• Vous pensez tous la même chose, à savoir Oh que le temps passe vite... Les semaines s'additionnent, deviennent des mois et soudainement une autre année s'ajoute aux précédentes... Solution pour ne pas vieillir : briser tous les miroirs dans la maison!

     

     

     

     

    Elle fumait des Baltos

     

     

    La Saga de Luc

     

    disponible aux Editions les 3 Colonnes  


        

    encore le temps de prendre le car...La Saga de Luc ( suite )

     

     

     

     

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    Les rapides de Lorraine - Le cochon - Le mirabellier

    L’armoire à linge - Saint Nicolas

    La fosse à purin

     

     

    Ce n’était pas l’aventure, la vraie, mais presque, en traversant la ville à pied, un sac de plage sur l’épaule, l’argent du car en poche et un petit reste pour s’acheter deux pains au raisin. Il connaissait chaque façade, chaque portail, prenait plaisir à suivre les vieilles rues étroites, avares de soleil, flairer les odeurs de caves humides, de moisi qui filtraient de porches, empruntés autrefois par chevaux et calèches.

    Sertie dans ses arcades moyenâgeuses, la Place Saint-Louis attirait une foule de gens, surtout ceux de la campagne dont c’était soit le terminus, soit le départ. Les vieux cars poussifs, aux peintures délavées avaient connu certainement des jours meilleurs avant la guerre mais ils savaient encore porter avec fierté sur leurs flancs piqués de rouille “Rapides de Lorraine”. Assis à l’arrière, sur la banquette d’un tenant, Luc vibrait à l’unisson des tôles secouées et des suspensions avachies. A chaque changement de vitesse, le tuyau d’échappement crachait un nuage bleu si intense qu’il pouvait masquer le soleil. Il avait rejeté dès ses premiers pas vers le centre-ville toute référence à sa mère, sa sœur, ses copains, ce voyage lui appartenait jusqu’à l’arrivée. Il le vivait intensément, se prenait pour un conquistador, maître du monde sur une vingtaine de kilomètres, autant dire l’infini. Il fut le seul passager à descendre à l’entrée du village, il s’assit sur une borne et goûta, une fois les hoquets du car dissipés, au silence magique de la campagne. Les champs et les prés cascadaient en vallons successifs pour remonter sur la ligne d’horizon vers Montois-la-Montagne. Dans cette paix de fin d’après-midi, les wagonnets chargés de minerai de fer lançaient une note claire et joyeuse en passant sur les pylônes. Une alouette invisible égrenait sa litanie. Des odeurs de terre et d’herbe chaude folâtraient au gré d’une brise paresseuse. Une odeur particulière porta le fumet d’une soupe au choux où Luc décela le gros morceau de lard au gras de plus en plus fondant. Son estomac cria au-secours. Il s’engagea d’un pas décidé dans la rue en cul-de-sac, fermée par un champ de blé piqué d’une multitude de coquelicots. Une douzaine de maisons de la mine se faisaient face de part et d’autre de la rue dont la sévérité se trouvait adoucie par des massifs de dahlias et de giroflées. Bien que la rue fut déserte, Luc avança en bombant le torse, n’arrivait-il pas de la ville? Qu’elle paraissait loin l’époque où lorsqu’il arrivait les femmes criaient d’une cour à l’autre “attention le bandit de Metz arrive!”. L’alarme se répandait aussi vite qu’un feu d’herbes sèches en automne. Les clapiers, les poulaillers, les porcheries et les étables étaient verrouillés en hâte. Sa grand-mère ne manquait jamais de lui rappeler à chaque visite, avec des soupirs d’indignation et de honte, qu’autrefois, quand il était petit, il allait d’une cour à l’autre pour libérer lapins poules et cochons. Il ne s’en souvenait pas mais se délectait de cette réputation de terreur de la ville. Il avait appris ici beaucoup de choses,  ses copains ne savaient pas faire la différence entre une betterave et une laitue ou entre un taureau et une vache, lui savait.

    Il s’arrêta dans l’entrée, devant la porte de la cave ouverte et huma un mélange d’odeurs où dominaient la pomme soigneusement rangée sur des clayettes garnies de paille, et l’alcool de mirabelle qui imbibait encore le bois des tonneaux vides. Il passa devant le rez-de-chaussée sur la pointe des pieds. Le père Forfer le menaçait à chaque rencontre de le donner à brouter aux vaches, depuis le jour où il accorda la liberté aux deux ruminants. Affolées par ses cris de pirate, les deux vaches rabattirent un grillage et s’en mirent plein la panse dans un champ de luzerne. Arrivé à l’étage, Luc hésita devant la porte, seulement verrouillée la nuit car “ici il n’y a pas de voleurs comme à la ville”. Il se décida, traversa le couloir en tapant des talons, entra dans la cuisine et annonça d’une voix forte,

    - Bonjour, c’est moi!

