• La Saga de Luc nouveau chapitre

    Allez, un petit coup de pub pour mon ego! Des questions se sont posées : qui est cet auteur? A quoi ressemble-t-il?

    Quels chanceux que vous êtes! Je me livre à vous et à vos critiques... Je ferai semblant de ne pas entendre ce qui est négatif...

     

     

     

     

     

     

    La Saga de Luc

     

    disponible aux Editions les 3 Colonnes  

     

     

     

     

    Les grandes vacances - Le couteau à pain - 

    Le cerf-volant - Les pastilles Sanoformine - le chocolat du juif.

     

     

     

    L’instituteur avait beau menacer, insinuer, et proclamer que “certains” quiLa Saga de Luc nouveau chapitre s’imaginent que l’école est finie, qu’ils sont déjà en vacances, ou pire, celles et ceux qui se croient déjà dans la classe supérieure, pouvaient vivre un réveil brutal. Bien entendu, personne ne l’écoutait. Son irritabilité concernait en fait les huit candidats qui se présentaient à l’épreuve du certificat d’études, preuves vivantes de tous les efforts de l’année. Ses mises en garde répétées prenaient l’allure de prophéties catastrophiques, de vies gâchées à jamais.

    - Sans certificat d’études, non seulement vous ne serez rien, mais vous serez des moins que rien!

    Satisfait de voir les visages attentifs, il continuait,

    - Vous croyez peut-être que quelqu’un voudra de vous comme apprenti? Si ce n’est pas pour vous, réussissez au moins pour vos parents, pour votre école!

    Tassés sur leurs bancs, les postulants n’en menaient pas large, parlaient à voix basse, prenaient un plaisir sadique à dramatiser les conséquences de leur éventuel échec.

    - Moi, mon père me jette à la rue, avec mon baluchon qu’il a dit...

    - Tu parles, moi il m’a déjà prévenu, j’irai aux enfants de troupe, recta...

    - Qu’est-ce que tu dirais à ma place, il m’a dit que je serai pas capable de faire un métier honnête, que je vendrai des aspirateurs ou des assurances, la vache!

    - Ouais, ben vous, vous serez encore vivants, il m’a dit qu’il me foutrait dans un sac et qu’il me balancerait dans la Moselle...

    L’instituteur avait remis un mot à Luc, destiné à Maurice, pour que celui-ci vienne le voir un soir, après les classes. Assis au fond de la salle vide, le garçon put saisir quelques bribes de la conversation. Monsieur Hilbold semblait pressant, sévère tandis que Maurice répondait par des oui évasifs, ou des “on verra”. Il était question de bonnes notes, de résultats au-dessus de la moyenne, de toutes les chances de réussir le concours d’entrée en sixième. Rien ne transpira de cette entrevue, entre Maurice et sa mère, au plus grand regret du garçon. Le petit Yvan, lui, allait se présenter au concours et s’il réussissait, ce serait la fin de la bande. Plus rien ne serait comme avant, il ferait encore plus le savant, étalerait ses connaissances du lycée, oui, une chienne de vie...

    Le certificat d’études, la fête sur la place, et les vacances d’été à la fin de la semaine portaient sur les nerfs des petits comme des grands. Qu’elles paraissaient longues et interminables ces heures jusqu’à la libération, jusqu’à cette immense parenthèse de trois mois, gorgée de soleil, de fruit mûrs, de terre arrosée le soir...

    Il arriva enfin ce samedi tant attendu, salué par tous les enfants en délire, ponctué d’embrassades pour les filles et de bourrades dans le dos pour les garçons. L’air bruissait de promesses, de joies à venir, de journées de plaisirs renouvelés.

