• La Saga de Luc ( suite )

    Ne perdons pas nos bonnes habitudes, à savoir, la publication de la suite du roman

    Elle fumait des Baltos.     premier volume de La Saga de Luc...

     

     

    La Saga de Luc

     

    disponible aux Editions les 3 Colonnes  

     

     

    La fête du Sablon - Les cousines - La quête

    L’espérance et le Philharmonique - La lessiveuse

     

    Et Paul, et tante Martine, et Maurice de philosopher, d’arborer les souriresLa Saga de Luc ( suite ) contrits de ceux qui se sacrifient dans la joie et le bonheur,

    - C’est vrai, ça mange des petits comme ça, et puis les habiller...

    Luc tout en plaisantant avec ses cousines ne perdait pas un mot de ce que disaient les adultes. Ce Paul, encore le même genre de cloche que Maurice. Les yeux remplis d’amour et de passion pour tante Martine, la voix douce et soumise, aussi humble qu’une souris entre les pattes d’une chatte rassasiée, en attente d’un retour d’appétit. Il se permit une polissonnerie, saisit un sein de tante Martine, soupesa et éclata d’un rire tranquille.

    - Il y en a là, ces bêtes là il faut aussi leur donner ce qu’il faut...

    - Oh qu’il est couillon! Et devant les enfants en plus, tu n’es vraiment pas sérieux Paul.

    Tout en rosissant, tante Martine rayonnait, lançait des œillades à sa sœur, pour faire comprendre qu’elle en avait trouvé un de bien, un bon, et le faisait manger dans sa main. Et tous ces assauts de politesse, de compliments, deux pas en avant, un pas en arrière, des remarques acidulées mais prononcées avec tant de candeur innocente. Paul ne cessait pas d’en remettre, il lui semblait que c’était la moindre des choses pour une première visite et se faire bien voir.

    - Si, si Frieda, tu cuisines comme un vrai cordon bleu, c’est délicieux! Il en a de la chance ton Maurice.

    La chatte sortit ses griffes.

    - Dis tout de suite que je cuisine mal, c’est ça?

    - Mais non, non ma reine, je complimente seulement ta sœur, tu sais très bien que je ne pourrais pas me passer de toi, reine de mon cœur, ma petite reine chérie...

    - C’est ça, essaie de te rattraper, non mais, pour qui tu veux me faire passer, et ... oh, enlève ta sale patte de ma cuisse!.

    La mère de Luc crut bon de tenter une diversion,

    - Elle est très belle ta cravate Paul, elle va bien avec ta chemise...

    Un peu froissé par la réaction de son amie, enchanté par le tutoiement de Frieda, Paul baissa le nez et sembla découvrir à l’instant qu’il portait une cravate. Il fixa tante Martine de ses yeux bavants de passion et roucoula,

    - Ah oui, c’est ma reine qui l’a choisie, elle a bon goût ma reine, elle me soigne comme un coq en pâte, je n’ai pas à me plaindre, oh non!

    - Et comment que je le soigne répliqua tante Martine à l’intention de sa sœur, avant moi c’était un clodo, et regarde-le maintenant qui fait le paon! Et il fait le difficile avec ma cuisine!

    La mère de Luc ne pouvait pas rester passive.

    - Mais qu’est-ce que tu crois en désignant Maurice d’un mouvement de menton, celui-là n’avait qu’une chemise et une paire de chaussettes trouées quand je l’ai connu! Tu as vu comment il est fringué maintenant?

    Les deux hommes se jetèrent des regards de connivence et des sourires de grands niais repentants. Ils avaient droit à leur fête aujourd’hui, la fête des cloches, prêts à en redemander.

    Les enfants commencèrent à piaffer d’impatience, à l’heure du café. Luc avait déjà discrètement compté les assiettes, les verres et les plats dans l’évier et sur la table. Il prit une décision définitive, si elle me demande de faire la vaisselle, je meurs sur place!. Il n’en fut pas question. Les deux hommes fumaient des Voltigeurs en connaisseurs, se servaient de la mirabelle, de la bonne de chez la grand-mère, et claquaient de la langue, satisfaits et repus. Les femmes s’isolèrent dans la cuisine, autant pour faire la vaisselle que pour vanter les mérites respectifs des deux hommes.

    A les voir aussi détendus, dans de bonnes dispositions apparentes, Luc formula au hasard,

    - C’est la fête, il y a plein de manèges, ce serait chouette de faire quelques tours...

    Paul réagit le premier, honteux de n’y avoir pas songé plus tôt, il sortit son porte-monnaie, imité avec un temps de retard par son comparse.