    La grand-mère assise près de la fenêtre écossait des petits pois. Elle constata sans marquer la moindre surprise,

    - Tiens, te voilà, ta mère aurait pu m’avertir, m’envoyer un mot, enfin...

    - Où est Lucie?

    - Elle est partie au village, chercher le lait, elle va arriver. Tu tombes bien, tu vas pouvoir m’aider pour l’herbe des lapins, tu aimes faire ça, non?

    Chaque famille cultivait un vaste jardin mis à disposition par la mine et possédait sa basse-cour, son clapier et un ou deux cochons. Luc méprisait les poules, surtout le coq stupide et vindicatif. Il le toisa du haut de ses dix ans et le mit en garde,

    - Si jamais tu me fonces dessus, je te vole dans les plumes.

    Par pure prudence, il marcha cependant à reculons, si jamais le coq n’avait pas compris. Les lapins, ses favoris, recevaient toujours ses caresses, ses monologues et des pissenlits cueillis spécialement pour eux. La porcherie vide depuis deux ans servait de remise pour les outils, lieu oh combien chargé de nostalgie. Il n’y avait pas plus volontaire et empressé que lui pour y porter le lourd seau de pommes de terre écrasées, mélangées à des orties cuites. Et là, malgré le cochon excité qui tournait en rond, malgré les coups de groin contre les planches, Luc s’asseyait sur un tabouret, fermait les yeux et s’imprégnait de la délicate odeur de l’ortie et de la pulpe blonde. Au risque de se brûler, l’enfant plongeait la main dans le festin et s’en gavait en grondant de plaisir. De plus en plus furieux, le cochon coinçait son groin aux narines palpitantes sous la porte, donnait de violents coups de tête qui ébranlaient les gonds de la porte. Quand le vacarme atteignait son paroxysme, Luc se résignait à vider le seau dans l’auge en béton.

    - Tiens, tas de saindoux, bouffe, bientôt tu seras dans mon assiette! Demain je t’en piquerai encore plus!

    La visite au cochon terminée, le garçon allait rendre hommage au seigneur du jardin, un immense mirabellier, aux branches truffées de fruits vert pâles. Il faisait plus qu’inspecter les branches les plus basses, il auscultait chaque fruit, les pressait entre son pouce et l’index. Dès qu’une certaine souplesse se manifestait, il tentait de déceler une tache plus claire, annonciatrice du jaune tendre qui virerait bientôt au jaune d’or. Sa grand-mère avait beau lui répéter qu’il fallait beaucoup de soleil, beaucoup de patience pour que les mirabelles mûrissent, il courait à la fin d’une chaude journée voir le résultat. Déçu, il apostrophait l’arbre,

    - Tu déconnes ou quoi? L’herbe roussit partout, les poules restent à l’ombre tellement il fait chaud et toi tu prends ton temps?

    - Salut toi, c’est chouette de te voir, tu vas rester longtemps?

    Luc sursauta, surpris dans ses salutations au mirabellier ( à suivre ) 

     

     

     

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  • Ne m'en veuillez pas, oui, je sais, je suis en retard, pourquoi? Ah, donc je devrais me justifier? Me faites-vous part de vos commentaires? Non, j'ai donc bien le droit de disposer de mon temps, non? Bon dimanche et bonne lecture...

     

     

     

     

     

    La Saga de Luc

     

    disponible aux Editions les 3 Colonnes  

     

     

    Les grandes vacances - Le couteau à pain - 

    Le cerf-volant - Les pastilles Sanoformine - le chocolat du juif.

     

     

     

     

     

     

     

    Mais où donc se trouvaient Jeanjean et Pinpin? Il passa sans réelle convictionLa Saga de Luc ( suite ) au quartier général, silencieux et sombre, écrasé par une grisaille sinistre. Il revint sur ses pas, eut l’idée d’aller regarder la vitrine du bureau de tabac pour y lire le dernier classement du Tour de france. Il s’arrêta, stupéfait, à la hauteur du bazar. La grosse Delahaye noire du juif, le marchand de meubles à coté de l’épicerie de l’Italien, stationnait juste devant la porte de son immeuble. Le stupéfiant, c’est que sa mère en sortait. Elle intercepta un bref instant l’expression ahurie de son fils. Elle hésita, dit quelques mots à la hâte au conducteur et s’engouffra dans le couloir de l’immeuble. Luc s’avança, profondément contrarié, sans savoir pourquoi. Il ne comprenait pas, seul son instinct lui disait qu’il avait été le témoin d’une partie trouble de la vie, celle où gravitaient les mensonges et les dissimulations. Il s’avança, hypnotisé par l’automobile. Le conducteur en sortit, souriant. C’était un vieux, au moins cinquante ans, portant beau avec ses cheveux blancs plaqués et un costume rayé.