     Luc et sa sœur arrachèrent sans peine la permission de sortir après le dîner. Les manèges, les attractions avaient perdu leurs attraits, ils appartenaient à un fond de décor tout comme le texte d’un opéra destiné à mettre en valeur la musique et les voix. Les roulottes, les manèges et les baraques reflétaient presque une image hostile, comme une Cendrillon dépouillée de ses atours au douzième coup de minuit. Les cavalcades dans la foule  encore dense, les parties de cache-cache, les fou-rires pour un rien épuisèrent les réserves d’énergie. Ils regagnèrent leur domicile sans le moindre regret. Luc éprouva un malaise dès qu’il eut ouvert la porte. Les bruits de la rue perceptibles par la fenêtre du balcon grande ouverte soulignaient encore plus le silence de l’appartement. Le poste de radio ne fonctionnait pas. Une lampe défaillante avait pourtant été remplacée la semaine dernière. Marion se précipita, elle voulait boire de l’eau à l’évier en premier, elle s’immobilisa dans son élan, frappée de stupeur. Luc s’avança, enregistra des images en rafales. Sa mère se tenait dans l’encoignure du cagibi, bras croisés, le visage fermé par une expression haineuse. Son maquillage et sa coiffure des grands jours, les sourcils épilés marqués par un trait noir, rappelaient étrangement Marlène Dietrich dans l’Ange bleu. Elle portait une nouvelle robe, noire, piquée d’étoiles bleues et une large ceinture corsaire barrée d’une grosse boucle dorée. Luc fronça les sourcils d’étonnement. C’est lui qui d’ordinaire allait chez les commerçants, surtout quand il fallait demander un crédit, c’est lui qui devait aller payer le loyer chez le propriétaire, faire la queue à la Sécurité Sociale. Sa mère ordonnait, il n’avait plus qu’à s’exécuter. Entre autres sources d’approvisionnement, il allait régulièrement au Palais du vêtement, au coin de la rue de la Chapelle. La demande ne variait pas, précédée d’un claquement des doigts,

    - Tu vas voir chez le juif s’il a de beaux pulls rouges, tu lui dis de t’en donner plusieurs pour que je les essaye.

    Ou alors, beaucoup plus gênant et effectué avec un maximum de mauvaise volonté,

    - Tu lui demandes plusieurs modèles de soutiens-gorge, je veux du blanc, et ne te laisse pas refiler des vieilleries...

    Pour une fois donc, madame avait fait des achats sans rien lui demander, étrange en vérité, et d’où as-tu trouvé l’argent, toi qui pleures toujours misère eut-il envie de demander. Accoudé au buffet, Maurice fixait le plancher, les muscles de ses mâchoires roulaient et saillaient au rythme de ses grincements de dents. Le sang coulait d’une large plaie à l’avant-bras droit, en grosses gouttes pressées, jusqu’au coude, s’accumulait sur la tablette et dévalait le long des portes blanches en un grand accent circonflexe. Les deux branches de l’accent se rejoignaient au bas de la porte et alimentaient une flaque ronde et épaisse comme une crêpe, aux bords luttant contre la cire du plancher. La lame de la scie à pain luisait sous la table. L’intrusion des deux enfants ne provoqua aucun geste, aucune réaction. Les personnages auraient tout aussi bien pu être des mannequins dans une vitrine. Luc posa la main sur l’épaule de sa sœur et l’attira doucement, à reculons. Ils se déshabillèrent sans parler et se couchèrent.

    Ils en avaient déjà vu des scènes de ménage! Et si à chaque fois ils se sentaient misérables et trahis, ce soir, leurs yeux avaient vu du sang. Tourné sur le coté, Luc les maudit. Qu’ils s’entre-tuent, mais en silence, qu’il n’entende plus ces horribles mots, ces insultes ordurières, ces bruits de coups accompagnés de mots qu’il ne comprenait pas, qui semblaient si sales, si dégradants... Il rêva de montagnes, de cascades au soleil, il courait dans une prairie avec sa sœur. Leur père partageait leurs jeux, leur mère fredonnait en préparant un superbe pique-nique. Ils formaient une famille heureuse, soudée, sur laquelle aucun malheur n’avait prise.

    Ce lundi matin ne ressemblait pas aux autres, les vacances commençaient, bien que Luc après un réveil aux heures habituelles alla faire ses courses quotidiennes. Le grand chambardement ne prit consistance qu’après le petit déjeuner.

    - Puisque tu es en vacances rends-toi utile, fais la vaisselle au lieu de te tourner les pouces.

    Tandis que le garçon s’acquittait de sa corvée dans le recoin de l’évier, sa mère procédait à sa toilette dans la cuisine. Luc en connaissait le rituel et aimait y participer, rien que pour les odeurs. Debout, enchemise de nuit presque transparente, sa mère se lavait le visage en se tamponnant avec un gant de toilette, se savonnait les bras et se séchait. Il savait, lorsqu’il était présent que le pétillement d’une pastille bleue de Sanoformine préludait à son départ. Qu’elle était bizarre cette pastille qui zigzaguait dans l’eau, crachant des bulles impatientes de venir crever à la surface et exhaler une odeur de frais et de printemps.

    - Maintenant tu sors et tu fermes la porte.

    Il avait demandé à plusieurs reprises, sans succès,

    - Elles servent à quoi les pastilles ( à suivre ) 

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