• Peter ne veut pas renoncer, il fera tout pour retrouver Gladys... Tout? Jusqu'où veut-il aller? Est-il prêt à se laisser manipuler par la sorcière? Va-t-il accéder à sa demande? Dans quel piège s'est-il jeté? Mais, pour Gladys...

    Tant de questions! Je vais en profiter pour poser MA question : suivez-vous ce conte avec intérêt? Voulez-vous connaitre la suite? Avez-vous des questions? Si vous répondez "oui", ne soyez pas timide, parlez-moi sur gerard.stell@outlook.fr

    Bon dimanche...

     

     

     

     

     

    7  Le défilé de Straiture (suite)

     

     

      Fées et mystères dans les Vosges ( suite )fente, avec la lèvre inférieure meurtrie par une canine saillante qui avait pris domicile à l’extérieur de la bouche.

    •  Bonjour Peter, dit-elle, avec un sourire narquois qui dévoila encore plus la canine, de couleur orange.
    •  Bonjour, euh…
    •  Je m’appelle Eusidhre, mais pour mes amis je suis Sissi. Entrez donc.

    Peter s’attendait à un intérieur sombre avec des choses bizarres accrochées au plafond, mais l’intérieur était, au contraire, lumineux grâce à des ouvertures placées suivant la course du soleil. Les murs blanchis à la chaux étaient nus. Pour tout mobilier il n’y avait qu’une table aux pieds à peine équarris, et trois rondins en guise de sièges. Une porte se devinait dans un coin sombre. Archie tourna sur lui-même, les yeux arrondis, un pied levé, comme s’il allait détaler.

    •  Ah, Trolette, je vois que tu m’as amené ce sacripant d’Archie ! Je suis bien contente de le voir, c’est un bel homme.

    Archie se renfrogna. Ses oreilles virèrent au rouge écarlate, mais le compliment avait porté. Il se détendit et s’assit. Peter prit place sur l’invitation d’Eusidhre sur un rondin, avec les genoux sous le menton. Trolette prit la parole.

    •  Nous sommes venus te voir car tu m’avais dit avoir vu passer Ida la Généreuse et un temps plus tard Jeremy le Grand-Duc. Tu m’avais aussi parlé de bruits étranges… Tu sais bien pourquoi nous sommes ici ? Il nous faut une piste pour retrouver les disparus…
    •  Oui, je sais, les nouvelles courent vite dans nos forêts. Je sais que Nestor est dans une colère terrible, furieux et désemparé, ce qui est pire. Je ne voudrais pas être de ceux qui vont devoir affronter sa colère divine…
    •  Mais, Eusidhre, euh Sissi, quels sont ces étranges bruits que tu évoques ?
    •  Des bruits et des gémissements, au plus fort de la nuit, des pleurs parfois. Je me suis levée, je suis sortie plusieurs fois, mais dès ma porte ouverte je me trouvais devant un mur de brouillard impénétrable et alors les bruits cessaient.
    •  Des bruits tout près ou lointains, intervint Archie.
    •  Les deux à la fois, comme si mes oreilles me jouaient des tours.
    •  Tu ne crois pas que ce serait un appel ? demanda Trolette.
    •  Je me le suis demandé, mais au fond de moi-même, je me demande si ces appels ne seraient pas destinés à quelqu’un d’autre.
    •  Quelqu’un d’autre, mais qui ?
    •  Après réflexion, Peter, je me demande si ce n’est pas toi.
    •  Moi ! Ce n’est pas possible !
    •  Et pourquoi pas, murmura Eusidhre. Pensais-tu que nous voir était possible ? Nestor t’a investi d’un pouvoir magique qui te permet de te trouver avec nous. Peut-être peux-tu communiquer avec le monde secret de la forêt… C’est ta mission Peter, et tant de temps s’est déjà écoulé. Tu dois agir Peter.

    L’étonnement, l’incrédulité, la peur et la révolte se saisirent du visage de Peter. Il voulut parler mais aucun son ne sortit de sa bouche Il réussit enfin à articuler un faible :

    •  Agir ? Comment ?

    Eusidhre le fixa de ses petits yeux noirs, longuement. Elle leva la main et pointa son index sur le jeune homme.

    •  Comment ? Si tu le veux vraiment, si tu crois que rien n’est plus important pour toi, si le sacrifice ne t’effraie pas…

    Peter voulut crier, protester, mais un sentiment profond de fatalité, de résignation et d’acceptation vint à bout de sa panique.

    •  Le sacrifice ? De quoi parles-tu ?
    •  Il faut que tu fasses le voyage, que tu pénètres le monde des esprits, le monde des mystères… Il faut que tu voyages au-delà de ce mur de brouillard, que la crainte te soit étrangère, que ton cœur s’ouvre et que tu l’écoutes…

    Archie roula des yeux affolés, il bégaya,

    •  Tu… tu… ne veux pas… pas dire que tu…tu vas lui do…donner…
    •  Mais si Archie, il le faut, c’est le seul moyen.
    •  Bien sûr Archie, appuya Trolette, tu sais bien que c’est le seul moyen. Tu dois le faire Peter, maintenant.
    •  Quoi donc ?
    •  Mais le voyage, grand nigaud !
    •  Comment ? Où ?