    - Salut Luc, allez monte, on va faire un tour, je suis certain que tu en meurs d’envie.

    Pris au dépourvu, incapable de réfléchir, le garçon monta dans la voiture qui démarra aussitôt. L’autre parlait, plaisantait, mais Luc ne percevait qu’une suite de sons vagues, ne reconnaissait plus les rues de son quartier. Il enregistra une odeur persistante de Bourjois mélangée à une eau de toilette pour hommes. Il ne se rendit compte de l’arrêt de la Delahaye que lorsque le type lui toucha l’épaule.

    - Tu es un gentil garçon, j’aime les enfants qui parlent peu et qui savent tenir leur langue... Et pour te montrer que je te considère comme un grand, tiens, prends ça...

    Comme Luc ne réagissait pas, le type lui posa une tablette de chocolat suisse sur les genoux, puis il ajouta, mi-sérieux, mi-moqueur, en plongeant la main dans la poche de sa veste,

    - Tiens tu donneras ça à ta mère, il ne faudrait pas qu’elle prenne froid...

    Il lui tendit une culotte rose, roulée en boule. Luc monta les escaliers lentement, il tenta sans succès de mettre de l’ordre dans ses idées. Sa mère ouvrit la porte, radieuse, enjouée.

    - J’ai vu du balcon que tu es allé faire un tour en voiture avec monsieur Grünberg, tu en as de la chance!

     Feignant la surprise et sur un ton encore plus enjoué, elle s’exclama,

    - ... et puis là-bas, tu auras du grand air, tu pourras courir et t’amuser dans les champs. Tu aimes bien donner à manger aux lapins et aux poules... Je vais te préparer un petit sac, tu as - Et en plus une plaque de chocolat suisse! Quelle veine, j’espère que tu m’en laisseras?

    Luc allongea le bras tenu plié dans le dos.

    - Tiens, il y a aussi un cadeau pour toi.

    Sa mère eut un geste de recul, rougit, se saisit de la culotte et émit un rire forcé.

    - Une culotte rose! Quelle idée! Alors là, je n’en reviens pas!

    - Ah bon, parce qu’elle n’est pas à toi?

    Le rire se transforma en grondement.

    - Sale morveux, qu’est-ce que tu veux insinuer?

    - Que c’est ta culotte, et le type me l’a donnée pour te la rendre, tu l’avais perdue dans sa poche à ce qu’il parait. 

    La gifle qu’il reçut le déséquilibra, sa tête heurta l’angle du mur. Il se releva,le visage ensanglanté par une plaie profonde au front. Les mâchoires serrées, il fixa sa mère. Celle-ci dut lire tant de haine dans ces yeux si durs, qu’elle renonça à asséner une autre gifle. Son bras retomba, elle ramassa le chocolat.

    - Puisque c’est comme ça, tu n’as pas besoin de chocolat, et maintenant fiche le camp, va voir dehors si j’y suis.
     Luc ne bougea pas, il compta les cognements de son cœur, lécha le sang arrivé à sa bouche et continua de défier sa mère. Une colère sourde le paralysait, il se ferait hacher sur place mais il ne baisserait pas les yeux. Elle détourna la tête, ses doigts tremblèrent. Elle tenta de reprendre son ton enjoué, câlin, cassé par une émotion qui lui brisa la voix.

    - Si tu crois que la vie est facile...

    Elle se reprit aussitôt.

    - Viens ici, que je te nettoie... Ça saigne beaucoup, ce n’est pas grave, les plaies à la tête saignent toujours beaucoup...

    Luc flotta sur un nuage tout le temps que des gestes précis s’affairent à le panser. La brûlure de l’alcool à 90° le rappela dans la cuisine.

    encore le temps de prendre le car... ( à suivre, pour un nouveau chapitre...) 

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  •  

    La montagne vient de se réveiller de sa longue torpeur, elle a décidé de ressembler à une montagne d'hiver... Il a neigé toute la nuit, je vais donc chausser mes bottes et passer la pelle à neige tout autour du bâtiment...

    Excellent exercice qui ravigote! Bon dimanche... 

     

     

     

     

     

    La Saga de Luc

     

    disponible aux Editions les 3 Colonnes  

     

     

     

     

    Les grandes vacances - Le couteau à pain - 

    Le cerf-volant - Les pastilles Sanoformine - le chocolat du juif.

     

     

     

     

     

     

     

     

    LaSaga de Luc, nouveau chapitre- Elles servent à quoi les pastilles?

    - Ça ne te regarde pas, c’est pour les grandes personnes.

    - Pourquoi je dois sortir à chaque fois que tu mets une pastille dans la bassine?