    - Bien sûr les enfants, il faut vous amuser, venez ici, tenez mes chéris, toi aussi Luc, prends... Si, si, j’y tiens, surtout que c’est toi le plus grand et que tu vas surveiller toutes ces filles.

    La troupe dévala les escaliers comme un vol de moineaux.

    Un tour de chenille, deux de chevaux de bois, et une boite d’amorces absorbèrent le budget manèges, il restait juste ce qu’il faut pour une portion de nougat râpé. Si seulement la petite blonde aux yeux en amande pouvait me servir, je lui ferais mon meilleur sourire et elle ajouterait toutes les miettes... C’est le père qui expédia la commande en quelques coups de hachoir. Il alla alors se planter devant l’étalage des jouets et des ballons rien que pour le plaisir de regarder. Un superbe pistolet pendait à une ficelle, aussi beau, aussi lourd qu’un vrai, un Solido. Un instant suffit au garçon pour se voir prenant d’assaut le talus du chemin de fer, l’arme au poing, le doigt sur la détente et son rouleau d’amorces se dévider dans un feu continu. La vendeuse, une grosse tartinée d’un rouge à lèvres criard le poussa rudement.

    - Va voir ailleurs si j’y suis, si tu as des sous tu achètes, sinon, tu dégages, et elle ajouta à l’attention d’une cliente, tous des voleurs ces vauriens!

    Blessé par le ton méprisant, Luc lui souhaita une chiasse éternelle. Il se fit une nouvelle promesse : si un jour j’ai un fils, je lui achèterai un Solido et au moins dix boites d’amorces. 

    Une fois désargenté, les manèges, la musique et la foule lui semblèrent tout à coup ternes et sans intérêt. Jeanjean et Pinpin arrivaient à sa rencontre, mains enfoncées dans les poches, pas vraiment joyeux.

    - Salut les potes, ça va?

    - Ouais, si on veut, on a déjà tout dépensé.

    - Même tes tours gratuits sur la chenille?

    - Des clous tiens! Tu parles d’un salaud, je me suis cassé le cul jusqu’au soir, et à la fin, le type m’a dit d’aller demander au chef!

    - Et alors?

    - Alors? Le chef de mes deux m’a dit qu’il n’était pas au courant, l’enfoiré, et que je ferais mieux de déguerpir!

    - Tu t’es laissé faire? T’as rien dit?

    Jeanjean vissa son doigt sur la tempe.

    - T’es louf, tu veux pas que je lui casse la gueule des fois? C’est un monstre , une vraie baraque, un tueur avec des tatouages!

    Pinpin intervint avec sa fougue habituelle,

    - J’ai une idée, on l’attaque à trois, on le ligote, on le bâillonne et on fait un tas de tours gratuits!

    - Sacré Pinpin, ouais, ça serait chouette... En attendant on pourrait faire quoi?

    - Et si on jouait à cache-cache avec tes cousines et ta sœur? On pourrait bien se poiler dans la cave et le grenier, non?

    - Dac, faut juste les trouver!

    Ils les retrouvèrent devant la loterie, béates d’admiration, hypnotisées par les grandes poupées aux robes chatoyantes, gonflées  de multiples jupons en dentelle.

    - Je donnerais toute ma vie pour une poupée comme celle-là, soupira Eliane qui imita le geste maternel du bercement.

    - Les beaux cheveux qu’elle a, la deuxième, là à droite...

    Carmen se gratta instinctivement la tête où ses cheveux ras repoussaient en touffes désordonnées, en souvenir d’une tonte expéditive contre les poux.

    - Eh les filles!  Vous venez avec nous? On va jouer dans les caves et le grenier, on va bien se marrer!

    Marion souffla à Eliane, en parfaite commère,

    - Tu vois, quand il s’enquiquine, il sait bien les trouver les pisseuses... Viens, je connais des vaches de cachettes.

    Les garçons devant, à la file indienne, ils coururent vers l’immeuble dans un concert de cris aigus. Marion fermait la marche, sautait à cloche-pied, s’arrêtait tous les dix pas pour faire tournoyer sa belle robe. Elle s’offrit une halte devant la vitrine des pingouins, et admira son reflet. Le gros ruban attaché à ses anglaises, sa robe, ses chaussettes et ses chaussures, tout était blanc, une vraie petite mariée. Elle s’accorda une moue satisfaite et exécuta une révérence.

