs pour les tomates. L’homme n’eut pas le temps de corriger sa trajectoire, il se prit les pieds dans un morceau de filet et chuta lourdement. Il avait été si près du but que le garçon pu flairer son haleine chargée de tabac. Le poids du jardinier contribua à faire céder les mailles et libérer Luc de son encombrante parure. Jamais il ne comprit d’où lui vint la force pour franchir le grillage d’un seul bond. Il courut jusqu’en haut du chemin où l’attendaient ses copains.

    - Bravo hurla Jeanjean, t’as sauté comme un gazelle, putain, quelle frousse j’ai eue pour toi!

    - Tu aurais pu nous ramener des petits pois, railla le petit Yvan.

    - Tu parles, j’en suis dégoûté jusqu’à la fin de mes jours! La vache!

    - Ah dis donc, t’aurais pas du bouger, il t’aurait pas vu avec ton camouflage, je te voyais même pas! Purée, la frousse, on aurait pu passer à la casserole... Faut dire qu’elles étaient vachement bonnes les fraises.

    Le clocher sonna six heures.

    - Il est l’heure, on fonce!

    - Continuez sans moi, je dois trouver des fleurs pour ma mère, salut!

    Un grand saule pleureur couvrait de ses rameaux tout un coin du petit parc sur la Place de l’Eglise, endroit très prisé par les mères qui venaient s’asseoir pour tricoter en bavardant, attentives aux gazouillis de leurs bébés. Luc passa devant deux personnes âgées en pleine discussion, d’un pas décidé, et dès qu’il eut la certitude de ne plus pouvoir être observé, il se jeta dans le feuillage des arbustes. La sueur perlait sur son front, son cœur cognait, ce n’était pourtant pas la première fois qu’il se servait à cet endroit. La hantise de se faire prendre par le curé ou le bedeau, ou pire encore, une sœur du couvent, lui arrachait des jurons et des grognements lorsqu’une branche lui résistait.

     Son gros bouquet de verdure à la main, il traversa la place au galop.

     

     

     

    Suite et fin de ce chapitre, avec un aperçu du suivant... Un teaser, en quelque sorte... Bonne Nouvelle Année!

     

     

     

     

     

     

     

     

     La Saga de Luc (suite ) 

     

     

     

     

     

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