    - Parce que je te le dis, et si jamais tu t’avises d’entrer sans que je te le dise, tu entendras parler du pays.

    Malgré son aversion pour sa mère, Luc attendait patiemment, assis dans le couloir puis frappait à la porte jusqu’à ce qu’un oui excédé lui réponde. Il n’aurait su dire ce qu’il attendait pendant ces quelques minutes matinales de calme, une parole gentille?

    Ses attentes n’apportaient jamais la réponse souhaitée, bien au contraire, ses airs de chien battu suscitaient plutôt l’irritation de sa mère.

    - Qu’est-ce que tu as à me regarder comme ça? Tu veux ma photo, regarde-moi bien, demain je serai changée en peau de lapin!

    La finition, la touche finale se concrétisait avec le dévissage du flacon de lotion faciale Scherck, au parfum si subtil. Il allait l’acheter à la pharmacie et ne manquait jamais de s’en mettre une goutte sous le nez pour le respirer en chemin. Tout à la fin, mais pas tous les jours, elle prenait le flacon bleu de Bourjois, avec un”J” comme joie et s’en mettait une goutte derrière chaque oreille.

    - Bon, maintenant tu sors, tu as sûrement des copains dans la rue qui t’attendent.

    Une telle invitation ne se faisait pas répéter.

     Il réalisa sur le trottoir, hébété, le grand vide, l’immensité des heures, des jours et des semaines à combler. Il se sentit soudain très seul. Le petit Yvan avait fait ses adieux la veille en se gargarisant sur toutes les actions d’éclat qu’il allait vivre à Royan, avec sa mère. Une description très détaillée du confort de l’hôtel, des plaisirs de la plage, des balades dans les forêts de pin laissèrent Jeanjean et Pinpin ébahis, muets d’admiration. Luc se creusa pour se souvenir si le magicien Mandrake ne disposait pas d’une formule secrète pour le transporter lui aussi dans ce séjour de rêve... Non content de les avoir fait baver, il ajouta avant de les quitter,

    - Et je ne vous dis pas, j’ai un cerf-volant dernier modèle, avec une sécurité, ouais!

    - Une sécurité pour quoi faire demanda Jeanjean, passionné par la mécanique.

    - Ah oui, c’est vrai, sembla se souvenir le petit Yvan, j’ai complètement oublié de vous raconter ce qui m’est arrivé l’année dernière. Oh putain, quelle histoire!

    Il n’aurait pu rêver d’un meilleur auditoire que Jeanjean et Pinpin déjà accrochés.

    - Vas-y, raconte, raconte qu’on te dit!

    Le petit Yvan hésita, puis sur le ton blasé de celui qui répugne à se vanter, il montra le ciel, d’un large mouvement du bras.

    - J’avais un cerf-volant, sans sécurité, éh bien croyez-moi si vous voulez, un matin le vent était si fort que j’ai été emporté par la ficelle bloquée autour de mon poignet!

    - Vingt dieux, t’es monté haut?

    Le petit Yvan soupira, fixa Jeanjean droit dans les yeux. Son ton se durcit.

    - Tu parles, j’avais une vue directe sur Bordeaux, je ne voyais plus les gens sur la plage!

    - Oh merde! Comment t’as fait pour redescendre?

    - Pas de problème, j’ai louvoyé en tirant sur la ficelle. Le plus difficile a été de bien calculer le point de chute, je devais absolument éviter la ville et la forêt... En fait, j’ai atterri en douceur sur la plage, comme un fleur...

    - Putain de putain! Et ta mère, elle a dit quoi?

    - Heureusement qu’elle dormait, elle n’a rien vu, autrement c’est sûr, elle m’aurait confisqué le cerf-volant.

    Jeanjean jura encore, enthousiasmé,

    - Purée, tu te rends compte Luc, le bol! Il aurait pu aller jusqu’en Angleterre, et pourquoi pas, jusqu’en Amérique, foutre la trouille aux Peaux-Rouges!

    - Tu es vraiment une banane, tu crois ses conneries? Il t’aurait dit qu’il est tombé sur la banquise dans les bras d’un ours blanc et tu l’aurais cru, Non, mais tu le vois accroché à une ficelle de cerf-volant? Tu n’es qu’une cloche qui gobe n’importe quoi!

    Pinpin s’était fait son opinion, d’ailleurs, pendant une fraction de seconde, les vents d’altitude l’avaient ébouriffé, il s’y était vu et il aurait juré avoir distingué la tour Eiffel dans le lointain, entre deux nuages.

    - C’est toi qui es une banane! C’est écrit dans les journaux, y a des aigles qui enlèvent des enfants et des moutons et un aigle c’est pas plus grand qu’un cerf-volant, alors tu vois bien que c ‘est toi la banane!