    Eusidhre avait, pendant cet échange, versé dans un bol plusieurs poudres qu’elle délaya dans du jus de groseille.

    •  Tu dois boire cette préparation qui va te faire voyager. N’aie aucune crainte Peter, ta volonté sera toujours la plus forte.
    •  Je peux te demander ce que c’est ?
    •  C’est du trope, réservé aux grandes occasions, bois maintenant…

    Peter saisit le bol, le regarda comme si le liquide foncé allait lui parler. Il avait la tête vide, ne sentait plus son cœur battre, il n’avait plus conscience d’être. Eusidhre, Trolette et Archie se tenaient debout, visages impassibles. Ils soupirèrent à l’unisson lorsque Peter avala d’un trait le breuvage et qu’il s’enfonça dans un monde où le noir le plus dense régnait.

     

    .-.-.-.-.-.-.-.-

     

    Après, longtemps après, Peter entrouvrit les yeux pour les refermer aussitôt. Il était dehors, sous un ciel bleu illuminé par un grand soleil. Allongé sur un sol trempé, le visage enfoncé dans de la mousse humide, il écarta les bras dans l’espoir de se stabiliser. Tout tournait, il était pris dans un tourbillon. Ses mains s’enfonçaient dans une matière souple, froide et mouillée. Il tenta de caler ses pieds mais la spirale folle se jouait de lui, le faisait tournoyer, plonger avec des accélérations ahurissantes. Il commença à se stabiliser, à flotter, en même temps que des acouphènes puissants torturaient ses tympans. Le vacarme s’atténua pour se transformer en un sifflement continu. Il réussit à ouvrir les yeux et à les conserver ouverts. Son visage écrasait un coussin de sphaignes. Il comprit qu’il était allongé dans une tourbière. Peter voulut bouger, ses yeux surprirent un mouvement. Il assista, terrifié, à une mutation des sphaignes. Les minuscules tiges blanches gonflèrent et d’un seul coup se précipitèrent vers le ciel en augmentant de taille. devenant aussi grosses que des troncs d’arbre. Les chapeaux, brun foncé s’élargirent au point de masquer le soleil.  ( à suivre )

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  •  

    Archie et Trolette... et un autre personnage... Une jeteuse de sorts? Une sorcière? Ou une main amicale qui va permettre à Peter de progresser dans sa recherche de Gladys, Hansi et Ida la généreuse?... Que de secrets dans cette forêt!

     

     

     

     

     

     

     

    7  Le défilé de Straiture

     

    Appelé aussi petite Suisse, le défilé de Straiture, non loin de Gérardmer, est une des plus belles vallées des Vosges. La petite Meurthe y coule. On y trouve aussi les plus grands épicéas d’Europe. De nombreux coussins de sphaignes rouges attirent les regards ainsi que le polytric élégant.

     

     

     

    Enchanté par ce qu’il découvrait, Peter se promit de revenir avec tout son matérielFées et mystères dans les Vosges chap.7, certain de découvrir de nouveaux sons, inconnus dans d’autres vallées. Il se morigéna immédiatement. Penser à cela, dans un moment pareil, quelle inconscience ! pensa-t-il.

    •  Dis, Trolette, tu la connais depuis longtemps cette amie ?
    •  Un certain temps… Attends, depuis peu, je crois…
    •  Tu ne sembles pas très fixée, mais c’est bien une amie, non ?
    •  Euh, oui, enfin pas vraiment. Tu sais, l’année dernière j’ai beaucoup souffert de mon genou gauche, une douleur que tu ne peux pas savoir. On m’a dit qu’il y avait une guérisseuse qui soignait avec des plantes de cette vallée, uniquement. C’est comme ça que je l’ai connue.
    •  En tout cas, elle ne t’a pas soigné la langue !
    •  Oh ça va Archie, tu ferais bien de lui demander une potion pour être enfin plus aimable !

    Peter donna un coup de volant pour éviter un écureuil imprudent.

    •  Regardez-le celui-là, il se croit tout seul au monde !

    L’automobile roulait sur une route faite de nombreux virages, dominée par les flancs d’une montagne assombrie par la densité des arbres. La beauté sauvage de l’endroit semblait se muer dans les zones d’ombre en une multitude de gardiens menaçants. Peter observait le paysage avec l’œil d’un photographe, non sans éprouver une sorte de malaise. Il soupira. Il doutait encore. Jeremy le Grand-Duc lui avait confié une mission écrasante de responsabilité, mais quel serait le résultat ? Devait-il se pincer, se gifler pour se réveiller et rire d’un rêve fou ? Pourtant, Gladys, sa petite fée aux grands yeux verts avait bel et bien disparu, avec Hansi et Ida la Généreuse. Ce n’était donc pas un rêve. Il devait croire en sa mission, se donner plus et s’interdire le moindre doute.

    •  C’est par là, dit Trolette, en tendant la main vers une amorce de chemin, sur la gauche de la route.

