• La Saga de Luc ( suite ) Elle fumait des Baltos

    Les jardins commencent à briller de 1000 oeufs plus ou moins bien cachés sous les branches, dans les herbes, pour le plus grand émerveillement des enfants, dès demain...

     

     

     

    La saga de Luc (vol. 1)

    Disponible aux Editions Les3colonnes

     

     

     

    Les rapides de Lorraine - Le cochon - Le mirabellier

    L’armoire à linge - Saint Nicolas

    La fosse à purin (suite )

     

    Il y avait tant de colère résignée dans le ton, que Luc s’estima coupable de neLa Saga de Luc ( suite ) Elle fumait des Baltos pouvoir apporter une réponse. Tout ce qu’il savait, c’est que son grand-père ne voulait plus voir sa fille, pour des raisons qui lui échappaient. Lucie le lui expliqua, avec l’assurance d’une grande.

    - Mais oui, le grand-père ne veut plus la voir parce qu’elle vit à la colle avec Maurice. Et pourquoi tu crois que ma mère ne vient jamais? C’est pareil, elle aussi vit à la colle! Faut pas s’en faire, c’est comme ça, et nous on n’y peut rien.

    Un soir, Luc remarqua,

    - Elle est drôlement solide la porte de la basse-cour, c’est la plus costaud de toutes, tu sais pourquoi grand-mère?

    - C’est ton père qui avait insisté quand il a aidé le grand-père à l’installer, et il a eu bien raison...

    - Ah bon? Tu as connu mon père?

    Le visage se ferma, elle répondit comme un reproche,

    - Oui, c’était quelqu’un de bien ton père, trop bien pour ta mère, quand j’y repense...

    - Quoi? Pourquoi?

    - Pour rien, tu apprendras tout ça bien assez tôt, ça ne regarde pas les enfants.

    Elle resta sourde à toute autre question, laissant le champ libre à des interrogations et des conclusions qui allaient du meilleur au pire. Qui était son père? Un grand chef de bande émigré en Amérique du sud? Non, il l’avait vu, il y a longtemps certes, à Saint Raphaël, mais depuis? Il pourrait être un espion en mission spéciale?... Et s’il était gardé au secret, dans une prison, comme le masque de fer? Quel que soit le cas de figure, un signe, rien qu’un signe de ce père lointain, et il volerait à son secours. S’il le fallait, il mettrait sa bande à disposition, Jeanjean et Pinpin en seraient, sans hésitation. Un doute subsistait pour le petit Yvan, il ferait des manières, il ne saurait pas se passer de son “Furax” quotidien. Luc haussa les épaules. Que faire s’ils devaient monter une expédition en Amazonie et se trouver coincés sur une pirogue, au milieu d’un fleuve infesté de piranhas, encerclés et attaqués par des Jivaros? Que faire si ce rigolo levait le pouce et disait “Stop, je dois écouter mon émission Furax”? Trop risqué. Non, il irait seul, Jeanjean et son frère deviendraient vite une charge, Pinpin surtout, lui qui craignait les araignées comme la peste, il ne tiendrait pas le choc. Que dire des anacondas et des alligators? Il faudrait sans arrêt sauver la vie des deux frères, combattre des monstres, armé de son Opinel, non, cela le retarderait trop. Il devait absolument trouver le trésor des Incas, mais seul, pour pouvoir payer la rançon qui libérerait son père. Le rendez-vous avec les ravisseurs aurait lieu dans une clairière sacrée des Jivaros, au milieu de squelettes survolés par des charognards. Il resterait impassible, assis sur un monticule de crânes blanchis par le soleil, sa Winchester dans le creux du bras. Le scénario se précisa. Deux types basanés, aux regards de tueurs sans foi ni loi, essayaient de l’impressionner en tripotant des revolvers gros comme des canons. Il restait sur le qui-vive, observait les sourires fourbes, les mains nerveuses et moites des desperados qui échangeaient des paroles lourdes de sous-entendus en espagnol. Les patates, pensa Luc, il avait potassé son Assimil chaque nuit à la lumière des flammes de son bivouac, il ne se laisserait pas berner... De plus, il leur réservait une surprise de taille s’il leur venait l’idée de jouer aux méchants... D’ailleurs, le scénario se précipitait.