    Ce saligaud de petit Yvan se régalait, son histoire à dormir debout lui donnait la vedette, et ces deux enfoirés en redemandaient, quelle misère se dit Luc. Grand seigneur, le rescapé des airs acheta un kilo de cerises au bazar. Appuyé contre la vitrine, il puisait dans son sac en papier, se bourrait la bouche, émettait des grognements de plaisir et des claquements humides de beau jus rouge. Les lueurs gourmandes dans les yeux de Jeanjean et de son frère furent récompensées non sans avoir mendié et imploré.

    - Allez, sois pas vache, une, rien qu’une...

    Arrivé au fond du sachet, le petit Yvan lança une cerise à chacun des frères. Il cracha un noyau, rota en s’appuyant sur l’estomac, un rot profond, un rot gras de jouisseur. Moqueur, il lança,

    - Eh oui, c’est comme ça, si tu veux des cerises, tu demandes du fric à ta mère, ou alors tu prends des cours de cerf-volant!

    Touché et vexé, Luc ne répondit pas mais médita la leçon : de bons copains pouvaient se faire acheter pour une cerise, Judas, lui, avait obtenu plus. C’était la veille...

    Un peu perdu, il monta vers la place de l’école où les derniers forains entassaient du matériel dans les remorques. Luc debout à l’emplacement vide de la roulotte adressa un adieu nostalgique à la fille aux yeux en amandes. Juré, l’année prochaine je lui parlerai... ( à suivre )

     

     

     

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  • Allez, un petit coup de pub pour mon ego! Des questions se sont posées : qui est cet auteur? A quoi ressemble-t-il?

    Quels chanceux que vous êtes! Je me livre à vous et à vos critiques... Je ferai semblant de ne pas entendre ce qui est négatif...

     

     

     

     

     

     

    La Saga de Luc

     

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    Les grandes vacances - Le couteau à pain - 

    Le cerf-volant - Les pastilles Sanoformine - le chocolat du juif.

     

     

     

    L’instituteur avait beau menacer, insinuer, et proclamer que “certains” quiLa Saga de Luc nouveau chapitre s’imaginent que l’école est finie, qu’ils sont déjà en vacances, ou pire, celles et ceux qui se croient déjà dans la classe supérieure, pouvaient vivre un réveil brutal. Bien entendu, personne ne l’écoutait. Son irritabilité concernait en fait les huit candidats qui se présentaient à l’épreuve du certificat d’études, preuves vivantes de tous les efforts de l’année. Ses mises en garde répétées prenaient l’allure de prophéties catastrophiques, de vies gâchées à jamais.

    - Sans certificat d’études, non seulement vous ne serez rien, mais vous serez des moins que rien!

    Satisfait de voir les visages attentifs, il continuait,

    - Vous croyez peut-être que quelqu’un voudra de vous comme apprenti? Si ce n’est pas pour vous, réussissez au moins pour vos parents, pour votre école!

    Tassés sur leurs bancs, les postulants n’en menaient pas large, parlaient à voix basse, prenaient un plaisir sadique à dramatiser les conséquences de leur éventuel échec.

    - Moi, mon père me jette à la rue, avec mon baluchon qu’il a dit...

    - Tu parles, moi il m’a déjà prévenu, j’irai aux enfants de troupe, recta...

    - Qu’est-ce que tu dirais à ma place, il m’a dit que je serai pas capable de faire un métier honnête, que je vendrai des aspirateurs ou des assurances, la vache!

    - Ouais, ben vous, vous serez encore vivants, il m’a dit qu’il me foutrait dans un sac et qu’il me balancerait dans la Moselle...

    L’instituteur avait remis un mot à Luc, destiné à Maurice, pour que celui-ci vienne le voir un soir, après les classes. Assis au fond de la salle vide, le garçon put saisir quelques bribes de la conversation. Monsieur Hilbold semblait pressant, sévère tandis que Maurice répondait par des oui évasifs, ou des “on verra”. Il était question de bonnes notes, de résultats au-dessus de la moyenne, de toutes les chances de réussir le concours d’entrée en sixième. Rien ne transpira de cette entrevue, entre Maurice et sa mère, au plus grand regret du garçon. Le petit Yvan, lui, allait se présenter au concours et s’il réussissait, ce serait la fin de la bande. Plus rien ne serait comme avant, il ferait encore plus le savant, étalerait ses connaissances du lycée, oui, une chienne de vie...

    Le certificat d’études, la fête sur la place, et les vacances d’été à la fin de la semaine portaient sur les nerfs des petits comme des grands. Qu’elles paraissaient longues et interminables ces heures jusqu’à la libération, jusqu’à cette immense parenthèse de trois mois, gorgée de soleil, de fruit mûrs, de terre arrosée le soir...