    Très vite les côtés se resserrèrent. Les touffes de genêts crissèrent sur les flancs de l’auto. Les branches basses des arbres s’unirent pour créer un véritable tunnel de verdure.

    •  Dis, Trolette, tu m’emmènes où par-là ?
    •  Ne t’en fais pas, ce n’est plus très loin.
    •  Si tu le dis

    La végétation devint si épaisse, si dense qu’il fallut allumer les phares. Le couvert végétal s’ouvrit juste après un tournant serré et dévoila une maison basse, tapie contre un  haut talus.

    •  Nous y sommes Peter, laisse la voiture là, il faut traverser le petit pont.
    •  Il ne me plait pas beaucoup cet endroit, maugréa Archie, dont la tête tournait dans tous les sens.
    •  On se demande bien pourquoi, vieux grognon.

    La maisonnette semblait faite de torchis tout gris, avec une toiture couverte de genêts encore verts. Deux fenêtres rondes de part et d’autre d’une porte basse donnaient l’impression désagréable d’être observés. Une petite rivière coulait devant l’habitation, un pont étroit, en bois y donnait accès. Peter s’arrêta au milieu de l’ouvrage pour apprécier la profondeur de l’eau. L’eau cristalline révélait les pierres et les galets qui jonchaient le lit. De longs paquets d’herbes d’un vert fluorescent ondoyaient dans le courant. Parfois, les masses vertes dérapaient sur les côtés et se retournaient, au grand étonnement de Peter, car le dessous des herbes était d’un rouge sang. Interloqué, il suivit Trolette déjà devant la porte. Plus il avançait, plus il ressentit une gêne, indéfinissable, comme s’il se trouvait debout sous une ligne à très haute tension. Un animal fila, de dessous une poterie renversée. Peter ne sut dire s’il s’agissait d’un rat ou d’un chat, ou encore autre chose. La porte s’ouvrit.

    •  A la bonne heure, Trolette, voilà que tu m’amènes de la visite. Si j’avais su, je me serais fait une beauté !

     

    Peter s’immobilisa, bouche-bée. De la même taille que Trolette, la chose, enfin, la femme qui se tenait sur le seuil, avait de quoi étonner. Des cheveux roux, presque rouges pendaient comme de la filasse de part et d’autre d’un visage repoussant. Deux yeux minuscules, enfoncés dans des orbites profondes encadraient un nez court, largement épaté comme… le groin d’un cochon. La bouche n’était qu’une étroite fente, avec la lèvre inférieure meurtrie par une canine saillante qui avait pris domicile ( à suivre )

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  • Deux curieux personnages qui semblent être le produit d'une imagination plus que fertile rencontrent le chemin de Peter. Un hasard? Non, la volonté des Grands Esprit des Vosges du nord.

    Que veulent Archie et Trolette? Aider Peter dans la recherche des disparus? Avoir un oeil sur Peter et pouvoir le contrôler? Je vous laisse seuls juges de ce rebondissement... avouez que cette fois, vous êtes plus que gâtés...

     

     

    6 Le sursaut (suite et fin)

     

     

    Peter hésita. L’habillement de l’individu datait d’une autre époque. Une tuniqueFées et mystères dans les Vosges verte, serrée à la taille, sur un collant brun foncé, enfoncé dans des bottillons noirs, étaient complétés par un curieux chapeau, qui avait tout d’une galette, à la couleur indéfinissable. L’homme se leva et fit un pas vers Peter. Debout, il devait mesurer tout au plus 80 centimètres !

    •  Bonjour, Peter, je t’attendais. Moi c’est Archie.

    Y avait-il encore de la place pour l’étonnement ?

    •  Bonjour Archie. Pourquoi m’attendais-tu ?

    Un pêcheur passa à cet instant, intrigué par cet homme qui parlait tout seul. Il continua son chemin en haussant les épaules. L’attitude du pêcheur n’avait pas échappé à Peter. Un sourire de connivence répondit au sourire d’Archie.

    •  Eh oui, Peter, le pêcheur ne m’a pas vu, il n’a pas ton pouvoir. Maintenant, pour répondre à ta question, je suis envoyé par Hector, le grand Esprit des Vosges du sud. Les nouvelles vont vite, tu sais, et je suis là pour t’aider. On ne voudrait surtout pas vivre à notre tour une telle catastrophe. Nous allons donc travailler ensemble.
    •  Voilà qui me ravi, ton aide me sera précieuse. Nous ne serons pas trop, à deux, pour résoudre notre problème.
    •  A trois, si tu le veux bien Peter. A trois, car je me joins à vous, mandaté par Victor, le grand Esprit des Vosges du nord.
    •  Oh non, pas toi !
    •  Comment ça, pas moi ? 
    •  Tu n’arrêtes pas de me houspiller, tu me critiques, tu me débines auprès de tous nos amis !
    •  C’est peut-être parce que je t’aime bien, vieux grognon.
    •  Ah, tu vois, tu commences !

