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    Tout a une fin, n'est-ce pas? Donc voici la fin de ce chapitre haletant, plein de surprises... Préparez-vous pour le chapitre suivant qui  en apportera d'autres ...

    En attendant, profitez de ces beaux jours ensoleillés, la pluie se prépare à vous rappeler que rien n'est acquis...

     

     

     

     

     

     

    La saga de Luc (vol. 1)

    Disponible aux Editions Les3colonnes

     

     

     

    La Weideheck - Les orties - Le berger - Cécile arrive

    Le Camembert aux asticots ( suite )

     

     

     

     

    La Saga de Luc (vol.1)- Tu vois, toi aussi tu restes muet... Un garçon si droit, si comme il faut... Et tu sais quoi? Elle m’a écrit pour me dire qu’il n’est pas assez rigolo! Oui, tu as bien entendu, elle s’ennuie avec cette perle! Comme si la vie était un amusement! D’ici à ce qu’elle finisse comme les deux autres... Il n’est pas rigolo! Et de quoi on va avoir l’air, nous? Je te le demande, ah, comme si on n’avait pas déjà assez de peine chaque jour...

     

     

    Cécile arriva le samedi suivant, encombrée de valises et de paquets, habillée et maquillée comme une lady. Ses longs cheveux roux, ses yeux verts et ses formes bien arrondies avaient dû jeter le trouble parmi plus d’un Suisse.

    - Et qu’est-ce que j’ai apporté pour mon filleul? Tiens, c’est pour toi.

    Luc s’extasia, jamais encore ses mains n’avaient tenu un si beau cadeau, une grande boîte bleue en carton avec le jeu de l’oie sur une face, et le jeu des petits chevaux sur l’autre. Du vrai grand luxe, pour lui, si beau qu’il hésitait à le toucher. Le grand-père était de l’après-midi à la mine, la mère et la fille purent discuter longuement, dans un calme relatif. Ce qui n’était pas pour les oreilles des enfants était dit en allemand, mais le changement de langue semblait correspondre à des accusations de la mère, et à des justifications de la fille. Le ton monta assez haut pour que la fenêtre de la cuisine soit refermée. Cécile pleura, sa mère haussa les épaules. L’oreille aux aguets, Luc et sa cousine avaient entamé une partie captivante de petits chevaux. Ils entendirent Cécile se plaindre du long voyage, du poids de ses bagages et de sa faim. Pendant que sa mère réchauffait du café, Cécile sortit un Camembert de son sac, l’ouvrit en se passant la langue sur les lèvres. Elle en tartina une épaisse couche sur du pain noir et remarqua son filleul qui l’observait.

    - Tu en veux? Je l’ai acheté en route, regarde s’il est crémeux, comme il coule, mhh que c’est bon! Tu veux que je t’en tartine une tranche?

    La grand-mère assise à l’opposé de la table donna un coup de pied dans la cheville du garçon surpris. Elle lui envoya un autre coup tout en roulant les yeux.

    - Non marraine, non merci, je n’ai pas faim.

    Cécile engloutit une moitié du Camembert qui s’étalait lentement. La marraine se leva, prise d’une envie pressante. La grand-mère en profita pour se pencher et murmurer,

    - Regardez, c’est un repas complet, y compris la viande, goinfre et aveugle qu’elle est...

    Les deux enfants s’approchèrent de la croûte affaissée, impuissante à retenir ses entrailles molles et fuyantes. Ils scrutèrent la pâte liquide qui semblait respirer, animée d’un mouvement vers l’avant, et se soulever à intervalles réguliers. Ils approchèrent leur nez et distinguèrent des dos blancs et dodus frayant leur chemin avec peine pour remonter le courant visqueux. Le haut-le-corps de Lucie à genoux sur sa chaise la déséquilibra. Elle tomba sur le côté de la table, tenta de se retenir à la toile cirée, la manqua et s’y raccrocha dans un dernier geste. Le jeu des petits chevaux eut droit à un baptême de l’air, en compagnie du bol de café et du sucrier. Le Camembert voyageur hésita sur ses intentions, resta collé sur sa frange, se dressa, puis se libéra. Son manque d’élan le pénalisa, il ne tourna qu’une seule fois et s’écrasa avec un flap! humide sur la joue de Lucie. Les parois brillantes de la croûte éventrée s’incrustèrent sur l’oreille et les cheveux. Luc se lança à quatre pattes, hors de lui, à la recherche des pions. Sa cousine, incrédule, passa la main sur son visage, la regarda, vit les asticots qui se démenaient. Il fallut la poigne de la grand-mère et de Cécile pour maîtriser la crise de nerfs, les trépignements sauvages et les cris hystériques. Cécile eut le culot de dire,

    - Bof, en voilà des histoires pour quelques asticots, quel gaspillage, je l’aurais bien fini,vraiment ma pauvre Lulu, on ne dirait pas que tu vis à la campagne...

    Un silence impressionnant présida au retour du grand-père, persistant, pesant, entrecoupé de mots brefs. Il se leva, et lui aussi referma la fenêtre, comme si la honte qui se lisait sur son visage pouvait être vue par les étoiles. Il devait être bien en colère, pensa Luc, car alors que le silence régnait au moment des informations, le grand-père frappa sur la table et commanda le silence. Il était visible qu’il n’écoutait pas la radio, qu’il contenait sa fureur. Des gouttes de sueur festonnaient son front, à la base de ses cheveux frisés. La grand-mère gardait l’apparence du calme, seuls ses doigts qui roulaient de la mie de pain trahissaient son désarroi. Les enfants se levèrent sans racler les pieds des chaises, murmurèrent des bonsoirs discrets et s’éclipsèrent dans la chambre. Après un long temps de silence, ils entendirent le grand-père hacher des phrases brèves, mordantes, et des réponses de Cécile, embrouillées, plaintives, terminées par des sanglots. Le père monologua un long moment, le ton bas et grondant, il s’arrêta. Ils entendirent les reniflements de Cécile, puis encore le silence.

