• Fées et mystères dans les Vosges

    Deux curieux personnages qui semblent être le produit d'une imagination plus que fertile rencontrent le chemin de Peter. Un hasard? Non, la volonté des Grands Esprit des Vosges du nord.

    Que veulent Archie et Trolette? Aider Peter dans la recherche des disparus? Avoir un oeil sur Peter et pouvoir le contrôler? Je vous laisse seuls juges de ce rebondissement... avouez que cette fois, vous êtes plus que gâtés...

     

     

    6 Le sursaut (suite et fin)

     

     

    Peter hésita. L’habillement de l’individu datait d’une autre époque. Une tuniqueFées et mystères dans les Vosges verte, serrée à la taille, sur un collant brun foncé, enfoncé dans des bottillons noirs, étaient complétés par un curieux chapeau, qui avait tout d’une galette, à la couleur indéfinissable. L’homme se leva et fit un pas vers Peter. Debout, il devait mesurer tout au plus 80 centimètres !

    •  Bonjour, Peter, je t’attendais. Moi c’est Archie.

    Y avait-il encore de la place pour l’étonnement ?

    •  Bonjour Archie. Pourquoi m’attendais-tu ?

    Un pêcheur passa à cet instant, intrigué par cet homme qui parlait tout seul. Il continua son chemin en haussant les épaules. L’attitude du pêcheur n’avait pas échappé à Peter. Un sourire de connivence répondit au sourire d’Archie.

    •  Eh oui, Peter, le pêcheur ne m’a pas vu, il n’a pas ton pouvoir. Maintenant, pour répondre à ta question, je suis envoyé par Hector, le grand Esprit des Vosges du sud. Les nouvelles vont vite, tu sais, et je suis là pour t’aider. On ne voudrait surtout pas vivre à notre tour une telle catastrophe. Nous allons donc travailler ensemble.
    •  Voilà qui me ravi, ton aide me sera précieuse. Nous ne serons pas trop, à deux, pour résoudre notre problème.
    •  A trois, si tu le veux bien Peter. A trois, car je me joins à vous, mandaté par Victor, le grand Esprit des Vosges du nord.
    •  Oh non, pas toi !
    •  Comment ça, pas moi ? 
    •  Tu n’arrêtes pas de me houspiller, tu me critiques, tu me débines auprès de tous nos amis !
    •  C’est peut-être parce que je t’aime bien, vieux grognon.
    •  Ah, tu vois, tu commences !

    Médusé, Peter regardait tour à tour les deux personnages, le moins qu’on puisse dire, étonnants. Il observa ce nouvel arrivant sans trop croire à ce qu’il voyait. Une petite femme de pas plus de 60 centimètres, au visage plus ridé qu’un vieux pruneau, se dressait fièrement sur des jambes légèrement arquées. Son habit vert foncé ressemblait à une salopette de mécanicien, aux poches bien gonflées. Un chapeau hideux contenait à peine une masse de cheveux d’un roux flamboyant. Il fallait noter aussi ses pieds nus, aux ongles laqués de rouge foncé, tenus dans des sandales à lanières.

    •  Dis donc, Peter, ça y est ? Tu m’as assez détaillée ? Moi, c’est Trolette.
    •  Euh, enchanté Trolette. Je suis content de ce renfort, bienvenue.
    •  Merci. Et si on s’asseyait pour faire le point ?

    Archie et Trolette partagèrent le même tronc, face à Peter assis sur une souche. Il leva      les deux bras et dit, d’une voix enjouée :

    •  Discutons.

    Le pêcheur repassa à ce moment. Il haussa les épaules et secoua la tête. On l’entendit marmonner :

    •  Mon Dieu…

    Trolette prit la parole.

    •  J’ai fait un détour par le défilé de Straiture où j’ai une ancienne amie. Elle a vu passer Ida la Généreuse qui chantonnait. Elle a vu aussi, tard, le soir, passer Jeremy le Grand Duc. Elle n’a rien vu d’autre. C’est ce soir-là que la chose s’est passée.
    •  Je suggère qu’on ratisse les bords du lac, n’est-ce pas, Peter ?
    •  C’était mon idée, juste avant votre arrivée. Mettons-nous au travail.

