• La racaille en col blanc...

    Il est si facile de tromper les personnes âgées, de leur faire croire n'importe quoi et, de leur faire signer de gros chèques, jusqu'au jour où...

     

    Les termites                                                         

     

     

    Il n’aurait pas su se définir lui-même si on le lui avait demandé. De La racaille en col blanc...toute façon, personne n’aurait eu cette idée.
    Bruno, la trentaine encore jeune, avait toujours vécu d’expédients, à la
    limite de la légalité, parfois transgressée, il est vrai. Certains avancent leurs diplômes comme atouts pour affronter la vie, Bruno, lui, usait et abusait de sa voix douce, chaude, persuasive, et de son visage d’ange. Il se décolorait parfois les cheveux en blond et ressemblait alors à une image sainte à laquelle aucune femme ne résistait. Il faut reconnaître qu’il se donnait le mal d’inventer pour chacune une histoire différente. Même  soulagées de leurs économies ou temporairement de leur carte de crédit, elles fondaient comme une glace italienne au soleil, lorsqu’elles se retrouvaient confrontées à l’indélicat.

    – Quoi ? Tu ne me ferais pas ça, pas toi, pas toi que j’ai tant aimé, toi qui pour la première fois de ma vie m’a montré ce qu’était le véritable amour... Pas toi mon amour, tu ne détruirais pas ce magnifique souvenir ? Tu n’ajouterais pas à ce regret qui me brûle de n’avoir pas su te mériter ? Dis-moi que ce n’est pas ce que tu veux, que tu ne vas pas déposer une plainte ?

    Les paroles de protestation n’allaient pas plus loin que le bout des lèvres.Volées, trompées, ridiculisées, elles en redemandaient.
    Une multitude d’employeurs avait aussi succombé à son bagout. Il suffisait à Bruno, le jour de l’entretien d’embauche de dire sur un ton d’incrédulité peinée,

    – Comment, vous ne savez pas qu’il en est C’est un excellent ami, iserait un appui formidable pour vos affaires...

    Il ajoutait encore quelques noms connus du monde de la politique, faisant valoir avec une touche de discrétion de bon aloi, leur appartenance, tout comme lui à la franc-maçonnerie.
    L’état de grâce, c’est à dire quand les notes de frais crevaient des plafonds indécents, retombait comme un soufflé.
    Bien entendu, Bruno n’offrait aucun résultat concret, ses patrons successifs s’estimant surtout heureux de récupérer le véhicule de fonction.
    La facilité avec laquelle il mentait, trompait et volait, le conduisit à des imprudences.
    Devenu le meilleur producteur d’assurances sur la vie, un inspecteur voulut étudier son cas pour le donner en exemple aux futures recrues. Jamais un seul homme n’avait atteint les records de Bruno. Ses commissions faisaient grincer des dents à plus d’un. Un jour, l’un des directeurs s’émut de voir le nom de son père sur une police en vigueur alors que le brave homme était décédé depuis plus de trois ans. La supercherie fut rapidement démontée. Bruno relevait des noms et des dates de naissance sur les pierres tombales du cimetière de son quartier et faisait souscrire aux morts des assurances sur la vie d’un montant qui justifiait de généreuses commissions. Il ne lui restait plus qu’à faire vivre les contrats en payant lui-même les redevances mensuelles. Le scandale et le discrédit auraient été tels que la compagnie ne porta pas plainte et invita Bruno à changer de région, non sans avoir obtenu une confession écrite, en guise “d’assurance”.
    Bruno changea d’air et fixa son dévolu sur une pet
    ite ville de la Côte bien connue pour l’importance de sa population du quatrième âge au mètre carré. Il y trouva vite une activité lucrative et une complice. Vendeuse dans une sandwicherie, jolie, bonne présentation, idiote mais très amoureuse, Karine alla visiter une série de villas sélectionnées par son amant magnifique. Il tenait des fiches, tout comme un bon commercial,

     

    avec âge, degré de solitude, chiens et capacité éventuelle de résistance de toutes ses futures “clientes”.
    Karine avait appris son texte par cœur pour le débiter en insistant sur le “e” final à chaque fin de mot, en élevant légèrement le ton. C’est tellement plus chic disait-elle.

    – Monsieur le maire ne voudrait pas qu’il arrive malheur à ses administrées, vous savez, alors comme je vous l’ai dit, vous n’ouvrez votre porte qu’à l’expert qui vous montrera sa carte avec une photo... On n’est jamais assez prudent... Vous êtes certaine que vous n’entendez pas des craquements, des grignotements de termites la nuit? Je ne vous le souhaite pas, soyez quand même attentive...

    Pendant une longue semaine, les pauvres vieilles ne dormaient plus, à l’écoute de tous les bruits de la maison. L’arrivée de Bruno se confondait avec l’apparition du Sauveur. Ses manières douces et polies faisaient le reste. Des larmes dans les yeux, il affirmait à chacune d’elles qu’elle rappelait tant sa chère grand-mère qui l’avait élevé, disparue depuis peu. Le cœur des vieilles dames s’emballait lorsqu’il redescendait du grenier, l’air abattu, les mâchoires serrées. Il déversait alors, sans un mot, le contenu d’un sac aux pieds de la vieille, horrifiée.

    – Oui madame, voilà ce qui reste de plusieurs poutres. Les termites ont déjà infesté une grande partie de la toiture. Un bon coup de vent et la toiture s’écroule... sur vous.
    Bruno gardait les yeux baissés et attendait en silence que l’idée de la catastrophe imbibe chaque recoin du cerveau de sa “cliente”.

    à suivre...

     

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