    - Dis Lucie, tu as compris ce qu’ils disent?

    - Ouais, presque tout, ouah! Il est vachement en colère, il a même insulté le bon Dieu pour lui avoir donné trois filles idiotes... Elle a dit qu’elle avait démissionné, que ça ne lui plaisait plus, et que le Ludwig n’était pas un marrant.

    - Oh merde, et elle va faire quoi maintenant?

    - Elle dit qu’elle va trouver une place dans un restaurant à Genève.

    - Quelle histoire! C’est bien dommage... Bonne nuit.

     

    Couché sur une branche le lendemain après-midi, Luc se gavait de mirabelles parfumées et sucrées, il lui suffisait de tendre les mains pour cueillir les boules dorées. Au fur et à mesure que son estomac se gonflait, ses gestes ralentissaient, il faisait le difficile, cherchait les plus jaunes piquées de points oranges, ou pour changer de goût et de consistance, furetait dans les feuilles pour trouver un fruit moins jaune, plus ferme.

    - Luc, viens m’aider à tirer le cordeau des salades!

    - Voilà, c’est tout? Je peux retourner dans l’arbre?

    - Si tu es malade, ne viens pas te plaindre... Dis, tu sais que ta marraine est revenue, alors le grand-père et moi, on a pensé que ce serait mieux que tu dormes dans la mansarde avec la Cécile. C’est une belle chambre et il y a deux lits, tu y seras très bien.

    Luc n’y vit aucune objection, au contraire, mais la formulation de la demande l’intrigua.

    - Pourquoi?

    La grand-mère sembla réfléchir, puis elle expliqua à mots couverts.

    - Je ne devrais pas te le dire, mais ta marraine a peur quand elle est seule, tu sais bien que la porte du bas n’est jamais verrouillée, et avec tous ces rôdeurs, n’importe qui peut monter jusqu’au grenier. Elle sera plus rassurée s’il y a un homme avec elle, je peux compter sur toi?

    Luc fixa sa grand-mère dans les yeux.

    - Tu peux compter sur moi. Avant de m’endormir, je mettrai des pièges devant la porte, j’en connais un sacré bout sur les pièges, tu peux me faire confiance.

    Le prénom de Luc fut prononcé plusieurs fois pendant le dîner. Cécile écoutait le discours de sa mère dont chaque mot essayait d’être convaincant. Cécile se rebella, le garçon entendit à nouveau son prénom. Le grand-père qui avait conservé la tête baissée dans son assiette se redressa, frappa le dessus de la table du plat de la main. Les quelques mots qu’il martela suffirent à sa fille pour qu’elle pâlisse, baisse les yeux et agite sa cuillère dans une assiette vide. Cette rosse de Lucie n’en perdait pas une miette, son expression montrait trop bien qu’elle n’avait nullement l’intention de traduire quoi que ce soit à son cousin. Luc grinça des dents.

    - Sale toupie, tu es jalouse, tu aurais bien aimé aller dormir dans la mansarde, mais c’est un homme qu’il faut là-haut, pas une pisseuse...

    - Regarde-toi, un courant d’air et hop! il n’y a plus personne. Tu parles d’un homme, une rame à haricot plutôt!

    Luc proposa à sa cousine après le repas, une partie de Sept Familles, sachant qu’elle ne saurait pas résister à l’invitation. Une suspicion féroce et mutuelle régnait à chacune de leurs parties, des échanges agressifs de “tu triches”, “c’est pas vrai, c’est toi”, émaillaient chaque jeté de carte, jusqu’à la fin où le perdant serrait les mâchoires. Ils se défiaient alors, à tour de rôle, comme de jeunes coqs pendant quelques secondes, puis la rage au ventre, rebattaient furieusement les cartes pour la revanche. Luc, cette fois, fit abstraction de toute velléité de gagner, encore moins de tricher pour son compte, au contraire. Il s’ingénia à piocher et donner les bonnes cartes à sa cousine ravie. Elle étala sa quatrième famille, la victoire assurée, en forçant une fausse modestie rayonnante. Luc jugea le moment opportun pour attirer les confidences.

    - Elle n’a pas l’air d’être contente la marraine, le grand-père non plus... Ils parlaient si vite que tu n’as pas pu comprendre, c’est trop difficile, même  pour toi...

    - Dis donc, tu crois que je ne te vois pas venir avec tes gros sabots?

    Elle tira la langue et fit un pied de nez.

    - Ça a dû bien te faire caguer de me laisser gagner, pauvre hareng saur... Si tu veux le savoir, la Cécile n’a pas envie de toi dans la chambre, elle dit qu’elle est assez grande pour dormir seule, elle n’a pas besoin d’un garde et qu’elle est majeure.

    - Et alors?

    - Le grand-père lui a dit, c’est ça, ou alors qu’elle se cherche une autre maison.

    - Dis donc, je ne l’ai jamais vu autant en colère?

    - Bof, tu sais, demain il n’y pensera plus, faut pas te faire de mauvais sang. Allez, on va se coucher. ( à suivre )

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  • Si on pouvait me dire pourquoi le transfert de titre s'accompagne de ce fond gris..

    On arrive vers la fin de ce chapitre, je ne sais toujours pas à qui je m'adresse, cependant, j'ai constaté qu'un ou plusieurs lecteurs ont visionné plus de 1000 pages de mon site. Curieux, n'est-ce pas?

     

     

     

     

    La saga de Luc (vol. 1)

    Disponible aux Editions Les3colonnes

     

     

     

    La Weideheck - Les orties - Le berger - Cécile arrive

    Le Camembert aux asticots ( suite )

     

     

    Il embrassa les deux vieux hilares qui lui tapotèrent les joues, et babillèrent desLa Saga de Luc (suite) Elle fumait des Baltos (suite) choses amusantes en allemand. Merde, pensa-t-il, furieux de ne pas comprendre, furieux de ne pas pouvoir répondre, ils ne peuvent pas parler le français comme tout le monde?