    Médusé, Peter regardait tour à tour les deux personnages, le moins qu’on puisse dire, étonnants. Il observa ce nouvel arrivant sans trop croire à ce qu’il voyait. Une petite femme de pas plus de 60 centimètres, au visage plus ridé qu’un vieux pruneau, se dressait fièrement sur des jambes légèrement arquées. Son habit vert foncé ressemblait à une salopette de mécanicien, aux poches bien gonflées. Un chapeau hideux contenait à peine une masse de cheveux d’un roux flamboyant. Il fallait noter aussi ses pieds nus, aux ongles laqués de rouge foncé, tenus dans des sandales à lanières.

    •  Dis donc, Peter, ça y est ? Tu m’as assez détaillée ? Moi, c’est Trolette.
    •  Euh, enchanté Trolette. Je suis content de ce renfort, bienvenue.
    •  Merci. Et si on s’asseyait pour faire le point ?

    Archie et Trolette partagèrent le même tronc, face à Peter assis sur une souche. Il leva      les deux bras et dit, d’une voix enjouée :

    •  Discutons.

    Le pêcheur repassa à ce moment. Il haussa les épaules et secoua la tête. On l’entendit marmonner :

    •  Mon Dieu…

    Trolette prit la parole.

    •  J’ai fait un détour par le défilé de Straiture où j’ai une ancienne amie. Elle a vu passer Ida la Généreuse qui chantonnait. Elle a vu aussi, tard, le soir, passer Jeremy le Grand Duc. Elle n’a rien vu d’autre. C’est ce soir-là que la chose s’est passée.
    •  Je suggère qu’on ratisse les bords du lac, n’est-ce pas, Peter ?
    •  C’était mon idée, juste avant votre arrivée. Mettons-nous au travail.

    Ils commencèrent une fouille systématique, soulevèrent les bruyères, bougèrent les ronces, ne laissant rien de côté. Un détail intrigua Peter. Est-ce que des êtres invisibles laissaient des traces, dans un sol boueux, par exemple ? Il suivit Trolette sur quelques mètres et constata avec satisfaction que les sandales laissaient des empreintes très nettes dans la terre humide, au bord du ruisseau. A midi passé, aucun cri, aucune exclamation ne vint interrompre le ratissage de la berge du lac et du sous-bois. Ils pensèrent avoir trouvé le refuge de Gladys, mais déchantèrent. Il ne s’agissait que d’un renfoncement dans un massif de ronces. Ils se rejoignirent à l’extrémité du lac, près du grand rocher, lieu de rassemblement de nombreuses carpes.

    •  Nous n’avons rien trouvé, dit Peter, l’air sombre, que faire, mon Dieu, que faire ?

    Trolette lança un regard à Archie, et cligna des yeux, comme si elle lui donnait son accord. Pouvaient-ils communiquer sans se parler ? Archie toussota.

    •  Tu as tout à fait raison, Peter, ces enlèvements ne peuvent être l’œuvre que de gens comme nous, invisibles. Ils ont été assez malins pour effacer toute trace de leur crime. Trolette vient de me faire une suggestion intéressante… Et si c’était Hansi le premier disparu ? Que Gladys, partie à sa recherche, se soit fait piéger ? Qu’Ida la Généreuse se soit posé la même question que Trolette ?
    •  Quelle est donc cette suggestion ?
    •  Tu ne connais pas Hansi, tu ne l’as jamais vu, Il est beau comme un astre, toutes les invisibles en sont folles, dès qu’elles le voient. Alors…
    •  Alors quoi ? Dis ce que tu as à me dire
    •  On pense qu’il aurait pu se faire ensorceler…
    •  Allons bon, encore du nouveau ! Ensorcelé par qui ?
    •  On a pensé à la Polybotte, une fée malfaisante qui a fait beaucoup de victimes. On sait qu’elle vit quelque part autour du lac.
    •   La Polybotte ? Qui est-ce ?

    Trolette prit la parole. Elle fronça le nez de dégoût.

    •  C’est une femme très laide, d’une grande méchanceté. Quand on veut faire peur aux enfants qui font des grimaces, on les menace : continue comme ça et tu seras aussi laide que la Polybotte. On dit qu’autrefois, elle a emprisonné un chevalier dans un bloc de glace, à la sortie d’une caverne. Les gens d’ici appellent cet endroit la fente de Kerkoff.
    •  Comment a-t-elle fait, si elle est si laide, si répugnante ?
    •  C’est une fée, elle a des pouvoirs, elle peut jeter des sorts. Elle peut aussi se transformer en créature d’une grande beauté pour attirer les promeneurs égarés qui lui plaisent… On dit aussi que lorsqu’elle chante, les rossignols pleurent de jalousie…

    Peter se prit la tête entre les mains, il avait le tournis. Il voyait l’invisible, il avait été le témoin d’un échange silencieux entre Trolette et Archie, et maintenant, en plus, il était question d’une fée à la laideur proverbiale qui pouvait se transformer en belle de rêve. Cela faisait beaucoup, vraiment beaucoup.