    Il arriva enfin ce samedi tant attendu, salué par tous les enfants en délire, ponctué d’embrassades pour les filles et de bourrades dans le dos pour les garçons. L’air bruissait de promesses, de joies à venir, de journées de plaisirs renouvelés.

     Luc et sa sœur arrachèrent sans peine la permission de sortir après le dîner. Les manèges, les attractions avaient perdu leurs attraits, ils appartenaient à un fond de décor tout comme le texte d’un opéra destiné à mettre en valeur la musique et les voix. Les roulottes, les manèges et les baraques reflétaient presque une image hostile, comme une Cendrillon dépouillée de ses atours au douzième coup de minuit. Les cavalcades dans la foule  encore dense, les parties de cache-cache, les fou-rires pour un rien épuisèrent les réserves d’énergie. Ils regagnèrent leur domicile sans le moindre regret. Luc éprouva un malaise dès qu’il eut ouvert la porte. Les bruits de la rue perceptibles par la fenêtre du balcon grande ouverte soulignaient encore plus le silence de l’appartement. Le poste de radio ne fonctionnait pas. Une lampe défaillante avait pourtant été remplacée la semaine dernière. Marion se précipita, elle voulait boire de l’eau à l’évier en premier, elle s’immobilisa dans son élan, frappée de stupeur. Luc s’avança, enregistra des images en rafales. Sa mère se tenait dans l’encoignure du cagibi, bras croisés, le visage fermé par une expression haineuse. Son maquillage et sa coiffure des grands jours, les sourcils épilés marqués par un trait noir, rappelaient étrangement Marlène Dietrich dans l’Ange bleu. Elle portait une nouvelle robe, noire, piquée d’étoiles bleues et une large ceinture corsaire barrée d’une grosse boucle dorée. Luc fronça les sourcils d’étonnement. C’est lui qui d’ordinaire allait chez les commerçants, surtout quand il fallait demander un crédit, c’est lui qui devait aller payer le loyer chez le propriétaire, faire la queue à la Sécurité Sociale. Sa mère ordonnait, il n’avait plus qu’à s’exécuter. Entre autres sources d’approvisionnement, il allait régulièrement au Palais du vêtement, au coin de la rue de la Chapelle. La demande ne variait pas, précédée d’un claquement des doigts,

    - Tu vas voir chez le juif s’il a de beaux pulls rouges, tu lui dis de t’en donner plusieurs pour que je les essaye.

    Ou alors, beaucoup plus gênant et effectué avec un maximum de mauvaise volonté,

    - Tu lui demandes plusieurs modèles de soutiens-gorge, je veux du blanc, et ne te laisse pas refiler des vieilleries...

    Pour une fois donc, madame avait fait des achats sans rien lui demander, étrange en vérité, et d’où as-tu trouvé l’argent, toi qui pleures toujours misère eut-il envie de demander. Accoudé au buffet, Maurice fixait le plancher, les muscles de ses mâchoires roulaient et saillaient au rythme de ses grincements de dents. Le sang coulait d’une large plaie à l’avant-bras droit, en grosses gouttes pressées, jusqu’au coude, s’accumulait sur la tablette et dévalait le long des portes blanches en un grand accent circonflexe. Les deux branches de l’accent se rejoignaient au bas de la porte et alimentaient une flaque ronde et épaisse comme une crêpe, aux bords luttant contre la cire du plancher. La lame de la scie à pain luisait sous la table. L’intrusion des deux enfants ne provoqua aucun geste, aucune réaction. Les personnages auraient tout aussi bien pu être des mannequins dans une vitrine. Luc posa la main sur l’épaule de sa sœur et l’attira doucement, à reculons. Ils se déshabillèrent sans parler et se couchèrent.

    Ils en avaient déjà vu des scènes de ménage! Et si à chaque fois ils se sentaient misérables et trahis, ce soir, leurs yeux avaient vu du sang. Tourné sur le coté, Luc les maudit. Qu’ils s’entre-tuent, mais en silence, qu’il n’entende plus ces horribles mots, ces insultes ordurières, ces bruits de coups accompagnés de mots qu’il ne comprenait pas, qui semblaient si sales, si dégradants... Il rêva de montagnes, de cascades au soleil, il courait dans une prairie avec sa sœur. Leur père partageait leurs jeux, leur mère fredonnait en préparant un superbe pique-nique. Ils formaient une famille heureuse, soudée, sur laquelle aucun malheur n’avait prise.

    Ce lundi matin ne ressemblait pas aux autres, les vacances commençaient, bien que Luc après un réveil aux heures habituelles alla faire ses courses quotidiennes. Le grand chambardement ne prit consistance qu’après le petit déjeuner.