    Ils entamèrent la route du retour, précédés par leurs ombres gigantesques le soleil dans le dos. Juste à la sortie du village, la grand-mère lui toucha l’épaule et chuchota,

    - Tu vois là, à droite

    - Quoi? Le charbonnier?

    - Oui, c’est mon frère, Hans... Riche comme Crésus, il dort sur des millions, et tu vois, il fait construire une maison avec des appartements, pour les louer qu’il dit, et lui, il se vautre dans sa baraque en bois, à compter ses sous...

    - Tu ne parles pas à ton frère?

    - Oh que non!

    - De mon vivant je ne mettrai pas les pieds dans ce taudis, tant qu’il vivra avec sa putain!

    Luc n’eut pas besoin de questionner davantage, sa grand-mère entama un monologue vibrant d’indignation.

    - Un salaud, qui s’est mis des cents et des mille dans les poches pendant l’occupation, avec le charbon, l’essence, les vaches et les cochons, et peut-être autre chose encore... Un millionnaire! Trop fier pour aller voir sa mère et son père juste  à côté!

    Luc tenta d’apaiser ce qu’il percevait comme une grande peine.

    - Si c’est ton frère et qu’il a plein de millions, il peut t’en donner un peu, non?

    La grand-mère s’arrêta au milieu de la route, le foudroya,

    - Ce serait trop beau! Tout est pour sa putain, pour les bijoux, pour les toilettes! Il se fera bien avoir... Il ne les emportera pas en enfer ses millions, elle lui aura tout sucé avant, ça je peux te le dire!

    - Pourquoi tu dis que c’est une putain?

    - Pourquoi? Tu crois qu’une honnête femme a besoin de colliers, de bagues et des tas de belles robes pour vivre à la campagne? Et puis d’où elle vient celle-là, tu peux me le dire? Il l’a ramenée de la ville, Dieu sait ce qu’elle y faisait avant de tomber sur cette pauvre poire! Et puis, construire un immeuble pour louer à qui? Il n’y a que des mineurs ici et des paysans, qu’est-ce qu’il croit donc, qu’il est à la ville? Si jamais il devait mourir, je suis sûre que cette putain filerait avec le magot, et d’ici à ce qu’elle lui arrache ses dents en or avant de filer...

    Luc frissonna. Il vit un corps dans une pièce éclairée par la flamme tremblotante d’une lampe au carbure, et une sorcière tout de noir vêtue, les lèvres dégoulinantes de rouge à lèvre, brandissant de grandes pinces d’une main, et de l’autre forçant la bouche du mort. Il rentra la tête entre les épaules, sentit le craquement de la gencive éclatée, comme chez le dentiste de l’école où il avait laissé quelques dents. La grand-mère accéléra le pas, muette. Elle ne reparla qu’au fond de la descente, en quittant la route pour reprendre le chemin à travers les prés. Un berger se tenait immobile, au milieu d’un troupeau de moutons, appuyé sur son bâton.

    - Ah, je l’attends celui-là, s’il m’approche, il va en prendre un bon coup sur le museau!

    Luc pria pour que le berger ne bouge pas, dans l’état d’excitation dans lequel se trouvait la grand-mère, elle en ferait du boudin. Le malheureux risqua un salut en portant deux doigts à son chapeau.

    - Espèce de saligaud, pesta la vieille femme, une fois je suis passée ici, il avait sa braguette ouverte et son machin qui pendait dehors! Qu’il y vienne, et il sera bien servi, ce cochon!

    - Tu crois qu’il voudrait te violer et que tu aurais un enfant?

    Elle éclata de rire.

    - Mon Dieu, où vas-tu chercher ça?

    Ils rencontrèrent un peu plus loin le père Forfer qui fauchait de l’herbe pour ses lapins. Il se cala sur sa faux et s’épongea le front.

    - Alors, il a encore fait bien chaud aujourd’hui, si ça continue, plus rien ne poussera, on aurait bien besoin d’un peu d’eau, enfin... Il doit être content le grand-père d’avoir son petit-fils, un bon petit, surtout depuis qu’il se conduit bien avec les poules et les lapins! Et les parents, ça va? Bon pied, bon œil, c’est bien... Et vos filles, tout va bien?

    - Oui, oui, tout va bien, allez Luc, on y va, j’ai la soupe à préparer et mes bêtes à soigner, ça ne se fera pas tout seul.

    Elle ronchonna quelques pas plus loin,

    - Il veut tout savoir celui-là, les amabilités par devant, les ragots par derrière, de quoi je me mêle...

    - J’y pense justement, et Cécile, ma marraine, tu as des nouvelles?

    - Parlons-en de ta marraine! Elle doit arriver ces jours ci.

    - Elle travaille toujours dans son hôtel en Suisse? Elle va se marier avec le Ludwig?

    Cécile, la cadette des trois filles, avait passé quelques jours de congé chez ses parents, l’été passé. Son arrivée n’avait pas laissé le voisinage indifférent, loin de là. Pensez-vous, un garçon si bien, si sérieux, et un Suisse en plus, la Cécile avait décroché le gros lot! Ils étaient arrivés sur une superbe moto noire, une BMW, engoncés dans des habits en cuir, et avec des lunettes comme les aviateurs. Impressionnant le Ludwig, près de deux mètres, du 46 en pointure. Il travaillait aussi dans l’hôtellerie et voulait se mettre à son compte quelque part dans les montagnes, là où les vaches fabriquent le bon chocolat suisse. Il avait plu tout de suite au grand-père, et pour cause, ils parlaient la même langue, il ne pouvait qu’être un type bien, comme il faut, sérieux et travailleur. Ah elle en avait de la chance la Cécile d’être tombée sur celui-là, bien plus qu’une consolation, non, une bénédiction si on pensait aux deux autres filles, des divorcées, qui vivaient à la colle, dans le péché, à la ville. En quelques jours seulement, Ludwig avait peint et tapissé la mansarde utilisée normalement comme débarras. Des voisins curieux, bien intentionnés, qui ne voulaient pas déranger, vinrent échanger quelques mots, jusqu’à ce que la grand-mère, enfin, leur montre fièrement le résultat. Le plancher astiqué, le beau papier à fleurs, et les rideaux roses les laissaient sans voix. Ils repartaient en hochant la tête, n’en croyant pas leurs yeux, admiratifs et jaloux.