    •  Tu vas bien, Peter ?
    •  Je suis un peu sonné, Trolette, mais ça va. On sait où on peut la trouver cette sorcière ?
    •  Malheureux ! Ne la traite pas de sorcière, c’est une fée ! Si elle t’entendait, elle te jetterait un sort !
    •   Tu y crois vraiment, Archie ?
    •  Oui, surtout dans notre monde, tu verras…
    •  Mais, Archie, cette Polybotte, ce n’est peut-être qu’une légende, tu ne l’as jamais vue, toi non plus, Trolette, alors ?
    •  Sache Peter, que dans notre monde, les légendes n’existent pas. Les humains visibles parlent de légendes tout simplement car ils ont peur de ce qu’ils ne comprennent pas. Ils créent des légendes à chaque fois qu’ils veulent nier la réalité. Tu dois le savoir.

    Un sourire éclaira le visage de Peter.

     

    •  Je crois que j’ai encore beaucoup de choses à apprendre. Je suis certain que vous serez de bons professeurs, je vous promets d’être un bon élève. Bien. Il faut bouger. Il faut suivre toutes les pistes. Alors, cette…fée, où peut-on la trouver ?
    •  Je me suis laissé dire que la forêt de Martinpré serait sa résidence habituelle.
    •  Dans ce cas, allons-y. Je vous emmène dans ma voiture, si vous n’avez pas peur.

    Ils rebroussèrent chemin, passèrent devant la capitainerie pour accéder au parking. Peter montra son auto du doigt.

    •  C’est celle-là, la bleue.

    Le pêcheur, quelques pas plus loin, discutait avec un autre pêcheur.

    •  Tu vois, c’est de lui dont je te parlais. Regarde-le, le pauvre, on dirait qu’il est en train de discuter avec des gens invisibles.
    •  Si ce n’est pas malheureux. Il a pourtant l’air jeune encore, déjà être toqué, à son âge !
    •  Tiens, c’est de pire en pire ! Il ouvre la portière comme s’il faisait monter quelqu’un !
    •  Ma femme n’en reviendra pas, lorsque je lui en parlerai, pour sûr.

     

    -.-.-.-.-.-.-.-.

     

    Peter trouva l’entrée d’une route très étroite, entre deux énormes épicéas. Un examen attentif de la carte le dirigea dans son choix. Il s’arrêterait entre la Vologne et la Corbeline, petites rivières au charme bucolique, dont les sources  auraient presque pu se rejoindre à l’extrémité de la forêt de Martinpré. De nombreux hêtres colonisaient tous les espaces libérés par les épicéas tombés sous la hache des bûcherons.

    •  Nous y voilà, dit Peter. Je suggère qu’on suive la Corbeline jusqu’au Champ des Roches, ensuite, on remontera le long de la Vologne.
    •  Je crois que c’est ce qu’il y de mieux à faire, n’est-ce pas Trolette ?
    •  Oui, c’est ce que j’aurais fait, moi aussi. Allons-y et ouvrons les yeux.

    Il faut dire qu’ils les ouvrirent les yeux ! Des crapauds, des grenouilles, oui, des salamandres, des tritons, oui. Deux chevreuils, un renard, aussi. Mais de fée Polybotte, rien, rien de rien. La flore, diverse, la faune à peine effarouchée, toute cette nature laissa les trois chercheurs indifférents, tant ils étaient concentrés sur d’éventuelles traces. Ils s’arrêtèrent avant d’entamer le parcours inverse, le long de la Vologne. Assis sur le tronc d’un hêtre, ils restèrent silencieux, le menton appuyé sur leur main.

    •  Je crois bien…
    •  Tu m’enlèves…
    •  Et si vous parliez, sans vous couper la parole, dit Peter.
    •  Tu sais, Peter, prononça Trolette, j’ai beaucoup réfléchi pendant que nous marchions. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne la sens pas cette histoire de Polybotte… Aussi méchante soit-elle, pourquoi courir le risque de se faire haïr par les Esprits, qui pourraient la bannir pour toujours…
    •  Je te rejoins, Trolette. La Polybotte n’est pas notre coupable, ce n’est pas possible. Elle serait mise au ban de toute la montagne, malgré tous ses pouvoirs de jeteuse de sorts… 
    •  Si je comprends bien, nous avons fait une belle promenade ! Enfin, pas tout à fait, puisque nous avons éliminé une piste. Alors, que faire maintenant ?
    •  Ne sois pas déçu, Peter. Tu sais, je t’avais parlé d’une amie qui habite dans le Défilé de Straiture. Elle voulait m’entretenir de choses étranges qu’on lui aurait rapportées, mais j’étais pressée, et je ne sais pas de quoi il s’agit. Si on y allait maintenant, ce n’est pas très loin. On y va, Peter ? ( à suivre )

     

     

     

     

     

     

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    Les jours d'après

     

     

    6 Le sursaut (suite)

     

     

     

    Fées et mystères dans les VosgesC’était une petite bâtisse, à un étage à colombages brun foncé qui faisait bien ressortir le vert amande des murs. Le haut de la maison, travaillée par les siècles, penchait, comme une forme de salut à l’aplomb de l’eau cascadant entre des roches placées là par un génie moqueur. Une fresque aux couleurs vives garnissait le pignon, pour le plus grand plaisir des photographes amateurs. On y voyait un paysan guidant sa charrue, tirée par deux bœufs blancs, sur un fond de colline couverte de vignes réparties autour d’un haut clocher en grès rose. Le volet de l’étage était ouvert. Helmut se posa sur le rebord de la fenêtre, mais malgré sa vue perçante, il ne put voir à travers un épais rideau en cretonne. Il frappa du bec contre la vitre et battit furieusement des ailes, dans l’espoir d’attirer l’attention du Grand Marcheur.