    Le plus grand, un barbu aux dents jaunies par le tabac à chiquer, claqua des doigts,

    - Montre nous ton or fiston, qu’on en finisse! Luc donna un coup de crosse contre un tas de tibias qui s’écroulèrent dans un nuage de poussière. Les émeraudes, les rubis et les colliers en or scintillèrent dans les yeux avides. La tension monta brusquement. Les vautours entamèrent une ronde au-dessus de la clairière sacrée. Les deux visages déformés par la convoitise, se rapprochèrent, menaçants.

    - Halte! Rendez-moi d’abord mon père, vous aurez le trésor ensuite!

    Ils ricanèrent, leurs mains effleurèrent les crosses nacrées de leurs gros calibres.

    - Finie la rigolade fiston! Tu n’auras pas le temps de nous descendre tous les deux, alors sois raisonnable, sinon... ne nous oblige pas à...

    Luc les dévisagea avec mépris, posa lentement sa Winchester sur le sol et leva le bras à la verticale. Toute la clairière s’anima, les buissons s’avancèrent sous les yeux ébahis des desperados. Le mouvement concentrique se transformait en un piège. Les branchages tombèrent. Ils étaient encerclés par une tribu de Jivaros aux visages striés de couleurs vives, les sarbacanes en position de tir.

    - Ne nous oblige pas... à quoi, martela le garçon,

    - Rien, rien, on plaisantait seulement fiston, tu te fais des idées, hein José, on plaisantait, c’est tout...

    Incapable de camoufler sa peur abjecte, José approuvait. Les crapules!

    Ils n’étaient pas censés savoir que Luc avait sauvé le fils mourant du chef grâce à sa trousse de médicaments. Tout comme Tarzan qui avait subjugué un chef Zoulou avec de la quinine trouvée dans la carlingue d’un avion tombé dans la jungle. Adoré comme un dieu, le garçon savait que les indiens se feraient tuer jusqu’au dernier pour le protéger. Et ces deux minables qui osaient le menacer! Et cette enflure de petit Yvan qui aurait tout gâché pour écouter son feuilleton radiophonique!

    Luc s’impliquait avec tant de force dans ses rêves éveillés, il les vivait avec tant de fougue et de passion, qu’il s’endormait exténué sans arriver au bout de son aventure. A chaque fois, une pointe d’amertume troublait son réveil. La concentration du matin ne valait pas celle du soir, le fil de l’histoire lui échappait ou perdait toute sa consistance pathétique.

    La grand-mère se fâcha.

    - Vous n’allez pas dans les prés ce matin, tout est mouillé et vous aurez les pieds trempés. Vos chaussures vont finir par pourrir. Surtout toi Luc, tu n’as qu’une paire de baskets, d’ailleurs, il y a deux paniers de haricots à écosser. Vous sortirez lorsque vous aurez terminé, et ce n’est pas la peine de discuter.

    Les deux enfants s’assirent sur une couverture et contemplèrent la montagne de haricots en soupirant. Des cosses craquantes jaillirent des haricots brillants qui sautaient dans tous les sens. Lucie récupérait les siens d’un rapide mouvement de main, sans en oublier un seul. Elle travaillait plus vite sous le regard envieux de son cousin dont le tas ne dégonflait pas.

    - Tu es une tricheuse, les tiens sont plus secs, c’est de la triche!

    En fait, il regrettait son mauvais choix, son panier ne contenait que des haricots blancs, pâles et tristes à coté de ceux de Lucie, d’un rouge-brun veiné de blanc somptueux. Sa mauvaise foi autant que sa mauvaise humeur ravissaient la cousine dont les gestes rapides et précis, plus que son sourire narquois équivalaient à un bras d’honneur.

    - Eh, tu ramasses les miens, faut plus te gêner!

    - Je ne l’ai pas fait exprès, tiens, reprends tes minables haricots blancs! Il sont moches, regarde les miens, on dirait des perles...

    - Tu as raison, ils sont aussi beaux que tu es moche, c’est dire s’ils sont beaux...

    Le pas lourd du grand-père arracha des gémissements aux marches en bois. Il s’arrêta, observa avec un sourire les deux paniers. Il rentra et réapparut peu après, les mains dans le dos. Il tendit un carré de gros chocolat a chacun des enfants. Il fit mine de se prendre les pieds dans la couverture, trébucha et se rattrapa en prenant appui sur Luc, en même temps, il lui glissa un second morceau de chocolat dans le creux de la main, avec un clin d’oeil appuyé. Une boule se noua au fond de sa gorge, ce geste affectueux lui alla droit au cœur.