    - Y a pas, c’est du beau travail, bien sûr, un Suisse...

    La vieille bique, celle de la dernière maison au bout de la rue, maugréa au bas des escaliers.

    - Je vais lui parler du pays à la Jeannette, qu’elle se trouve un Suisse elle aussi, la fainéante...

    La grand-mère hésita avant de répondre.

    - Non, elle ne veut plus se marier, et tu veux savoir pourquoi?

    Déçu, le pourquoi importait peu à Luc, fini la BMW sur laquelle il pouvait grimper, toucher aux manettes et aux boutons. Il ne pourrait plus parader sur la machine et écarter les autres enfants fascinés par un ronflant,

    - Ne vous approchez pas, je suis le gardien, et si vous essayez de poser vos sales pattes là-dessus, le fiancé de ma marraine vous bottera le cul avec ses tatanes, et du 46 c’est pas une caresse!

    La grand-mère ne s’étonna pas du peu d’empressement du garçon pour savoir, elle le mit sur le compte de l’étonnement.

    - Tu vois, toi aussi tu restes muet... Un garçon si droit, si comme il faut... Et tu sais quoi? Elle m’a écrit pour me dire qu’il n’est pas assez rigolo! Oui, tu as bien entendu, elle s’ennuie avec cette perle! Comme si la vie était un amusement! D’ici à ce qu’elle finisse comme les deux autres... Il n’est pas rigolo! Et de quoi on va avoir l’air, nous? Je te le demande, ah, comme si on n’avait pas déjà assez de peine chaque jour... ( à suivre )

     

     

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  • Curieux, n'est-ce pas? Mon transfert de titres ne fonctionne pas... Quelle malédiction s'est abattue sur mon ordi? Comme il n'y a pas de réponse je me contente de subir...

     

     

     

     

     

     

    La saga de Luc (vol. 1)

    Disponible aux Editions Les3colonnes

     

     

     

     

     

     

     

     

    La Weideheck - Les orties - Le berger - Cécile arrive

    Le Camembert aux asticots

     

     

     

     

     

    Luc y repensa plus tard, et s’il faisait subir la même épreuve à Jeanjean, Pinpin et le petit Yvan? A son avis, ils ne seraient pas débordants d’enthousiasme, ils feraient des manières... Après tout, un simple guerrier n’avait pas à être initié comme un grand chef.

    Il passa un bon moment à réfléchir, assis dans le clapier, sur la façon la plus glorifiante de raconter son aventure, ne serait-ce que pour moucher le petit Yvan et sa ridicule histoire de cerf-volant. Il visualisa parfaitement la scène, les trois guerriers assis autour du feu, dans le quartier général, lui debout, dominant des visages graves, suspendus à ses lèvres. Il s’entendit parler, se vit coiffé d’une parure en plumes d’aigle.

    - Ce jour là, il faisait si chaud que les oiseaux tombaient du ciel, presque rôtis, ma cousine et moi nous avions découverts un torrent secret qui jaillit de la terre et qui se jette dans un grotte camouflée par un rideau de lierre.

    Certes, un épais rideau de lianes aurait ajouté une pointe de mystère, mais il ne fallait pas exagérer. Il continua son récit.

    - On a voulu s’en rapprocher pour l’explorer, mais une bande de ruffians nous a attaqués, il portaient des anneaux en or dans les oreilles, et des crans d’arrêt plus longs que la main...

    - Et alors, demanderait Jeanjean, déjà conquis par le récit.

    - Alors? On s’est jeté dans les tourbillons, on a remonté le courant à la nage.

    Cet empaffé de petit Yvan ne manquerait pas de remarquer,

    - Tiens, c’est nouveau, tu sais nager maintenant?

    Luc estima qu’il risquait gros, que son prestige prendrait une claque, qu’il serait traité de menteur... Non, mieux valait laisser tomber et reprendre sur un autre épisode où il aurait le meilleur rôle sans possibilité de contestation. Il réfléchit, soupesa les objections possibles, pointa son index sur le lapin angora qui recula en frappant le plancher de sa cage de ses grandes pattes.

    - C’est ça, oui, ça c’est du solide, ils ne pourront rien dire.

    Luc reprit son monologue.

    - On passait près de grandes herbes, ma cousine et moi, elle voulait me montrer les restes d’un fortin où des SS fanatiques avaient stoppé une colonne de blindés de Patton et là...

    Sûr que le petit Yvan en crèverait de jalousie, il savait que des combats importants avaient bouleversé la région, il ne pourrait pas mettre les paroles du chef en doute.

    - Continue bon dieu! T’arrêtes pas, s’emporterait Pinpin, le brave petit.

    - Là, une couleuvre géante, oui, sans exagérer, elle faisait bien dans les deux mètres, a attrapé ma cousine par une cheville et l’a entraînée au milieu d’une forêt d’orties!

    Luc savoura d’avance l’expression des visages ahuris, il les tenait, il les subjuguait, un vrai délice!

    - Tu as fait quoi, demanderait Jeanjean abasourdi.

    - T’es un peu cloche toi! lui répondrait Pinpin, c’est sa cousine, il doit la sauver!