    Celui-ci était assis à sa table, occupé à trier et à classer ses photos. Son esprit, tout en travaillant, ne cessait de se promener autour de l’étang du Devin. Il y était allé la veille, et y resta assis de longues heures, face à l’épais tapis de canneberge, de droseras et de linaigrettes. Un blaireau trotta sans hâte, devant ses pieds, ignorant l’occupant du banc. Celui-ci le lui rendit bien. Son regard restait fixé sur le fond de l’étang, dans l’espoir de plus en plus vain, de voir un mouvement, une lumière. Hélas, la nuit était déjà tombée depuis longtemps, lorsqu’il se décida, le cœur gros, de rentrer chez lui. Quand reverrait-il la petite fée aux grands yeux verts ? Il ne vivait que pour cet instant chéri où elle poserait sa tête contre son épaule. Il espérait de toutes ses forces que cet instant durerait une éternité. Plongé dans ses pensées, ses mains ne bougeaient plus, suspendues dans le vide. Un son lui parvint de loin, puis prit de la force, jusqu’à devenir bruyant. Il se leva, intrigué, car cela semblait venir de sa fenêtre. Des garnements qui s’amuseraient à lancer des cailloux contre sa vitre ? Il tira le rideau et ne vit rien de particulier, personne devant la rambarde de protection, devant la Weiss. Son front se plissa d’étonnement lorsque le claquement d’un objet dur contre la fenêtre, tout près de son visage le fit sursauter. Il pinça les yeux, expira un soupir comme s’il suffoquait. Sa bouche s’ouvrit sur un râle d’incompréhension. Là, à quelques centimètres, se matérialisait une forme. Il vit un bec puissant, puis deux yeux immenses, puis une tête de rapace qui se forma nettement. Le reste du corps se révéla peu à peu, masquant la façade de la maison de l’autre côté du cours d’eau. Devenait-il fou ? Le rapace, devant ses yeux ébahis s’ébroua. C’était un volatile curieux, mi hibou, mi chouette, de belle taille, pas du tout effarouché par la présence de l’homme, bien au contraire. Le Grand Marcheur exhala un oh ! de peur et d’émerveillement à la vue du bec qui s’ouvrait. L’oiseau parlait ! Il lui parlait !

    •  A te voir je comprends que toi aussi tu me vois. La question est réglée. Pour faciliter les choses, il faudrait te trouver un autre nom. C’est trop long, le Grand marcheur, de plus, c’est un peu pédant. Alors il faudrait se mettre d’accord sur, voyons… oui, Peter t’irait bien, ça me fait penser à Peter Pan. La question est réglée. Moi, c’est Helmut.

    Baptisé Peter, le Grand Marcheur ne put que s’incliner devant une raideur toute germanique. Il ressentait, d’autre part que la présence de Helmut, toute merveilleuse qu’elle soit, devait avoir un rapport avec l’étang du Devin. S’il n’y avait lieu à s’étonner, il fallait alors s’inquiéter, car seuls des événements d’importance capitale pouvaient motiver tout ce mystère.

    •  Bien. Maintenant que tu me vois et que tu m’entends, tu vas m’écouter, sans m’interrompre. Tu me poseras des questions après. Nous sommes d’accord ?

    Peter ne s’étonna pas en s’entendant répondre.

    •  Nous sommes d’accord. Je t’écoute, Helmut.

    Peter sentit son sang se glacer, au fur et à mesure que Helmut exposait tous les faits connus. Il reçut la disparition de la petite fée aux grands yeux verts comme un coup de poignard dans la poitrine. La douleur fut si forte, qu’il pressa la main contre son cœur. Helmut lui apprit qu’elle s’appelait maintenant Gladys. Les informations s’amassaient, les unes après les autres, dans une chronologie froide et implacable. La réalité s’imposa à Peter. Il comprenait ce qui était attendu de lui. Il avait pour mission de trouver et de délivrer tout ce monde, invisible au commun des mortels, sauf à lui, pourvu de cette faculté fantastique, de voir l’invisible. Helmut se redressa et inclina de la tête, en rassemblant ses pattes. Dans un salut très germanique.

    •  A toi d’intervenir Peter, nous comptons sur toi.