    Ils commencèrent une fouille systématique, soulevèrent les bruyères, bougèrent les ronces, ne laissant rien de côté. Un détail intrigua Peter. Est-ce que des êtres invisibles laissaient des traces, dans un sol boueux, par exemple ? Il suivit Trolette sur quelques mètres et constata avec satisfaction que les sandales laissaient des empreintes très nettes dans la terre humide, au bord du ruisseau. A midi passé, aucun cri, aucune exclamation ne vint interrompre le ratissage de la berge du lac et du sous-bois. Ils pensèrent avoir trouvé le refuge de Gladys, mais déchantèrent. Il ne s’agissait que d’un renfoncement dans un massif de ronces. Ils se rejoignirent à l’extrémité du lac, près du grand rocher, lieu de rassemblement de nombreuses carpes.

    •  Nous n’avons rien trouvé, dit Peter, l’air sombre, que faire, mon Dieu, que faire ?

    Trolette lança un regard à Archie, et cligna des yeux, comme si elle lui donnait son accord. Pouvaient-ils communiquer sans se parler ? Archie toussota.

    •  Tu as tout à fait raison, Peter, ces enlèvements ne peuvent être l’œuvre que de gens comme nous, invisibles. Ils ont été assez malins pour effacer toute trace de leur crime. Trolette vient de me faire une suggestion intéressante… Et si c’était Hansi le premier disparu ? Que Gladys, partie à sa recherche, se soit fait piéger ? Qu’Ida la Généreuse se soit posé la même question que Trolette ?
    •  Quelle est donc cette suggestion ?
    •  Tu ne connais pas Hansi, tu ne l’as jamais vu, Il est beau comme un astre, toutes les invisibles en sont folles, dès qu’elles le voient. Alors…
    •  Alors quoi ? Dis ce que tu as à me dire
    •  On pense qu’il aurait pu se faire ensorceler…
    •  Allons bon, encore du nouveau ! Ensorcelé par qui ?
    •  On a pensé à la Polybotte, une fée malfaisante qui a fait beaucoup de victimes. On sait qu’elle vit quelque part autour du lac.
    •   La Polybotte ? Qui est-ce ?

    Trolette prit la parole. Elle fronça le nez de dégoût.

    •  C’est une femme très laide, d’une grande méchanceté. Quand on veut faire peur aux enfants qui font des grimaces, on les menace : continue comme ça et tu seras aussi laide que la Polybotte. On dit qu’autrefois, elle a emprisonné un chevalier dans un bloc de glace, à la sortie d’une caverne. Les gens d’ici appellent cet endroit la fente de Kerkoff.
    •  Comment a-t-elle fait, si elle est si laide, si répugnante ?
    •  C’est une fée, elle a des pouvoirs, elle peut jeter des sorts. Elle peut aussi se transformer en créature d’une grande beauté pour attirer les promeneurs égarés qui lui plaisent… On dit aussi que lorsqu’elle chante, les rossignols pleurent de jalousie…

    Peter se prit la tête entre les mains, il avait le tournis. Il voyait l’invisible, il avait été le témoin d’un échange silencieux entre Trolette et Archie, et maintenant, en plus, il était question d’une fée à la laideur proverbiale qui pouvait se transformer en belle de rêve. Cela faisait beaucoup, vraiment beaucoup.

    •  Tu vas bien, Peter ?
    •  Je suis un peu sonné, Trolette, mais ça va. On sait où on peut la trouver cette sorcière ?
    •  Malheureux ! Ne la traite pas de sorcière, c’est une fée ! Si elle t’entendait, elle te jetterait un sort !
    •   Tu y crois vraiment, Archie ?
    •  Oui, surtout dans notre monde, tu verras…
    •  Mais, Archie, cette Polybotte, ce n’est peut-être qu’une légende, tu ne l’as jamais vue, toi non plus, Trolette, alors ?
    •  Sache Peter, que dans notre monde, les légendes n’existent pas. Les humains visibles parlent de légendes tout simplement car ils ont peur de ce qu’ils ne comprennent pas. Ils créent des légendes à chaque fois qu’ils veulent nier la réalité. Tu dois le savoir.