    - Bravo Pinpin, bien sûr que je ne pouvais pas faire autrement, je me suis jeté dans les orties, mais attention, pas des petites, des grandes comme dans le livre de la préhistoire! Bien entendu, j’avais mon Opinel, et justement quelque chose m’avait soufflé de l’affûter ce matin là...

    Voilà que cette andouille de petit Yvan, jusque là encore réticent, plongeait dans l’histoire.

    - Vingt dieux, seulement ton Opinel, et pas ton lance-pierres?

    Luc soupirerait.

    - Non, rien que mon couteau pour combattre le monstre... Les cris de ma cousine me guidaient, j’étais torse nu, mais je ne sentais aucune piqûre, il fallait que je la sauve, c’était une question de vie ou de mort! Elle aurait dit quoi ma grand-mère si j’étais rentré seul?

    - Luc, arrête de faire des grimaces à mes lapins, tu vas leur faire peur, viens me porter des arrosoirs.

    Le garçon obtempéra de bon cœur, enivré par ses prouesses, enthousiasmé par les ressources de son imagination. Une autre joie l’attendait. Les mirabelles se paraient d’un jaune tendre, encore timide. Il en croqua plusieurs, ignorant l’acidité qui lui tirait la bouche.

    - Luc! Elles sont vertes! Ne viens pas te plaindre si tu attrapes la courante!

    Il frappa le tronc de la main.

    - C’est bien mon pote, continue comme ça, je sens que ça vient.

    - Allez, on se presse, Lucie est allée au village chez une copine, tu viens avec moi, je dois aller voir mes parents à Montois, ça te dit?

    Luc sautilla de plaisir, l’augure de cette longue randonnée l’émoustilla. Trois kilomètres à parcourir à travers champs, prés et vallons, accompagné des trilles des alouettes et des pinsons, parfois des beuglements des vaches nonchalantes.

    Armé d’un bâton, il fouettait les grands chardons, fauchait avec rage des touffes d’ortie, transperçait des bouses sèches ou traçait le Z de Zorro dans les plus fraîches. Les haies de prunelliers l’intriguaient par tous les bruits de petites pattes nerveuses à l’abri des branches épineuses entrelacées, gardiennes de secrets impénétrables. Le chemin encaissé serpentait jusqu’au cimetière en bas du village et plongeait brutalement dans un creux provoqué par l’affaissement de galeries de la mine. C’est une vraie meule de gruyère là-dessous, lui avait répété la grand-mère, un jour, tout le village tombera dans un trou, et nous avec!

    Elle marchait d’un pas solide, décidé, son chignon gris bien tiré sur la nuque. Luc s’étonna de voir la poignée du rouleau à pâtisserie dépasser de son sac, il la questionna et ne sut pas s’il devait rire ou s’offusquer par les termes employés pour la réponse.

    - Tu vois ça, on ne sait jamais, mais s’il y en a un qui me cherche des histoires, je lui en fiche un coup sur la gueule!

    - On pourrait te chercher des histoires? Des histoires de quoi?

    - Je sais de quoi je parle, des rôdeurs, des étrangers, les moins que rien... Il y en a toujours trop, crois-moi.

    Luc s’imprégna à la longue du catéchisme de sa grand-mère, et retint qu’il n’y avait rien de pire que d’être un moins que rien, ah si, il y avait pire, ceux qui achetaient à crédit.

    - Vois-tu mon garçon, disait-elle, quand on n’a pas un sous ni devant, ni derrière, éh bien on ne pète pas plus haut que son cul. Ou bien on économise et on achète, ou alors on s’en passe. Le crédit c’est tout juste bon pour les gens de la ville, ils n’ont pas beaucoup de fierté ceux-là...

    Le chemin s’arrêtait dans le fond du grand creux, il restait la même distance à parcourir sur la route étroite et sinueuse qui remontait d’un grand bon sur le plateau. Le goudron craquelé, fendu à maints endroits donnait vie à des zébrures d’herbe verte, à des petites fleurs sur lesquelles des papillons faisaient volontiers une halte. Des pommiers et des pruniers jalonnaient les fossés, tendant leurs branches basses à la convoitise. Hélas, les fruits de la tentation décrochés après de périlleuses acrobaties révélaient leurs vrais visage : aussi durs que des pierres, aussi amers que tous les regrets du monde. Ils arrivèrent sur le plateau, bordé sur la droite par une forêt. Luc remarqua les regards furtifs de sa grand-mère vers les sombres sous-bois, et sa main posée sur le manche du rouleau à tartes. Un peu essoufflée dans la montée, elle lui avait glissé,

    - Heureusement que tu es avec moi, je sais que tu me défendrais, tu es un homme maintenant.