    Il s’envola alors, par la fenêtre restée ouverte. Peter resta assis, blême, les bras pendants le long du dossier de sa chaise. Il venait de vivre des minutes incroyables. Exceptionnelles et si tragiques à la fois. Son amour, son grand amour, son amour unique venait de disparaître. Elle et Hansi, elle et Ida la Généreuse. Qui avait pu commettre ce crime impensable ? Pourquoi ? Peter se prit la tête entre les mains, abattu et découragé. Puis, lentement, des réflexions prirent place, ouvrant de nouvelles perspectives. Il se leva brusquement, frappé par une évidence et s’exclama :

    •  Mais oui ! Gladys, Hansi et Ida la Généreuse sont invisibles aux yeux des humains ! Ils n’ont pu être enlevés que par des semblables, des gens, ou des entités qui voient l’invisible !

    Peter croisa les bras sur la poitrine et se mit à tourner en rond autour de sa table. Ce premier point lui sembla primordial, mais en même temps, il sentit le doute l’envahir. Enquêter ? Vite dit. Commencer par quoi ? Où ? Serait-il à la hauteur de cette tâche ? Le doute le rongea. Des sanglots d’impuissance le secouèrent. Il eut pitié de lui, se prit à se plaindre, à se prendre pour une victime. Puis il revit le visage de Gladys, son sourire, son abandon contre lui et tout l’espoir que cette image représentait. Une nouvelle vie, une vie merveilleuse, une vie radieuse, faite de bonheur et de paix.

    •  Il faut que j’aille sur place, que je regarde, que je trouve une ou des traces, cela à ma façon, avec un autre œil que Jeremy, ou Helmut. La vie invisible autour de l’étang du Devin, ou autour du lac de Gérardmer n’a jamais été confrontée à ce genre de problème. Le mal leur est inconnu, ils sont donc totalement désarmés. Il faut un regard neuf, un esprit logique dans cette affaire. Il était donc bien celui qu’il fallait !

    Peter remplit son sac à dos de tout ce qu’il estima nécessaire, pour plusieurs jours. Il n’oublia pas son appareil de photos, convaincu que l’objectif pourrait saisir ce qu’il verrait. L’invisible allait être figé, analysé, stocké. C’est avec un sentiment d’exaltation qu’il ferma la porte de son appartement.

     

     

    L’automne s’installait sous un ciel radieux, débarrassé de toute trace de brume. Les prairies se dégageaient tout doucement de la gelée matinale, chaque brin d’herbe se prenait pour un diamant, l’espace d’un instant, juste avant d’être avalé par un soleil souverain. Peter traversa le col de Bonhomme pour plonger en Lorraine, en direction du lac de Gérardmer, où, il en était convaincu, il trouverait un indice, ou le début d’une réponse à ses nombreuses questions. La forme elliptique du lac, tout en longueur, longeait la route, d’un côté, et une forêt épaisse et sombre sur l’autre face. Une légère brise parcourait la surface des eaux scintillantes et agitait les feuilles de quelques saules. Le jeune homme décida de suivre la rive assombrie par les hauts résineux, à l’opposé de la route bruyante. Il allait suivre l’eau, puis revenir sur ses pas, en cherchant un parcours parallèle, dans la forêt, afin de couvrir un maximum de surface. Il enjamba un ruisseau grouillant de crevettes d’eau douce qui se jetait dans le lac, pour le plus grand plaisir de perches à l’affût de cette manne. Un petit homme barbu, assis sur un arbre couché, l’observait, le menton appuyé sur sa main. Peter hésita. L’habillement de l’individu ( à suivre )

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  • Fées et mystères dans les Vosges

     

    Ida la généreuse est disparue, un monde s'écroule. Que sont devenus Gladys et Hansi? Une malédiction se serait emparée des Vosges et aurait lancé un sort à ce monde merveilleux? Quelle malédiction? Pourquoi? Par qui?

    Les jours d’après

     

     

    6  Le sursaut

     

     

     

     

     

    Le ciel au-dessus du Devin retrouvait peu à peu son calme. De grands nuages deFées et mystères dans les Vosges vapeur n’avaient cessé de jaillir à chaque poussée de colère de Nestor, le Grand Esprit du Devin. Des pans de ciel bleu tentaient timidement de s’imposer.

    Ce matin-là, tout le monde était présent pour suivre une discussion animée, parfois houleuse, entre Nestor et Jeremy, le Grand Duc. Celui-ci restait immobile, raidi sur une branche étranglée par ses puissantes serres. Lui aussi était furieux, remonté contre l’intransigeance de Nestor. Cela se voyait à ses paupières qui voilaient ses grands yeux dorés, barrés par une minuscule fente verticale. La rapidité avec laquelle il battait des paupières renseignait assez sur son humeur.

    •  Je te le dis, Nestor, c’est le seul moyen, je n’en démordrai pas.

    Nestor exhala un long et profond soupir qui fit plier la cime des épicéas et des sapins. Il s’exprima, après un silence :

    •  Hum…hum…
    •  Je crois que je n’ai pas bien compris, c’est oui ou c’est non ?

    Agrippé à une plus haute branche, Helmut, ce curieux croisement entre une chouette et un hibou, écoutait cette étrange conversation, avec un grand intérêt. Des mesures très positives pouvaient découler de la décision de Nestor. Le Grand Esprit avait trop longtemps tergiversé. Il était grand temps de réagir.