    - Puisque tu es en vacances rends-toi utile, fais la vaisselle au lieu de te tourner les pouces.

    Tandis que le garçon s’acquittait de sa corvée dans le recoin de l’évier, sa mère procédait à sa toilette dans la cuisine. Luc en connaissait le rituel et aimait y participer, rien que pour les odeurs. Debout, enchemise de nuit presque transparente, sa mère se lavait le visage en se tamponnant avec un gant de toilette, se savonnait les bras et se séchait. Il savait, lorsqu’il était présent que le pétillement d’une pastille bleue de Sanoformine préludait à son départ. Qu’elle était bizarre cette pastille qui zigzaguait dans l’eau, crachant des bulles impatientes de venir crever à la surface et exhaler une odeur de frais et de printemps.

    - Maintenant tu sors et tu fermes la porte.

    Il avait demandé à plusieurs reprises, sans succès,

    - Elles servent à quoi les pastilles ( à suivre ) 

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  • Rugby cet après-midi... Bon, soyons sérieux... Suite et fin de ce chapitre et, annonce du suivant, rien que pour vous intriguer...

     

     

     

     

    La Saga de Luc

     

    disponible aux Editions les 3 Colonnes  

     

     

     

    La fête du Sablon - Les cousines - La quête

    L’espérance et le Philharmonique - La lessiveuse 

     

     

    La Saga de Luc ( suite )Luc passa sans problème, Jeanjean plus court et plus gros évita le pire. Pinpin, le plus petit, se mit à brailler, bloqué au sommet de la grille.

    - Qu’est-ce que tu fais? Tu veux alerter tout le quartier? Ou tu veux rester accroché là-haut en décoration de Noël?

    Pinpin pleurnicha,

    - Je voudrais bien t’y voir toi, j’ai une pointe dans le cul! Merde, ça fait vachement mal!

    Luc cria,

    - Putain! Le garagiste!

    La frayeur donna des ailes à Pinpin;

    - Où! Où il est!

    - Nulle part banane, tu vois bien que tu es passé!

    Pendant tout ce temps, une vieille en gris les observait de derrière sa fenêtre mansardée, au-dessus du garage. Personne ne l’avait jamais vue dans la rue. Été comme hiver, elle restait assise là, comme si elle avait été peinte sur un décor. Seuls ses petits yeux noirs mobiles indiquaient qu’elle vivait. C’est Jean-Marc qui, un jour, avait jeté le doute.

    - Attention les mecs, j’habite juste à coté, dans le même couloir, et je peux vous dire que j’entends des choses la nuit... C’est une sorcière, et si vous vous en approchez trop, elle peut vous jeter un sort, à votre place je me méfierais...

    Jeanjean et Luc voulurent se persuader que cette mise en garde ne servait qu’à les effrayer, les éloigner de l’accès de sa terrasse, mais une crainte subsistait.

    Un matin, Luc le cartable sur le dos, voulut essayer, juste avant d’aller à l’école. Il resta quelques instants sur le trottoir, jeta des regards furtifs vers la fenêtre, croisa les yeux de souris. Raidi par la peur, il entra dans la cour, en suivit le périmètre, s’attendant à chaque instant à une catastrophe. Quel serait l’accueil de l’instituteur s’il voyait un crapaud dans les rangs, ou une chèvre avec un cartable sur le dos? Il sortit sans se retourner, se dévisagea dans la vitrine du bazar. Non, aucune corne ne poussait sur son front, sa peau , n’était pas couverte de poils. Il resta inquiet cependant jusqu’à midi, s’assit sur une pierre et délaça ses chaussures. Non, pas de pieds fourchus, ouf! Si elle jette des sorts, réfléchit-il, je dois être trop fort pour elle, peut-être que si elle essayait, il lui faudrait tant de concentration, tant d’énergie qu’elle en mourrait. Comme une guêpe qui meurt après avoir piqué sa victime. Une déduction si éclatante le hissait au niveau du magicien Mandrake qui s’était sorti d’un problème semblable dans une de ses aventures. Le jeudi suivant, après avoir bien pesé le pour et le contre, il déclara la cour de garage” Zone maudite”, réservée aux plus braves. Jeanjean, son frère et le petit Yvan restèrent sourds à ses exhortations.

    - Chacun son tour, vous suivez lentement les murs, après, plus personne ne pourra vous jeter un sort, vous serez invincibles!

    Jeanjean et le petit Yvan émirent un doute sur l’utilité de la chose, et surtout sur l’absence de danger, tandis que Pinpin, vert de peur claquait des dents. Certain de son pouvoir nouveau, Luc saisit Pinpin par la main et le tira malgré lui le long des murs. De retour sur le trottoir, sous le regard dubitatif de son frère qui redoutait d’avoir à partager son lit avec un monstre, Pinpin contrôla enfin le claquement de ses mâchoires. Les deux autres ne parurent qu’à moitié convaincus malgré ce résultat probant.