    Luc s’était redressé pour la rassurer et lança des moulinets ravageurs de son bâton qui fracassaient les frêles tiges des fougères sur le fossé, en poussant des han! qu’il espérait dissuasifs. Sur la gauche, la vue portait jusqu’aux hauts-fourneaux de Joeuf et de Moyeuvre. Le ciel dans cette direction bagarrait dur, tourmenté, assailli par les phallus de fumées blanches et grises. Les parents de la grand-mère habitaient une maison au toit pointu, à deux étages, construite comme toutes les autres dans cette rue par la mine. Un détail particulier choqua Luc lorsqu’il fut confronté à la réalité des toilettes, dans le jardin, chaque porte verrouillée. Etait-ce un souci d’esthétique, l’expression d’un individualisme effréné, ou seulement l’occasion de terminer un pot de peinture? Toujours est-il que chaque porte arborait une couleur criarde différente. De plus, leur exposition plein sud favorisait l’émanation d’odeurs aussi épaisses qu’évocatrices, de quoi couper court à toute envie. Luc salua ses arrière grands-parents, émerveillé de savoir qu’ils avaient vécu les terribles combats de 1870, dont témoignait un monument lugubre à la sortie de Saint Privat. Tassé au fond d’un fauteuil décoré de garnitures au crochet, Luc écoutait sans comprendre la conversation animée, en allemand. Un cadre accroché au mur montrait l’arrière grand-père jeune homme, en uniforme, coiffé d’un casque à pointe, la moustache arrogante, à la Guillaume. Aujourd’hui, et bien des années après, seule la grosse moustache blanche, jaunie aux extrémités par la pipe, rappelait le lancier au maintien si martial. Le garçon observa les visages des trois vieilles personnes, la similitude des traits, les joues rondes, la peau tendue, presque transparente. Confortablement installé dans ses dix ans, il ne songea pas un seul instant qu’il grandirait et qu’au fur et à mesure, ces têtes d’argent s’évanouiraient quelque part, au fond de la mémoire. Le monde des adultes, surtout celui des vieux, restait immobile, et resterait ainsi. Un jour, il serait grand, il en était certain, et il accompagnerait encore sa grand-mère à travers champs, il irait chez l’arrière grand-père et lui poserait mille questions sur la guerre de 1870, bien entendu il aurait maîtrisé l’allemand entre-temps. Luc sursauta à cette pensée, c’est vrai, il avait promis au grand-père de parler l’allemand et de l’accompagner à la pêche, mais s’il n’allait pas au lycée, comment ferait-il? Cette réflexion le consterna, il vit le sourire suffisant du petit Yvan, la vache! La tâche lui sembla insurmontable, il s’assombrit et rumina des idées de vengeance d’autant plus terrible qu’il n’avait pas de cible précise sur qui diriger sa frustration.

    - C’est terminé les rêveries Luc, dis au revoir, il est tard.

    Il embrassa les deux vieux hilares qui lui tapotèrent les joues, et babillèrent des choses amusantes en allemand. Merde, pensa-t-il, furieux de ne pas comprendre, furieux de ne pas pouvoir répondre, ils ne peuvent pas parler le français comme tout le monde? (à suivre)

     

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  • Avec un peu de retard, certes, mais pour la bonne cause : j'ai préparé un pot au feu dont mes papilles vont se régaler... Il y'a peu, il faisait 27° à midi, ce jour, à peine 5°! Allez expliquer aux bourgeons qu'il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation!

    La cocotte exhale un fumet, je ne vous dis pas... Il est tombé de la neige cette nuit, sans discontinuer, avec 10 cm devant la porte... Bon dimanche...

     

     

     

     

     

    La saga de Luc (vol. 1)

    Disponible aux Editions Les3colonnes

     

     

     

    La Weideheck - Les orties - Le berger - Cécile arrive

    Le Camembert aux asticots

     

     

     

     

     

     

    La Saga de Luc (suite) Elle fumait des BaltosIls méditèrent un instant sur l’humanité grouillante de salauds et de salopes, de femmes prises et des autres.  

    - C’est pas tout ça, on fait quoi maintenant, demanda Luc.

    - Je sais, j’ai une idée, je sais où il y a des grenouilles, viens, on y va. Je parie que tu ne connais pas.

    - Dommage, c’était bien la cabane et le ruisseau, qu’elle était froide!

    - Oui, c’est bien dommage... Et dire que si ces imbéciles n’étaient pas arrivés, on aurait tatata...

    Luc ne releva pas l’allusion, il préféra courir.

    - C’est là, pas si loin, tu passes devant!

    Seule une ceinture basse de pierres de taille, enchâssée dans une mer d’ortie marquait l’emplacement des fondations d’une maison.

    - Elles sont où tes grenouilles?

    - Suis-moi, je vais te montrer.

    Lucie se faufila de côté dans un étroit passage entre deux murs d’orties qui leurs arrivaient jusqu’à l’épaule.

    - Fais gaffe, ça pique vachement!

    - Pas besoin de me le dire, je ne suis pas bigleux.

    Ils montèrent sur le mur, une dalle en béton crevée en son milieu rappela à Luc son quartier général. Que pouvaient bien faire ses potes en ce moment?

    - Tu vas voir, il faut se glisser, c’est plein d’eau et il y a toujours des grenouilles et des salamandres.

    Ils se penchèrent sur le trou noir et la forte odeur d’eau croupie qui en remontait.

    - Tant mieux s’il y a des grenouilles, mais moi je ne descends pas dans ce truc, c’est plus noir que le trou du cul d’un nègre!

    - Mauviette, c’est toi le trou du cul, j’y vais bien, moi.

    Lucie se laissa tomber.

    - Mhh, elle est bonne, elle est fraîche, c’est formidable, viens donc! Je t’assure que c’est un régal!

    Luc ignora la voix caverneuse, occupé à attraper de grandes sauterelles vertes.

    - Tiens! C’est pour toi!

    Lucie se dégageait du trou en faisant tournoyer un rat crevé par la queue.

    - Lâche ça, c’est dégueulasse!

    - Je vais te le mettre sous le nez, mauviette, chantonna Lucie.

    Luc tenta d’esquiver les moulinets, battit en retraite pour se réfugier à un angle de la dalle.

    - Tiens, attrape!

    Lucie balança la bestiole aux grandes incisives blanches découvertes vers son cousin. Il ne se baissa pas assez vite, la longue queue lui fouetta la joue. Debout à l’extrême limite de la dalle, son mouvement de recul incontrôlé lui fit perdre l’équilibre, et il bascula, les bras en croix. Les hautes orties avalèrent son corps quasiment nu. Le léger frémissement irisé des têtes courbées se transforma immédiatement en tempête. Le premier cri de surprise de Luc se coinça au fond de la gorge, un râle profond monta en puissance, son hurlement prit les sonorités d’une sirène d’usine. Il bondit comme un ressort fou, piqué, brûlé de toutes parts. Chaque mouvement provoquait d’autres caresses de feu. Ses gestes instinctifs pour se protéger le visage découvraient la chair tendre sous les bras qui devenait une proie facile pour les feuilles en colère. Les tiges rugueuses s’enroulaient autour de ses poignets et ses chevilles, d’autres lui fouettaient le dos, le ventre et les jambes. Aveuglé, ses bras frappaient au hasard, repoussaient des orties pour en libérer d’autres qui lui balayaient le visage en lui déposant des baisers incandescents.