    La partie de cache-cache démarra sur les chapeaux de roue, dans la buanderie et les couloirs des caves. Luc, pour avoir sous-estimé le flair des filles, se trouva rapidement hors-jeu, condamné à attendre le vainqueur. Vexé et impatient de recommencer une autre partie, il glissa des informations aux cousines, sous le couvert du secret. Pinpin et Marion restaient en lice. Celle-ci estima que ses gloussements finiraient par la trahir, il lui fallait changer de cachette. Pinpin descendait lentement les escaliers en faisant la grosse voix qu’il aurait souhaitée caverneuse.

    - Marion, je vais t’attraper, je vais te croquer, attention, le monstre arrive...

    La petite fille excitée déboula dans la buanderie plongée dans la pénombre, faussement paniquée.

    - Dis-moi où je dois me cacher, vite, il arrive! Vite!

    D’un geste pressant, Luc indiqua une grande lessiveuse dans le coin le plus sombre de la buanderie.

    - Merci, ne dis rien, sinon c’est plus un jeu...

    Pinpin arrivait. Marion grimpa sur la table à laver, s’assit sur le rebord et se laissa tomber à pieds joints dans la lessiveuse. Un nuage dense et noir monta jusqu’au plafond, accompagné par un wouff! feutré. Luc regretta immédiatement sa plaisanterie, il ne put cependant s’empêcher de tomber sur les genoux, le corps plié en deux par un fou rire si violent, qu’aucun son ne sortait de sa bouche. Les trois cousines arrivèrent en même temps que Pinpin. La vue de Luc qui se roulait sur le sol les laissa tout d’abord perplexes. Hors du coup depuis un certain temps, Jeanjean revenait, une grosse tartine beurrée à la main. Il appuya sur l’interrupteur. Le crescendo des oh! mourut, faute de souffle. Debout dans la lessiveuse, Marion ne comprenait encore pas ce qui lui arrivait. On ne voyait que le blanc de ses yeux qui roulaient d’un bras à l’autre, et le rose de sa langue dans sa bouche grande ouverte.

    - Oh putain! prononcèrent Jeanjean et Pinpin.

    Les cousines se voilèrent le visage des deux mains et regardèrent par les doigts écartés. Luc avait assisté au passage des ramoneurs dans la semaine, et observé comment ils sortaient la suie du collecteur de la cheminée. La poudre noire soutirée, remplissait la lessiveuse tirée dans le coin sombre. L’un d’eux, le plus grand lui avait dit,

    - Touche pas à ça gamin, ça s’envole rapidement, t’approche pas si tu ne veux pas que ta mère te passe à la brosse à chiendent.

    - Mon Dieu, s’émut Eliane, il faut faire quelque chose, la pauvre, elle va se faire tuer!

    Marion sortit de la lessiveuse, se campa les poings sur les hanches et interpella son frère tout penaud.

    - C’est ce saligaud qui m’a dit cache-toi dans la lessiveuse, et moi, bonne poire, je l’ai écouté! T’es qu’un grand salaud!

    Elle éclata en sanglots. La voix vibrante d’Eliane s’éleva.

    - Vous les garçons, vous décampez d’ici. T’en fais pas Marion, il y a tout ce qu’il faut ici pour te laver et nettoyer tes habits... Je vous ai dit de foutre le camp, bons à rien!

    Luc fila sans demander son reste, suivi de ses copains. Jeanjean avala sa dernière bouchée sur le trottoir, étranglé de rire.

    - Putain! Un vrai morceau de charbon! Elle pourrait jouer dans le film “ Combat de nègres dans un tunnel”! La vache, on voit que le blanc de ses yeux!

    - Mais, demanda Pinpin, tu l’as fait exprès? Ça serait vache, non?

    Luc ne répondit pas, déjà tout en pensée au moment du retour à la maison. Il allait déguster... Il trouva un dérivatif à ses craintes.

    - Si on allait explorer la cour du garage à coté?

    Les yeux de Jeanjean brillèrent.

    - Tu crois? T’as entendu le garagiste,il a dit que s’il nous trouvait sur son terrain, il nous tremperait dans un tonneau d’huile de vidange!

    - Bof, t’as bien vu, il tire la jambe, il ne pourra jamais nous choper. Et puis, c’est dimanche, non?Il ne travaille pas les dimanches, il ne viendra pas, vous vous dégonflez?

     

    Pinpin en bégaya, il mourait d’envie d’y aller. La haute grille fermée par une chaîne n’offrait pas de difficulté particulière aux jambes agiles et déterminées. Le seul passage délicat se trouvait au sommet où de longues pointes en fer forgé demandaient une contorsion lors d’un appui précaire. Luc passa sans problème, Jeanjean plus court et plus gros évita le pire. Pinpin, le plus petit, se mit à brai. ( à suivre )

     

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