• La Saga de Luc ( suite )

    Quel beau samedi ensoleillé! Je ne vois plus la Forêt Noire tant je suis ébloui par ce feu hivernal... Curieusement, mes transferts de textes et de photo se sont très bien passés... Deviendrais-je moins nul? Bonne lecture...

     

     

     

     

    La Saga de Luc

    disponible aux Editions les 3 Colonnes 

     

     

    La fête du Sablon - Les cousines - La quête

    L’espérance et le Philharmonique - La lessiveuse

      

     

     

    - C’est ta sœur Nounou, tu ne dois pas la juger, c’est sa vie, et si elle se fait bienLa Saga de Luc ( suite ) payer, que ça lui rapporte...

    - Tu parles! Un polichinelle dans le tiroir, ça oui, sur les quatre filles, pas une qui se ressemble!

    Luc connaissait bien les intonations de sa mère, et la jalousie maladive qui transparaissait dans ses propos outranciers, dans le fond, cela ne lui déplaisait pas de la voir se consumer d’envie.

    Cette nuit là, le garçon resta éveillé tard, le sommeil le fuyait. Loin de sa chambre, très loin, au bord de la mer bleue, deux autres garçons, ses frères, vivaient avec un homme et un grand chien noir. Ses frères et son père. Pourquoi celui-ci ne m’a pas parlé, se répéta Luc pour la millième fois, pourquoi ne m’a-t-il pas gardé, comme il a gardé Marc? C’est lui mon vrai père, maintenant je sais. Il me trouvait trop petit, trop moche?Il ne voulait pas d’un enfant maigre aux joues creuses? Je ne l’intéressais pas, je l’ai bien vu, il ne m’a pas parlé. Pourquoi ne m’aime-t-il pas? Qu’est-ce que j’ai fait?

    Il pleura en silence et s’endormit sur l’image d’une plage où il marchait, la main serrée dans celle d’un grand monsieur.

     

    - Debout! Vous allez être en retard!

    Dimanche! La fête allait réellement commencer! Le soleil entrait profondément dans la chambre par la fenêtre grande ouverte, les martinets commençaient leurs slaloms.

    Les deux enfants se préparèrent sans se faire prier. Oui, une vraie fête, avec de la brioche aux raisins pour le petit déjeuner.

    - Dépêchez-vous, vous allez être en retard! Et fais bien attention à ta sœur, et ne traînez pas en route!

    Elle tendit à chacun une pièce de cinq francs pour la quête, peut-être aussi pour se faire pardonner de ne jamais mettre les pieds au temple. 

    Ils passèrent devant la place de l’école, tout était silencieux, figé. Mais à midi les manèges tourneraient, l’odeur de la poudre des stands de tir se mélangerait à celle des amandes grillées, des pommes d’amour et des nougats. En attendant, l’école du dimanche leur tendait les bras... Ils marquèrent un arrêt devant la vitrine de la boulangerie en haut de la rue, les confiseries y étaient si bien présentées...

    - Dis Marion, si tu achetais cinq caramels avec tes sous, deux pour moi et trois pour toi, tu vois, je suis gentil.

    - Tous les dimanches c’est la même histoire, c’est moi qui dois dépenser mes sous de la quête, c’est ton tour pour changer!

    - Ce que tu peux être bête, c’est kif-kif!

    - Non, après, moi je n’ai plus rien à donner à la quête.

    - Ce n’est pas grave, je dirai que je donne pour toi, sois pas stupide, personne ne le saura.

    - Si c’est pareil, pourquoi je dirais pas que je donne pour toi?

    - Tu le fais exprès ou quoi? C’est pareil et c’est pas pareil en même temps. Moi je suis plus grand, alors c’est normal, d’accord?

    - C’est pareil et c’est pas pareil... C’est pas parce que je suis une fille que je suis une idiote, il ne faut pas croire.

    - Bon, tu fais quoi?

    La pièce de cinq francs brûlait les doigts de Marion, ses yeux louchaient vers les bocaux de caramels, la tentation trop forte se lisait sur son visage.

    - C’est sûr que tu diras que tu donnes pour moi?

    - Promis, juré, vas-y.

    Elle n’attendait que ça pour se ruer dans le magasin. La longue trotte jusqu’au temple devenait une agréable promenade avec ce beau soleil, ils paradaient dans leurs habits du dimanche et suçaient leurs caramels de façon à les faire durer le plus longtemps possible. Leur arrivée coïncida avec la sortie de l’office pour les adultes. Le pasteur serrait les mains, distribuait sourires et mots gentils pour chacun. Des groupes d’enfants galopaient autour du temple en faisant voler les graviers. Luc héla André adossé à la grille.

    - Salut, ça va?

    - Ouais, vivement que ça se passe, j’ai plein de fric pour cet aprèm, qu’est que je vais me mettre! Et toi, tes vieux t’ont filé combien?

    - T’en fais pas pour moi, j’ai ce qu’il faut mentit Luc, jaloux de constater qu’André portait un pantalon, alors que lui devait se contenter de culottes courtes, été comme hiver. C’est pour t’endurcir lui disait sa mère.

    André lui posa la main sur l’épaule.

    - Tiens, regarde, il va secouer...

    Luc se tourna dans la direction que lui indiquait son copain. Il vit un homme de dos, de l’autre coté de la rue, dans un renfoncement entre deux façades.

    - Ben quoi, il pisse, et alors?

    - Attends, tu vas voir, il va secouer et donner un coup de cul en arrière.

    - Il va secouer quoi?

    - Qu’est-ce que tu es cloche, tiens, tu vois?

    En effet, même de dos, on voyait bien le mouvement du bras et des fesses. L’homme se retourna et se dirigea vers le café en se reboutonnant.

    - Alors, t’as vu?

    - Oui j’ai vu, il secoue quoi de particulier?

    - Son zob, enflure! Tu ne savais pas ça? C’est pour faire tomber les dernières gouttes, jobard, et plus tu es vieux, plus il faut que tu secoues!

    Les cloches qui invitaient les enfants à entrer dans le temple le dispensèrent de  justifier son ignorance sur un sujet si délicat. Les filles prirent place à gauche, les garçons à droite, en groupes distincts, les débutants comme Luc, et les autres, et les candidats à la Confirmation. Toujours souriant, le pasteur prononça quelques mots de bienvenue. Les adultes bénévoles se levèrent, la bible ouverte pour commenter le texte du jour. La vigilance s’imposait, ne pas se laisser surprendre et répondre sans hésitation aux questions se rapportant à la lecture du jour. Luc le savait, ce qui ne l’empêcha pas de s’évader en pensée du coté des filles. Son regard croisa celui de Suzanne et de Marthe. Ce qu’elles étaient jolies dans leur robe du dimanche, et leur coiffure donc, rehaussée de rubans de couleur! Malheureusement, Anita et Gabrielle ne fréquentaient pas ce temple trop éloigné de leurs domiciles.

    - Dis donc Luc, ça t’intéresse ce que je  dis? ( à suivre )

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