    •  Sais-tu, Jeremy, que jamais j’aurais pensé avoir à prendre une telle décision ? Que c’est totalement contraire à nos us et coutumes ? Que tu me demandes d’enfreindre une règle divine ?
    •  Je sais tout cela, Nestor, je sais aussi que nous avons perdu beaucoup de temps. Nous avons mis à contribution tout ce qui vit et respire dans nos forêts, pour un résultat, hélas, nul. Je suis certain qu’Hector, le grand Esprit des Vosges du sud, et Victor, le Grand Esprit des Vosges du nord, qui sont dans la même situation que nous, ne peuvent que t’approuver. Décide-toi. Maintenant.

    La Ragoteuse, la pie effrontée et bavarde, arrondi son œil et leva la queue. Elle vivait un grand moment. Peut-être allait-elle être chargée d’une mission ? Répandre des informations dans tout le massif ?

    •  Hum… Bien… J’ai décidé. J’ai décidé, sous la pression des événements, d’accorder au Grand Marcheur, le pouvoir de voir l’invisible, mais en aucun cas, je répète, en aucun cas, il n’aura le pouvoir de se rendre invisible. J’ai dit. Allez l’informer au plus vite et qu’il commence son enquête.

    Le ciel se libéra de ses nuages pour livrer un bleu lumineux qui éclaira les sous-bois. La tension, dans la clairière était tombée d’un coup. Le silence et l’immobilité des uns et des autres laissa place à une cacophonie, empreinte, toutefois d’une certaine gravité. Il fallait retrouver les disparus au plus vite. L’aide du Grand Marcheur ne pouvait qu’être bénéfique. La Ragoteuse s’était déjà envolée pour répandre la nouvelle extraordinaire. Mélissa, la mésange bleue en fit de même. Mouffi et Moufa, les écureuils se demandèrent quelle pourrait être leur travail, tout en se chamaillant, comme à leur habitude. Tapioca et Torpedo, les deux lutins, se tenaient prêts à partir, là où Jeremy, le Grand Duc les enverrait. Une question, cependant, flottait dans l’air. Qui allait approcher le Grand Marcheur ? C’est aussi ce que se demandaient Clopin et Clopan, les deux lutins, inséparables ennemis. La réponse s’imposa d’elle-même. Jeremy allait diriger les opérations. C’est lui qui lancerait les directives. Il prit la première décision :

    •  Helmut, ce sera à toi de prévenir le grand Marcheur. De lui faire un compte-rendu fidèle, sur la catastrophe qui nous accable. Il comprendra tout de suite qu’il est investi d’un grand pouvoir, puisqu’il pourra te voir et t’entendre. Qu’il ne perde pas de temps. Dis-lui que tu seras toujours sur ses traces, toi, ou d’autres amis de la forêt. Qu’il pourra compter sur notre aide.

    Helmut battit des ailes et s’envola, sans un mot. Il est vrai que par ses origines, il avait un grand sens de la discipline. Nestor, le Grand Esprit, murmura :

    •  Merci Jeremy, de m’avoir forcé la main, merci de te charger de cette grande responsabilité. Merci pour moi, et merci pour nos chers disparus…

     

    -.-.-.-.-.-.-.-.

     

    Helmut suivit la petite route goudronnée qui partait de l’étang, car montait de la vallée un épais banc de brume qui s’accrochait aux arbres et remplissait tous les vides. Seul le serpent de goudron noir se laissait deviner. Arrivé en bas de la côte, il se posa sur la branche d’un cerisier qui surplombait le cimetière du village. La noria des poids lourds qui montaient au col du Bonhomme faisait rugir les moteurs excités par les passages de vitesses. D’autres poids lourds, tout aussi nombreux, descendaient du col, accompagnés d’une symphonie de jets d’air comprimé craché par les freins fortement sollicités, juste à l’entrée du village. Helmut jugea bon de suivre la file de camions qui se traçaient leur chemin dans la brume de plus en plus épaisse, à coups d’antibrouillards puissants. Il aurait, bien sûr, pu se fier à son sens de l’orientation et s’aventurer dans cette blancheur cotonneuse, mais il subsistait le danger des fils électriques qu’il ne pourrait voir qu’une fois dessus. Il préféra donc la prudence et suivre les mastodontes aux échappements nauséabonds. C’était le moyen le plus sûr et le plus rapide de s’approcher de la ville.

    Le donjon et les murailles de Kaysersberg se détachaient sur le fond blanc immaculé. Il était arrivé. Helmut se félicita de toujours laisser trainer une oreille, à l’écoute des potins dans la forêt, surtout entre ses amis de la gent ailée. Il savait exactement où aller. Il suivit la Weiss, le ruisseau qui se transformait en torrent, à la fin de l’hiver. Là, dans une impasse, il reconnut immédiatement la maison dont les merles avaient parlé. C’était une petite bâtisse, à un étage à colombages brun foncé qui faisait bien ressortir le vert amande des murs. Le haut de la maison, travaillée par les siècles, penchait, comme une forme de salut à l’aplomb de l’eau cascadant entre des roches ... ( à suivre ) 

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