    - Par là! Par là! criait sa cousine en espérant vainement le diriger hors de la ceinture de feu.

    Luc n’entendait rien, ne voyait rien, il se débattait dans les flammes de l’enfer. Ses bonds désordonnés le sortirent malgré lui de la fournaise, sans qu’il s’en rende compte. Il roula sur l’herbe et se figea, les genoux relevés jusqu’au menton, les deux poings fermés sur les yeux, en position de fœtus. Un grondement plaintif sortait de ses narines dilatées, un rictus découvrait ses dents serrées. il se consumait, écoutait l’incendie qui le dévorait. Tout son corps boursouflé, rougi, vibrait comme le couvercle d’une marmite sous pression. Lucie tournoyait autour de son cousin, impuissante, horrifiée par les cloques, par les tremblements saccadés des bras et des jambes. Ce n’était plus Luc qu’elle voyait, mais une sorte de grosse larve rouge de doryphore. Elle se sauva, prise de sanglots désespérés. Quelques instants plus tard, le garçon remarqua à peine qu’il était roulé dans une couverture et soulevé par des bras puissants. Ses yeux gonflés ne pouvaient plus s’ouvrir, les sons lui arrivaient de loin, atténués, il vivait de l’intérieur, depuis le centre du brasier. Le voisin l’installa sur une chaise de la cuisine. La grand-mère choquée étouffa une plainte. Madame Musack arriva, regarda le monstre et ordonna calmement,

    -  Le vinaigre.

    Elle tamponna tout le corps, s’attarda sur le visage, recommença et recommença encore, des pieds à la tête. Le feu perdit de sa hargne, les flammes refluèrent mais les braises tenaces rougeoyaient et reprenaient de la force au rythme des pulsations de son cœur. Il continuait de brûler, mais en même temps des ondes glacées le secouaient. La chair de poule déferla en vagues serrées depuis les orteils jusqu’à la racine des cheveux. Ses dents s’entrechoquèrent avec violence. Luc n’avait pas prononcé une seule parole. Le grand-père l’enveloppa dans une autre couverture, le porta sur le lit et le recouvrit du gros édredon. Il entendit des paroles apaisantes en allemand et s’endormit dans une coulée de lave. Lorsqu’il se réveilla, le soleil brillait, les cloques avaient disparu, il inspecta ses bras, son ventre, ses jambes. Rien, plus rien, sa peau lisse et bronzée le fit douter. Il s’assit, repoussa l’édredon qui l’étouffait, fixa le vide. Avait-il réellement fait ce voyage en enfer? Pensif, il entra dans la cuisine. Lucie et la grand-mère le scrutèrent en silence, raidies par l’appréhension. Leurs visages se détendirent.

    - Dis donc, accusa Lucie, à cause de toi on a du faire tintin pour la salade hier soir, plus de vinaigre, tout pour monsieur!

    Luc sourit, gêné par les regards chargés de tendresse, il bomba le torse, frappa du poing sur la table.

    - C’est pas tout ça, je la saute, j’ai une faim du tonnerre de dieu!

    Pendant plusieurs jours, les voisins le saluèrent avec beaucoup de gentillesse, surtout les femmes dont les voix émues valaient toutes les médailles de bravoure. Le père Forfer lui lança un très viril,

    - Salut la terreur des orties! Tu es un vrai grand chef maintenant, tu as passé l’épreuve du feu comme le dernier des Mohicans, je te baptise Ortie Galopante! ( à suivre )

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    Enfin un jour digne du printemps! Il fait déjà 20°, avec une forte brise venant du sud... Je prépare actuellement une superbe bolognaise, laurier, thym, oignon, lardons et tout et tout... Bon dimanche et ... bon appétit!

     

     

     

     

     

    La saga de Luc (vol. 1)

    Disponible aux Editions Les3colonnes

     

     

     

     

     

     

    La Weideheck - Les orties - Le berger - Cécile arrive

    Le Camembert aux asticots

     

     

    Lucie débarrassa la table, passa un chiffon humide sur la toile cirée, presséeLa Saga de Luc ( suite ) Elle fumait des Baltos d’en finir.

    - Hop! On va à la Weideheck!

    - Vous allez transpirer, vous allez avoir trop chaud, en plus vous allez vous mouiller. A votre place je me mettrai en slip, vous vous sentirez mieux.

    - Très bonne idée.

    La robe de Lucie vola sur une chaise.

    - Et alors, tu attends quoi pour te déshabiller? Tu n’es pas à la ville ici, tu en fais bien des manières!

    Luc hésita, puis s’exécuta de bonne humeur.

    Il ne le regretta pas, l’extérieur ressemblait à un four avec ses ondulations de chaleur sur la route tordue et un silence pesant. Les volailles se terraient dans la moindre parcelle d’ombre, tous les volets étaient clos, les jardins désertés.

    Des vagues d’air surchauffé attaquaient les narines et dilataient les poumons agressés. Lucie leva un doigt et affirma,

    - J’ai entendu à la radio, il doit faire au moins 33°, et même plus aujourd’hui, c’est pas de la rigolade, ils le savent très bien sur Radio Sarrebrück.

    Luc s’en moquait, il songeait à l’eau, à se rafraîchir, au soulagement qui le gagnerait une fois qu’il aurait trempé ses pieds dans le ruisseau. Les limaces avaient certainement batifolé toute la nuit, pendant l’orage, sans se soucier des distances. Leurs corps déjà noircis sur l’herbe chauffée à blanc traçaient une piste de la mort jusqu’à un restant de feuilles de choux. Lucie les retourna une à une, du bout d’une brindille tout en prononçant leur oraison funèbre.

