• Elle fumait des Baltos (suite) ( ex les orties de l'été)

    Les copier/coller me jouent de drôles de tours et comme je ne suis pas un as de l'informatique, les résultats sont divers.... Cependant, le texte est là, ouf!

    Le titre de ce roman est  Elle fumait des Baltos  anciennement  Les orties de l'été...Je préfère ce nouveau titre, bon dimanche...

     

    Elle fumait des Baltos (suite)

     

     

    La cérémonie initiatique - Le quartier général - LucetteElle fumait des baltos (suite)  Une chanson douce - Reine d’un jour.

    Elle claqua la fenêtre. Depuis, c’était l’indifférence. Luc se demanda souvent la raison du manque de représailles.

    - Allez les mecs, on court!

    Ils détalèrent. La porte sur la rue était grande ouverte. Encore un bond et ils sautèrent sur le trottoir, dans la rue, leur royaume. La bande fila sur la droite en poussant des cris d’indiens. En tête, Jeanjean imitait le clairon du 7ème de cavalerie. Luc lui envoya une bourrade dans le dos.

    - Arrête, aujourd’hui on est des Séminoles!

    Ils avaient vibré au cinéma avec Garry Cooper dans les marais de Floride, aux prises avec des Séminoles couverts de peintures de guerre. Tout le monde se promettait d’aller voir Guadalcanal dimanche prochain. Il restait le problème non résolu de savoir qui tiendrait le rôle des Américains et des Japonais, une fois le film fini. Jeanjean et son frère, catégoriques, ne feraient pas les Japonais, jugés trop moches. Le petit Yvan se tâtait. L’idée de charger en hurlant des “banzaïe” le tentait. Luc incarnerait le général Mac Arthur, en toute modestie. 

    Ils passèrent devant la mercerie avec ses magnifiques pingouins en faïence rouge et bleue. Ils furent le jour de leur pose, la cause d’une sérieuse brouille entre Luc et Jeanjean. Les grandes lettres “ Laines du Pingouin “ étalées sur la vitrine interpellèrent Jeanjean.

    - Comment on peut faire ça? Regarde toutes ces pelotes de laine, il y en a des rouges, des jaunes, des bleues, des vertes... Je ne comprends pas, passe pour la laine noire ou blanche... Où ils peuvent bien trouver des pingouins de toutes les couleurs?

    - Espèce de fleur d’andouille! Les pingouins ont des plumes, pas de la laine!

    Jeanjean se redressa, blessé dans son amour-propre.

    - Tu ne sais pas lire? Laines du Pingouin, c’est bien ce qui est écrit, non?

    L’argument semblait d’autant plus solide que le texte barrait toute la vitrine mais Luc insista, furieux d’avoir douté pendant une fraction de seconde.

    - C’est ça, et les pingouins tricotent le soir, à la veillée, je les ai vus!

    Jeanjean se fâcha tout rouge.

    - Tu me prends pour un con? Et où les pingouins trouvent des aiguilles à tricoter sur la banquise?

    Trois jours furent nécessaires pour qu’il s’adressent la parole.

    La cour du garagiste et du plombier, encore pleine de mystères à élucider ne les retint pas, au profit de la vitrine du bazar. L’étalage excitait la convoitise de tous les enfants, chacun se choisissait un jouet préféré en pensée, le caressait du regard et s’en allait, des rêves plein les yeux. Ils arrivèrent à l’arrêt du bus, devant le magasin de chaussures. Le couple de commerçants, parmi les dix neuf boutiques de la rue, inspirait méfiance et retenue. Toujours trop bien habillés, obséquieux avec leurs clients et les passants, ils semblaient ne pas pouvoir s’intégrer. Leur grosse Hotchkiss noire garée devant le magasin faisait l’objet de réflexions où le mot “collaboration” revenait souvent. Ils traversèrent la chaussée au pas de charge, vers la rue Saint Bernard. Un jardin non clos, envahi d’herbes, formait le coin. La troupe s’arrêta devant les restes d’une maison bombardée, comme plusieurs autres dans le quartier. Les gens maudissaient encore les américains qui s’étaient écartés de leur route quand ils avaient arrosé la gare de triage. Il ne subsistait qu’un pan de façade et le sous-sol, recouvert d’une dalle en béton, crevée en deux endroits. Un escalier menait dans ce qui avait été la cave. Ils avaient déjà consacré de nombreux Jeudis à déblayer et entasser les pierres pour se construire un mur face aux escaliers, en cas d’attaque par les vauriens de la Cité Manceron. Le drapeau des Confédérés, fiché dans le sommet de la fortification accueillait les arrivants. Luc avait peint la croix sur un drap subtilisé sur la corde à linge de la marseillaise, puis l’avait cloué sur une latte. Ils saluèrent le drapeau. Ému aux larmes, Pinpin le porta à sa bouche.

    - Enfin, enfin j’y suis, je suis un brave...

    - On fait quoi maintenant, demanda le petit Yvan.

    - Si on allumait un feu, on pourrait faire un conseil, suggéra Jeanjean, vous ne croyez pas?

    - Non, tenir conseil, rectifia le chef.

    Le combustible ne manquait pas, il restait des allumettes soufrées, cachées sous une pierre. Le bois et le papier humides rechignèrent à s’enflammer. Les grosses volutes de fumée roulèrent sous le plafond, les anneaux gonflés suivirent le mur et brusquement, le serpent s’éleva par le trou de la dalle. Ils attendirent, stoïques, assis autour du foyer, nez pincés et larmoyants. Luc s’éclaircit la voix.

    - Bien. Maintenant on décide. Il faut trouver la nouvelle cachette, je vous écoute, vous proposez quoi?

    - On l’enterre et on plante un piquet, comme ça on sera sûr de le retrouver. C’est une bonne idée, non?

    - Dis, Pinpin, railla le petit Yvan, tu ne veux pas que j’écrive sur le mur :Trésor suivez la flèche ? 

    Pinpin pouffa de rire. Luc le fusilla du regard, il demanda,

    - Et toi Jeanjean, tu proposes quoi?

    - Ben, si on le mettait là, sur la pierre juste en face de l’entrée, bien visible? Son pouvoir maléfique devrait tuer les étrangers qui oseraient pénétrer dans notre quartier général... Comme la malédiction des pharaons.

    Pinpin bondit, son rêve continuait.

    - T’es sensass, ouah, ça c’est une idée!

    Il fixa l’entrée, vit déjà un monceau de cadavres entassés devant la muraille. Il imagina le plus intrépide des intrus, les yeux révulsés par la terreur, la main tendue et raidie dans un dernier spasme, à quelques centimètres de la pierre maléfique. Il frissonna de peur et de plaisir. Luc se leva. L’éclat des flammes accentuait encore plus ses joues creuses et la maigreur de ses jambes aux genoux protubérants.

    - Ton idée Jeanjean est trop bonne, mais je suis le chef et je dois penser aux conséquences. On ferait quoi des cadavres? Tous les chiens du quartier vont se rabouler si on les entasse ici. Il y aura des bras et des jambes partout. Et les odeurs de charogne?

    Non, je pense qu’il faudrait le cacher ici, dans le conduit de la cheminée.

    Joignant le geste à la parole, il s’accroupit et coinça la pierre à l’intérieur de la cheminée, entre deux boisseaux.

    - Maintenant tendez la main, et jurez que vous ne révélerez à personne notre secret, dites je le jure.

    Ils jurèrent en cœur. '(à  suivre)

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