    - Bon, dit le petit Yvan en observant Pinpin du coin de l’oeil, on y va aussi,mais tu passes devant, on ne sait jamais.

    Ils rasèrent les murs, précédés de Pinpin qui marchait comme à la parade.

    - On va la fixer tous les quatre, on se tient par la main pour se transmettre l’antidote, elle n’aura jamais assez d’énergie! Mains moites, la gorge sèche, leurs yeux convergèrent vers la fenêtre. Ils crurent deviner un sourire sur les lèvres de la vieille. La tension tomba.

    - Tu as raison, reconnut le petit Yvan, elle ne peut rien contre nous.

    Une Chenard Walker acculée à un mur faisait leurs délices. Le crin humide jaillissant des coussins crevés dégageait une forte odeur de moisi, mélangée à celle de graisse et d’autres choses indéfinissables. De sérieuses prises de bec devaient déterminer lequel aurait le droit de prendre le volant en premier, mais ils admettaient volontiers que Jeanjean n’avait pas son pareil pour le bruitage du moteur. Il montait les régimes jusqu’à l’essoufflement, criait, au bord de l’asphyxie “deuxième”, inspirait à fond et relançait un grondement d’enfer. Passée la troisième, les sons sortaient du nez, vibrants, aigus. Le petit Yvan qui s’y connaissait, se cramponnait au dossier en imaginant des virages les plus serrés les uns que les autres. 

    - La vache! On fait au moins du cent à l’heure!

    Encouragé, Jeanjean ajoutait des effets dramatiques, tournait le volant comme un fou, imitait aussi le crissement des pneus.

    - Tenez-vous les mecs! On passe un barrage de boches! Tire Luc! Tire bon dieu!

    Convaincus de jouer dans une auto abandonnée de la résistance, ils étaient persuadés que le tube apparent sous la calandre ne pouvait être autre chose qu’un canon de mitrailleuse. Luc s’arc-boutait sur le plancher, s’emparait du long frein à main, pressait le levier à ressort du déverrouillage et postillonnait les tac tac de la mitrailleuse.

    - En plein dans le mille! Sauvés!

    Ils s’affalaient alors sur les coussins, essoufflés. On se congratulait, on se remerciait. Épuisé, Jeanjean ajoutait,

    - On a bien failli y rester, j’ai senti des ratés à l’allumage, il faudrait un bon réglage du carbu...

    L’ennui, c’est qu’une fois les ailes du capot moteur relevées, ils ne pouvaient s’accorder sur l’emplacement du carburateur. Pinpin, ravi comme passager, se sentait frustré et maudissait ses jambes trop courtes lorsqu’il se glissait sous le volant pour actionner les pédales, et les grands se récriaient,

    - Si on roule avec toi, on se fiche dans le décor!

    De l’autre coté de la grille, en terrain dangereux, ils entendirent Jean-Marc leur crier depuis sa terrasse,

    - Bande de cons, je le dirai au garagiste, en plus vous ne savez même pas passer les vitesses!

    Ils seraient bien monté pour lui clouer le bec, mais les coups de gueule de la marseillaise les terrifiaient. Ils rebroussèrent chemin, de toute façon il se faisait tard.

    Luc avait complètement évacué l’incident de la suie, il sonna donc en toute confiance. C’est en voyant Carmen lui ouvrir qu’il repensa à sa sœur transformée en bloc de charbon. Comment expliquer le divin miracle? Rien, pas un mot, pas le moindre commentaire, un véritable état de grâce baignait l’appartement.

    Après un repas joyeux, Luc s’assit non loin des deux hommes, un journal déployé devant le nez, mais l’oreille tendue pour suivre leur conversation à voix basse. Paul revenait d’Indochine, Maurice avait connu la Russie sous l’uniforme allemand. L’un évoquait les combats dans les rizières, des histoires de piastres, de fumeries d’opium, l’autre parlait de steppes glacées, d’huile qui gelait dans les moteurs, de cosaques et de mongols effrayants. Il suffisait au garçon de presser les paupières pour en faire jaillir des images et des sons. Il se concentra sur les derniers mots de Paul, plus riches, plus évocateurs. Il parlait de marches dans la jungle, en pataugas et chapeau de brousse, des embuscades des petits salopards de viets. Luc s’endormit sur un nouveau scénario. Lieutenant, encerclé avec ses hommes, il recréait Cameron dans une rizière sournoise, bordée de jungle grouillante de serpents et de petits hommes en noir. Malgré son courage et son héroïsme, il mourait le dernier, drapé dans l’étendard du régiment. ( à suivre )

     

     

     

     

     

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