    - Tu pleures, demanda Lucie, plus soupçonneuse que surprise, c’est le deuxième morceau qui a du mal à descendre?

     La remarque acerbe, formulée sans lever les yeux de ses haricots, son maintien guindé et le mouvement de sa bouche en accent circonflexe provoquèrent le fou rire du garçon qui se dépêchait de déglutir. Le nuage humide qu’il expectora souleva les cheveux de la cousine. Digne, les yeux baissés, elle s’essuya le visage.

    - Heureusement qu’il n’y avait pas de noisettes, tu aurais pu me trouer la peau... Merci pour mon col blanc, tu vas peut être dire que c’est la nouvelle mode à Metz?

    - Oh excuse-moi Lulu, c’est parti d’un seul coup, attends, je vais t’aider.

    - Sûrement pas, et d’une j’ai horreur qu’on m’appelle Lulu, et de deux mon col n’est pas à tartiner!

    La grand-mère arriva au bon moment pour sortir Luc de son embarras.

    C’est bien, vous avez beaucoup travaillé, à table maintenant.

    Le grand-père terminait son repas.

    - Il est pressé, demanda Luc.

    - Oui, il va à la pêche, ce n’est vraiment pas raisonnable avec cette chaleur.

    - C’est chouette, dis, pourquoi il ne veut pas m’emmener avec lui?

    - Tu es trop jeune, tu ferais fuir les poissons, et il aime rester seul quand il est au bord de l’eau, il dit qu’il parle aux oiseaux et aux poissons.

    - En tout cas, quand je serai grand, moi aussi j’irai à la pêche.

    - Grand malin, est-ce que tu sais seulement nager?

    Lucie sauta à pieds joints sur une si belle occasion.

    - Mais oui qu’il sait nager! Comme un fer à repasser dans une fosse à purin!

    Luc visa au jugé  sous la table les tibias de sa cousine, qui esquiva.

    - Raté monsieur, essaie encore une fois, et tu verras ce que je fais de ma fourchette.

    Le grand-père s’essuya la bouche d’un revers de la main, se leva et regarda Luc, il dit quelques mots en riant à son épouse.

    - Qu’est-ce qu’il dit? Il veut m’emmener avec lui?

    - Non, il demande si tu as beaucoup de fiancées à Metz, si tu as brisé beaucoup de cœurs.

    Luc rougit. L’expression goguenarde de Lucie accentua la poussée de sang, ses oreilles flambèrent.

    Il bégaya, honteux et scandalisé par les propos.

    - Je n’ai pas de petite amie, ce sont des pisseuses, tout ce qu’elles veulent c’est me piquer ma première place à l’école et mes bon points!

    Le grand-père écouta la traduction, sans rire. Il leva son index et s’adressa à Luc comme s’il pouvait le comprendre.

    - Tu as raison mon garçon, prends ton temps et réfléchis bien... Demain tu penseras peut-être autrement, gare à toi si tu te trompes, dis-toi que c’est bien plus important de pouvoir conserver la tête haute.

    Luc ne comprit pas le sens de la traduction. Ces notions, pour lui abstraites, ces histoires de grandes personnes ne le concernaient pas. Il lui suffisait de penser à sa mère et Maurice, à tante Martine et son Paul pour savoir que plus tard, tout serait clair, inondé de soleil, qu’il vivrait un dimanche éternel. Il aurait bien aimé répondre avec ses mots, tout de suite, sans traduction. Son impuissance lui faisait mal, il frappa du poing sur la table.

    - Dis-lui qu’un jour je parlerai l’allemand, et qu’on ira à la pêche ensemble, dis-lui!

    Le vieil homme tapota les cheveux de l’enfant et murmura,

    - C’est bien, tu es un bon petit... ( à suivre )

     

     

     

     

    La Weideheck - Les orties - Le berger - Cécile arrive

     

    Le Camembert aux asticots

     

    Le titre du chapitre suivant va vous faire languir jusqu'à samedi prochain... Torture intellectuelle...

     

     

     

     

      

     

     

     

     

     

     

     

     

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