    Un sourire éclaira le visage de Peter.

     

    •  Je crois que j’ai encore beaucoup de choses à apprendre. Je suis certain que vous serez de bons professeurs, je vous promets d’être un bon élève. Bien. Il faut bouger. Il faut suivre toutes les pistes. Alors, cette…fée, où peut-on la trouver ?
    •  Je me suis laissé dire que la forêt de Martinpré serait sa résidence habituelle.
    •  Dans ce cas, allons-y. Je vous emmène dans ma voiture, si vous n’avez pas peur.

    Ils rebroussèrent chemin, passèrent devant la capitainerie pour accéder au parking. Peter montra son auto du doigt.

    •  C’est celle-là, la bleue.

    Le pêcheur, quelques pas plus loin, discutait avec un autre pêcheur.

    •  Tu vois, c’est de lui dont je te parlais. Regarde-le, le pauvre, on dirait qu’il est en train de discuter avec des gens invisibles.
    •  Si ce n’est pas malheureux. Il a pourtant l’air jeune encore, déjà être toqué, à son âge !
    •  Tiens, c’est de pire en pire ! Il ouvre la portière comme s’il faisait monter quelqu’un !
    •  Ma femme n’en reviendra pas, lorsque je lui en parlerai, pour sûr.

     

    -.-.-.-.-.-.-.-.

     

    Peter trouva l’entrée d’une route très étroite, entre deux énormes épicéas. Un examen attentif de la carte le dirigea dans son choix. Il s’arrêterait entre la Vologne et la Corbeline, petites rivières au charme bucolique, dont les sources  auraient presque pu se rejoindre à l’extrémité de la forêt de Martinpré. De nombreux hêtres colonisaient tous les espaces libérés par les épicéas tombés sous la hache des bûcherons.

    •  Nous y voilà, dit Peter. Je suggère qu’on suive la Corbeline jusqu’au Champ des Roches, ensuite, on remontera le long de la Vologne.
    •  Je crois que c’est ce qu’il y de mieux à faire, n’est-ce pas Trolette ?
    •  Oui, c’est ce que j’aurais fait, moi aussi. Allons-y et ouvrons les yeux.

    Il faut dire qu’ils les ouvrirent les yeux ! Des crapauds, des grenouilles, oui, des salamandres, des tritons, oui. Deux chevreuils, un renard, aussi. Mais de fée Polybotte, rien, rien de rien. La flore, diverse, la faune à peine effarouchée, toute cette nature laissa les trois chercheurs indifférents, tant ils étaient concentrés sur d’éventuelles traces. Ils s’arrêtèrent avant d’entamer le parcours inverse, le long de la Vologne. Assis sur le tronc d’un hêtre, ils restèrent silencieux, le menton appuyé sur leur main.

    •  Je crois bien…
    •  Tu m’enlèves…
    •  Et si vous parliez, sans vous couper la parole, dit Peter.
    •  Tu sais, Peter, prononça Trolette, j’ai beaucoup réfléchi pendant que nous marchions. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne la sens pas cette histoire de Polybotte… Aussi méchante soit-elle, pourquoi courir le risque de se faire haïr par les Esprits, qui pourraient la bannir pour toujours…
    •  Je te rejoins, Trolette. La Polybotte n’est pas notre coupable, ce n’est pas possible. Elle serait mise au ban de toute la montagne, malgré tous ses pouvoirs de jeteuse de sorts… 
    •  Si je comprends bien, nous avons fait une belle promenade ! Enfin, pas tout à fait, puisque nous avons éliminé une piste. Alors, que faire maintenant ?
    •  Ne sois pas déçu, Peter. Tu sais, je t’avais parlé d’une amie qui habite dans le Défilé de Straiture. Elle voulait m’entretenir de choses étranges qu’on lui aurait rapportées, mais j’étais pressée, et je ne sais pas de quoi il s’agit. Si on y allait maintenant, ce n’est pas très loin. On y va, Peter ? ( à suivre )

     

     

     

     

     

     

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