• La Provence à pied. 13

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    La Provence à pied. 13

     

    La Madone d’Utelle

    Utelle, Alpes-Maritimes, gorges de la Vésubie, au nord de Nice

     

    Les ballets roses de sœur Philomène

    La Provence à pied. 13 

    Certains détracteurs de Marco Polo prétendent qu’il n’a pas vécu ce qu’il a écrit, qu’il s’agit de récits empruntés à des marins portugais. Soit. Mais qu’importe, non ?

    Ces propos sont surtout destinés à celles et à ceux qui n’auraient pas eu la même vision des choses, et les autres, les malheureux, ceux qui n’étaient pas présents.

    Cela dit, une vive crainte s’installa pendant le regroupement dans ce pittoresque village. Tant de soleil, tant de beauté enchâssée dans un écrin de montagnes sauvages. Tout allait donc pour le mieux ? Les joyeux randonneurs allaient partir ainsi, la fleur au fusil ? Oh non !

    Une violente prise de bec opposa les deux têtes pensantes de la troupe qui se jetèrent à la face leur boussole. Il est bon de savoir que l’une a toujours confondu le nord avec la première bouteille de vin blanc venue et, que l’autre, s’obstine à tourner autour de sa boussole. Les esprits s’apaisèrent. L’honneur était sauf, car que serait notre randonnée sans propos acides et faux départ ? Ce qui suit devrait être classé « Secret Défense ». Il s’agit de l’audacieuse manœuvre enveloppante de notre illustrissime Leader Maxima Unica.

    Faisant fi des conseils judicieux prodigués par une randonneuse de base, notre belle tête rousse s’enfonça dans un chemin obscur, encombré de ronces et de lianes gluantes d’où tombaient des nuées de sangsues affamées, et de moustiques monstrueux. Même le hurlement du loup de Tasmanie n’ébranla pas son entêtement. Elle ne réagit que lorsqu’elle sentit une main se poser sur sa tête, et se trouva face à face avec un homme des bois qui la poursuivit, en transes, les yeux hors de tête et criant comme un démon :

    -       J’vais m’le faire le petit cèpe, j’vais m’le faire vingt dieux ! Mais qu’esse qui coure le bougre !

    Elle jugea bon de rebrousser chemin. Et c’est là qu’on reconnait les chefs, les vrais. Elle accusa, sans sourciller, la randonneuse de base qui se tenait les côtes, de rire.

    -       Dis donc, toi, tu ne pouvais pas me dire que c’était la mauvaise direction ? On ne peut vraiment pas se fier à qui que ce soit !

    Un observateur, vêtu de rouge, observa à la jumelle, depuis la table d’orientation, le repli en bon ordre. Pourtant, le groupe se scinda en deux, comme un ver de terre tranché par une bêche. Le premier groupe suivit une voie logique, simple, et se retrouva au sommet en peu de temps. Ce groupe traversa un amour de terrain vallonné, à l’ombre de châtaigniers superbes. L’observateur admira le mouvement tournant, ordonné par LMU, au second groupe. Ce fut un mouvement tournant, vraiment tournant, un très grand tournant. La manœuvre hardie couvrit les quatre points cardinaux. Seul un précipice empêcha une seconde tournée.

    Le regard plongé dans le néant, les traits plus tirés que ceux de Catherine Deneuve, les rescapés arrivèrent au sommet pour constater avec amertume, que le premier groupe rangeait les reliefs du pique-nique. Donc, macache pour le rosé. Désolé, Présidente…

    Une grande bâtisse sur le sommet, élevée par des marins naufragés, invita les randonneurs, figés en pleine componction, à visiter les lieux, l’annexe à la chapelle. Le moins qu’on puisse dire, c’est que toutes ces braves gens s’ébaubirent à la vue du souk spécialisé, non pas dans les nourritures spirituelles, mais dans la bouffe, la bonne bouffe ! Imaginez : véritables cocos blancs du Cap, bière ambrée des trappistes teutons de Freudenstadt, biscuits de sainte Hildegarde de Brunnen Wald, véritable rhum arrangé de la Martinique, alcools de poire, de figues et autres fruits distillés. Pain d’épices, cassoulets et confits de canard. Bref, de quoi fusiller son taux de cholestérol. Il ne manquait plus que la vente d’indulgences !

    Un esprit curieux voulut s’aventurer dans le fond de cette caverne d’Ali Baba, vers une zone d’ombre, de clair-obscur, propice au mysticisme. Une planchette en érable, gravée à la pointe de feu, collée sur une paroi rongée par le salpêtre, promettait le paradis sur terre : Ballets roses.Alors, gravir ces magnifiques pentes n’aurait pas été vain ? Les plaisirs célestes seraient dispensés, ici, à 1624 mètres ? Tout frétillant et émoustillé, le témoin de la chose s’assura qu’il n’était pas suivi par sa douce femme, et se lança hardiment vers la promesse de la volupté dans le péché. Il coupa à son insu le faisceau d’une cellule photoélectrique et provoqua l’illumination du fond de la galerie. Une religieuse toute vêtue de noir, au regard pétri de bonté, joignit les mains sur son opulente poitrine.

    -       Alors, mon fils, tu as trouvé la voie qui mène à la paix et la sérénité ? Oh, je vois ta bouche s’arrondir d’étonnement. Je suis sœur Philomène, à ton service. Tu peux choisir parmi trois modèles : le petit, le moyen, et le grand. Ces balais sont entièrement faits main, dans un bois de mélèze dont tu peux voir les jolis reflets roses. Si tu veux la totale et étonner ta femme…

    Je ne vous dirai pas son nom, d’autant plus que sa femme l’apostropha sèchement

    -       Que veux-tu que je fiche avec trois balais ? Tu t’es encore fait avoir !

    Aucune contestation sur le chemin du retour… Est-ce cela le miracle de la Madone d’Utelle ?         Gérard Stell                 

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