• La Provence à pied. 4

     

    La Provence à pied. 4

     

     

     

    La Chartreuse de la Verne

    (Dans les Maures, à proximité de Collobrières)

     

     

    La Provence à pied. 4Je sais que vous seriez déçus si je me contentais tout simplement de relater cette magnifique randonnée. Il aurait manqué un p’tit rien. Quoi ? Mais oui, un cafouillage au démarrage ! Une superbe erreur d’orientation !

    La magnifique cohorte, mine ravie, fit demi-tour avec une aisance que seule une longue pratique de l’erreur peut permettre. Voilà qui nous regonfle à bloc. Rassurez-vous, les traditions sont loin d’être perdues…

    Nos pas nous conduisent entre deux murs d’arbres et d’arbustes. Des bouffées d’humus et d’odeurs de champignons viennent taquiner les amateurs : le bonheur.

    L’imposante masse de la Chartreuse se dégage au détour d’un chemin, là-bas, sur une autre colline, qu’il nous faut encore atteindre. Il y a plus urgent, cependant.

    Les estomacs grondent. Un magnifique sous-bois de châtaigniers nous entend et nous offre le gîte. Très vite, les rires, les éclats de voix fusent sous le feuillage couleur de feu et de rouille… Pop ! C’est le bouchon d’une bouteille de beaujolais nouveau qui donne le signal d’une détente joyeuse. Trop classique l’image ? Que non !

    Attendez, vous qui n’étiez pas avec nous : la Présidente nous offrait une surprise ! Accrochez-vous, braves gens : annoncée à coups de cymbales et de trompes suisses, la chose, l’attention délicate se matérialise enfin devant les yeux impatients, emplis de rêves, d’une bande d’innocents qui voudraient bien encore croire au Père Noël. De ses doigts menus, notre LMU (Leader Maxima Unica) tend à chacun, à chacune, 1 (un) petit beurre LU, avec tant de componction et de dignité intériorisée, qu’on peut entendre des murmures « Tu crois qu’ils sont millésimés ? », « T’es louf, t’as déjà vu des LU millésimés ? ». Une suggestion timide vient de derrière le tronc d’un châtaignier d’un bel âge « C’est peut-être un genre d’hostie, une préparation à la visite de l’abbaye ?». On constate bien, parmi les visages graves et les propos chuchotés que la question essentielle se résume à « Est-ce du lard ou du cochon ? »

    Un semblant de réponse se profile dans l’éclairage diffus et intime, sous les arbres séculaires. Quoi ? Un petit, vraiment petit, bocal en verre, coiffé d’une petite cuillère. Qu’est-ce ? La voix rassurante de la Présidente explique et menace, en même temps : -  Goûtez-moi cette confiture, une lichette par biscuit, pas plus ! 

    L’iconoclaste de service, en bas, près de la grande souche renversée, ricane :

    -       Une hostie, avec de la confiture, c’est avec ça que tu veux nous confesser ?

    -       Pas du tout ! Je pense à vous moi ! Oh, vous là-bas, j’ai dit un biscuit par couple !

    Le moment magique passé, l’impression de sainteté envolée, les estomacs bien tanqués et les gosiers humectés par le jus de la vigne, se dirigent vers l’objet de la randonnée : la Chartreuse de la Verne. Sombre, imposante, écrasante de rudesse, elle inspire le respect et le silence. On ne peut visiter. De toute façon, l’immense portail en chêne noirci par les intempéries, les deux colonnes en serpentine et les pierres rongées par mousses et lichen semblent aussi engageants qu’une visite de courtoisie chez tonton Dark Vador.

    Le retour ? Une troupe hagarde, des corps qui puisaient dans leurs dernières réserves ne protestèrent pas lorsqu’il fallut rebrousser chemin, encore une erreur de parcours !

    A écouter LMU, ce n’est pas une erreur mais simplement une question de stratégie. Nous avions en effet une demie heure d’avance  sur notre horaire, alors, tant qu’à faire, pourquoi ne pas se fourvoyer ? D’ailleurs, y eut-il des récriminations, malgré les jambes lourdes, les pieds en feu ? Non ! Toutes les pensées, quasiment tétanisées convergeaient vers une sorte de paix intérieure, vers un sentiment de fatalisme. Des froissements d’ailes dans le clair-obscur de la nuit qui tombait, confortèrent la lassitude extrême. Une voix féminine demanda :

    -       Tu crois que ce sont des chauves-souris ?

    La réponse, lugubre, résonna comme un faire-part :

    -       Non, des vautours…

    Pour les absents, vous n’êtes pas obligés de tout croire, quoique…

     

    Gérard Stell

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