    - Les salopes, elles s’en sont foutu plein la panse, c’est bien fait, autant de moins à écraser.

    La Weideheck se lovait entre deux vallons, non loin du chevalet de la mine. Des haies denses d’arbustes serpentaient le long du ruisseau alimenté par les eaux pompées dans les galeries profondes. Curieusement, le vert foncé des feuillages s’arrêtait net au fond des pâturages, en fait, le ruisseau regagnait le sein de la terre, sans doute dans une des fouilles abandonnées.

    - Tu vois, je te l’avais dit, c’est bath, hein?

    Luc jugea en connaisseur le travail. Lui et sa bande n’auraient pas été capables d’arriver à un tel résultat. Un plancher en branches croisées, liées avec de la ficelle recouvrait toute la largeur du ruisseau. Trois parois verticales se dressaient, soigneusement assemblées selon la même technique. L’ensemble faisait penser à une grande cage suspendue, sertie de feuillage. Ils y entrèrent, peu rassurés par le bruit de cascade et la souplesse du plancher. Ils s’assirent sur les branches, jambes pendantes dans le courant visible à travers les interstices. Ils s’écrièrent à l’unisson,

    - Merde! Qu’elle est froide!

    L’eau glacée sembla éjecter leurs pieds tant le contact fut violent. Luc et sa cousine observèrent leurs grimaces mutuelles.

    - On essaie encore un coup, un, deux, trois!

    Après plusieurs tentatives coupées de rires et de cris, ils goûtèrent la fraîcheur en silence. Le ciel cuisait au-dessus des feuilles tremblantes, des  mèches de mousse accrochées sur le lit pierreux ondulaient comme de longs cheveux verts.

    Assis face à face, en appui sur les bras écartés, les deux enfants offraient leur visage à la pluie de soleil qui perçait les frondaisons. Un sentiment très fort de contentement et de plaisir envahit Luc, c’était un sentiment nouveau, fait de plénitude et de sacré. Un instant comme celui-là devrait durer une éternité pensa-t-il, ne plus voir les laideurs, ne plus entendre les horreurs, vivre dans un paradis réservé aux enfants...

    Le courant irrégulier levait parfois sa jambe et son pied venait frotter le mollet de Lucie. Il exagéra un peu l’amplitude et la fréquence des contacts, certain qu’elle allait en profiter pour sortir ses griffes. Elle lui dit calmement,

    - Si tu veux, je te montre ma zézette, et toi tu me montres ton zizi.

    Luc fixa Lucie qui l’observait avec un petit sourire moqueur. Décontenancé, mal à l’aise, il tenta de lire sur le visage de sa cousine. Des frissons désagréables lui rappelèrent les paroles du pasteur sur le fruit défendu, les péchés de la chair, sur la tentation et les manigances du Malin. Il devait bien admettre qu’il n’avait aucune idée sur la représentation du péché de chair et avait très vite éliminé cependant, l’image d’un individu se gorgeant de viande et de saucisses. Il se souvint d’un film où des romains fêtaient une victoire sur les barbares, les chefs valeureux mangeaient et buvaient, et comme par magie, ces grands soldats devenaient idiots parce que des danseuses se trémoussaient en faisant tournoyer des voiles transparents. Tout cela donnait à réfléchir.

    - Alors, Tu commences ou je commence? On le fait en même temps?

    Une voix commanda à Luc: ne le fais pas, c’est une conne, dès la prochaine brouille, elle ira tout raconter. Lucie souriait encore, mais ses yeux trahissaient son impatience et une colère qui ne demandait qu’à exploser. Luc ricana pour dissiper sa gêne.

    - Eh les morveux, on ne vous a pas invités! Qu'est-ce que vous foutez là? Vous jouez à touche-pipi? Tirez-vous ou on vous balance dans la flotte! Ouste!

    Les quatre grands, des gars qui venaient des baraquements en bois près de la mine, les lorgnaient, menaçants. Une fille plus âgée lança une œillade aux enfants. Luc la reconnut, une belle fille avec de longs cheveux noirs et un regard effronté. Son corsage très échancré contenait à peine des gros seins dorés par le soleil. Le garçon se rappela l’avoir croisée dans les champs, l’an passé, et sa grand-mère avait marmonné, “ encore un polichinelle dans le tiroir cette traînée “.

    Luc et sa cousine ne se firent pas prier pour filer dans les prés jusqu’en haut de la butte. Il leur avait été souvent dit de ne pas s’approcher des baraques : des romanos, des étrangers arrivés dans les bagages de la guerre, des moins que rien, pire que des Polonais.

    - Les vaches, ils nous auraient foutu à la flotte sans broncher.

    - Oui, mais ils nous auraient torturés avant, et ils m’auraient violée... Je l’ai bien vu, c’est des vicieux...

    - Violée? C’est quoi ça?

     - Ah ne fais pas celui qui ne sait pas, tu te moques?

    - Battue? Passée à tabac?

    - Tu es vraiment une bécasse, violer une femme, c’est l’obliger à faire un enfant, nigaud!

    - Si ce n’est que ça, faut pas en faire tout un plat, parce que je peux te dire qu’il y a beaucoup de femmes violées dans mon quartier. J’en entends souvent à l’épicerie ou chez le boulanger se plaindre d’être prises, mais qu’elles allaient faire avec, alors tu vois, ce n’est pas un drame.

    - Pas un drame, Et tu crois que je veux un enfant à mon âge?

    - Ah oui, ça c’est une autre paire de manches, les vaches! Tu crois qu’ils l’auraient fait?

    - Qu’est-ce que tu crois, tous les hommes sont des salauds!

    - Ouais, je veux bien, c’est ce que disent les femmes, moi j’entends beaucoup d’hommes dire que les femmes sont toutes des salopes, pas une pour racheter l’autre, alors... ( à suivre )

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