• Elle fumait des Baltos (suite)

     

    Ciel bas et gris, le vent chante dans les sapins, j'ai vu passer mon voisin, le renard qui me jette un regard serein et qui continue son chemin, sans se presser...

    La suite de "Elle fumait des Baltos" est terminée... J'ai encore beaucoup de travail pour continuer le troisième volume de "La Saga de Luc", "La crème anglaise"...

    Les idées sont là, il me manque une puissante motivation, qui devrait venir d'où, d'ailleurs?

     

     

     

    Les orties de l’été (suite)

     

     

    La cérémonie initiatique - Le quartier général - LucetteElle fumait des baltos (suite)  Une chanson douce - Reine d’un jour.

     

    Du geste du semeur, il aspergea Jeanjean qui ne savait plus s’il devait avoir mal, chasser les cloportes ou traiter Pinpin de salaud. Il n’eut pas à réfléchir. Des hurlements stridents jaillirent de ses poumons. Des morceaux de braise incandescente noyés dans la cendre tiède collèrent à sa peau, fumèrent sur ses chaussettes, sa culotte et sa chemise. On pouvait distinguer dans le brouillard laiteux des lueurs rouges creuser des cratères dans ses cheveux. Trop occupés à tousser, cracher, les autres n’entendaient pas tout de suite ses cris désespérés. Luc regarda la porte de la cave du père Duchamp qui servait de support pour le sacrifice des lapins et des poules et vit le seau qui se trouvait là en permanence. Il s’en saisit en en versa le contenu sur la tête de Jeanjean accroupi. Les braises sifflèrent, le nuage de cendres retomba.

    Luc, Pinpin et le petit Yvan restèrent bouche-bées, pétrifiés d’horreur.

    - Merde, murmura le petit Yvan, on dirait un chef Sioux...

    - Ouais, et même que les cloportes se sont barrés, quelle horreur...

    Jeanjean offrait un spectacle hideux et pathétique. L’eau du seau avait servi à ébouillanter une poule. Brunâtre, pleine de plumes, l’eau mélangée aux cendres dessinait sur le garçon des sillons et des zébrures d’un effet peu ordinaire. Les plumes collées aux cheveux lui donnaient une fière allure. Ce sont ses yeux surtout qui inspiraient la terreur. Des caillots de sang accrochés aux cils se tendaient et se détendaient à chaque battement de paupière. Un morceau de tripe de lapin ballottait à son oreille. Pinpin rompit le charme, tapa du pied et éclata de rire,

    - C’est le bout où il y a les crottes! On voit les boules!

    Jeanjean resta imperturbable. Il tendit le bras, le poing serré, la paume vers le plafond. Un vrai grand prêtre Inca. Et là, dans le creux de sa main, resté miraculeusement presque blanc, apparut le trésor. Le nouvel initié s’avança.

    - Ah la vache! Qu’il est beau!

    Il ne regretta pas la potion.

    - Un truc comme ça, ça doit avoir de la valeur, je sais ce que je dis, affirma le petit Yvan.

    Luc prit un air inspiré, lointain.

    - Tu peux le dire... C’est une pierre qui a des pouvoirs... Elle vient d’Afrique, c’est un sorcier qui l’a donnée à l’oncle de mon père... Il est missionnaire et il sait de quoi il parle...

    Après mûre réflexion, l’émotion une fois dissipée, Pinpin eut la tentation de dire que la pierre ressemblait beaucoup à un morceau de verre de bouteille. Il se ravisa. Et si la pierre avait réellement un pouvoir? Luc crut déceler une lueur d’incrédulité sur le visage de Pinpin. Le ton changea.

    - Regarde bien cette pierre, dit-il, en l’élevant entre son pouce et son index, à la hauteur du nez du brave. Jure de respecter tous nos secrets, d’obéir à mes ordres ou alors le maléfice t’emportera.

    Les yeux de Pinpin convergèrent sur la pierre, il loucha tant qu’on ne vit plus que du blanc strié de veinules rouges. Ses genoux tremblèrent, il balbutia,

    - Je le jure, mais c’est quoi un maléfice?

    Son frère prit une grosse voix.

    - C’est une maladie africaine, mortelle, tellement mortelle qu’on peut en mourir...

    Pinpin ferma les yeux, inspira à fond. Non, jamais il ne mettrait en doute le pouvoir maléfique de la pierre africaine.

    - Bon les gars, ordonna Luc, priorité à la sécurité de notre trésor. On va le cacher dans notre nouveau quartier général. Jeanjean, tu passes devant, toi Pinpin, tu restes derrière en arrière-garde et tu observes bien si tu vois ce petit con de fils de marseillaise.

    Pinpin en trépigna d’impatience, il allait être admis dans le sanctuaire, quelle journée!

    - Du calme, pas par la cour, par la buanderie, des fois qu’il se serait embusqué sur sa terrasse pour nous caillasser, en avant.

    Ils traversèrent la buanderie et montèrent l’escalier qui donnait sur le couloir de l’immeuble. La petite ampoule grillée au bout de son fil les obligea à monter les marches dans le noir.

    - Pas de panique les gars, j’ai trouvé la poignée de la porte!

    Jeanjean ouvrit, et la lumière du jour dissipa un léger malaise.

    - Ahh! Au secours!

    Le cri d’une femme blessée à mort leur dressa les cheveux sur la tête. Ils se ruèrent pour voir. Comme dans un film de Frankenstein, Jeanjean, les bras écartés, les jambes ployées, faisait face à la mère Thiriot, coincée sous les boîtes à lettres. Les deux mains autour de sa gorge, elle se remit à glapir lorsque Jeanjean cligna des yeux. La conne, pensa Luc, elle va ameuter toute la maison. Elle ne l’aimait pas, il le lui rendait bien. Cette sourde antipathie datait d’environ deux ans. L’arrière de la boutique de l’électricien donnait sur la cour, avec une fenêtre toujours occultée par une couverture brune, et une autre, celle des toilettes. Luc jouait, seul, dans la cour, s’essayait à l’équilibre sur la rambarde de la cave. Il aperçut la mère Thiriot à travers la vitre en verre cathédrale soulever sa robe et s’asseoir. Il attendit jusqu’à ce qu’elle se lève, se tourne et tire la chasse d’eau. Il n’avait pas prévu qu’elle ouvre la fenêtre, se penche et le voit, à moins d’un mètre. Encore plus surprise que le garçon, elle fit un oh! d’étonnement. Décontenancé, Luc faillit perdre l’équilibre. Il la regarda droit dans les yeux et lui dit,

    - Salope, vieille salope, putain, vieille putain!

    - Oh mon Dieu! Petit malheureux!

    Effrayé par ses paroles, Luc évalua en une fraction de seconde la réaction du père Thiriot, et dans la foulée, celle de sa mère vite mise au courant.

    - Vieille salope, je dirai à tout le monde que tu pues!

    - Oh mon Dieu!

    Elle claqua la fenêtre. Depuis, c’était l’indifférence. Luc se demanda souvent la raison du manque de représailles. (à suivre)

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